Résumé
Les opérations dans le spectre électromagnétique, c’est-à-dire l’exploitation de ce spectre à des fins de télécommunications, de télédétection et de positionnement, navigation et timing (PNT), la guerre électronique et le renseignement d’origine électromagnétique, représentent le substrat de toutes les fonctions opérationnelles de notre système de force. Ces opérations sont transformées par des mutations technologiques rapides, particulièrement la numérisation. Elles se traduisent par des équipements « software-defined » permettant des opérations plus flexibles, l’émergence du « combat cyber-électronique » – laquelle ne va pas sans poser de sérieux défis cependant – et de la guerre électronique « non traditionnelle ». De nouvelles technologies comme l’Internet des objets ou à plus long terme les technologies quantiques, révolutionneront plus encore ces opérations, présentant des défis comme des opportunités.
Dans ce contexte, les forces occidentales font face à un étalement du spectre des menaces. En l’état, la Chine et la Russie sont les seules puissances au seuil du combat cyber-électronique et disposant d’un arsenal complet de moyens en mesure d’affecter le spectre électromagnétique dans l’ensemble des milieux, y compris spatial. Les capacités de la plupart des autres acteurs restent, au mieux, lacunaires : moyens rudimentaires de brouillage GPS ou des SATCOM, systèmes d’autoprotection, etc. Cependant, plusieurs facteurs sont susceptibles de renforcer cette menace. La guerre électronique est en effet un moyen idoine pour contrer les capacités de reconnaissance-frappe qui se développent et/ou pour exécuter des stratégies « ambiguës ». Les moyens, même limités, de guerre cyber-électronique non-traditionnelle pourraient proliférer y compris entre les mains d’un plus grand nombre d’acteurs étatiques comme non-étatiques.
Dans ce contexte, à court-moyen terme, l’interdiction de capacités comme les SATCOM semble devoir rester l’apanage des principales puissances. En revanche, les réseaux locaux mis en œuvre sur les bases de nos armées de même que les équipements individuels peuvent présenter des vulnérabilités plus étendues.
Les forces terrestres sont plus spécifiquement confrontées à la densification des capacités d’attaque électronique contre les échelons tactiques les plus bas, susceptibles d’entraver la conduite de la manœuvre au contact et de ses appuis. Certes, nos forces sont théoriquement en mesure de neutraliser cette menace mais sont contraintes par le volume compté, voire « échantillonnaire », de nos capacités et le nombre de missions qui leur seraient imparties. En outre, la congestion du spectre EM, notamment en zone urbaine, affecterait en premier lieu les forces terrestres. Notre composante aérienne fait surtout face au modèle russe et à sa prolifération éventuelle, consistant à intégrer une GE à longue portée dans la bulle d’interdiction aérienne adverse, susceptible d’entraver nos capacités ISR et de frappes de précision dans la profondeur. La dégradation de l’environnement EM naval semble elle se poser selon deux problématiques. La première est celle du combat naval hauturier et concerne le haut du spectre face aux plus grandes puissances, les seules à disposer des capacités aériennes et navales nécessaires. La seconde est celle des opérations en zone littorale, notamment des opérations amphibies. Nos forces navales pourraient y faire face non seulement à l’ensemble des menaces de GE contre leurs moyens de transmission et de télédétection mais également, elles-aussi, à la congestion du spectre EM.
Les recommandations, déclinées dans le spectre capacitaire DORESE, se structurent autour de quelques axes clés : la résilience de nos capacités, combinant des mesures visant à améliorer ou, au contraire, à réduire l’exploitation du spectre EM ; le développement des capacités de lutte contre les menaces d’attaque électronique et de combat cyber-électronique ; enfin le développement des méthodes et outils permettant une gestion du spectre plus dynamique.