Sommaire du n°17 :
Les effets du changement climatique sont de mieux en mieux documentés et connus grâce aux travaux du Groupe intergouvernemental d’experts du climat (GIEC) notamment. Ces effets sont toutefois souvent perçus comme secondaires dans le secteur aéronautique lorsqu’ils sont considérés individuellement, mais ils constituent bel et bien une problématique globale pour l’aviation. Le secteur aéronautique a identifié clairement sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre et s’est engagé dans des initiatives d’atténuation, à l’image du programme européen Clean Sky, suivi par l’Advisory Council for Aviation Research and Innovation (ACARE). En revanche, la nécessité d’adapter les métiers et les matériels de l’aéronautique aux conséquences du changement climatique n’est ni aussi étudiée, ni autant prise en compte par les industriels et les exploitants, aussi bien civils que militaires. Pourtant, les impacts sur les missions et les conditions d’opération des matériels de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAeE) sont bien réels et limiteront à terme son efficacité si rien n’est fait. Le présent document référence ces impacts et propose un tableau récapitulant les principales conséquences concrètes du changement climatique pour l’aviation civile et militaire.
Le changement climatique modifie l’ensemble des couches de l’atmosphère
Paru entre 2021 et 2023, le sixième rapport (AR6) du GIEC conclut qu’il faut baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’ordre de 45% d’ici 2030 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C en 2100. Cependant, les projections du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) montrent que les politiques gouvernementales en faveur de l’atténuation, fixées depuis la COP26, ne limitent le réchauffement qu’à 2,4-2,6°C supplémentaires d’ici à 2100. De plus, au regard des émissions actuelles, le réchauffement devrait même atteindre le seuil symbolique des +1,5°C au plus tard en 2040. Dans tous les cas, la température moyenne à la surface de la Terre est vouée à encore augmenter en raison des émissions passées et futures. Par ailleurs, d’autres sources de préoccupations majeures sont soulignées par l’AR6 parmi lesquelles figurent l’élévation du niveau marin, la forte hausse des émissions de méthane, ainsi que la perte d’efficacité des puits de carbone, ces réservoirs naturels ou artificiels qui absorbent et stockent le carbone de l’atmosphère.
Sous l’effet de ce dérèglement planétaire, plusieurs modifications physiques importantes touchent les cinq couches de l’atmosphère (troposphère, stratosphère, mésosphère, thermosphère et exosphère). D’abord, la hausse de la température dans la troposphère, couche la plus proche de la surface où sont concentrés la plupart des GES et où se produisent la majorité des évènements météorologiques, provoque la dilatation de celle-ci. En conséquence, la tropopause, à savoir la limite entre la troposphère et la stratosphère située entre 9 et 16 km selon la latitude, s’élève de l’ordre de 40 à 120 mètres par décennie entre 1981 et 2015. Par ailleurs, la stratosphère, où se trouve la couche d’ozone, se refroidit d’une part (entre -0,56°C et -0,16°C par décennie dans la stratosphère moyenne et entre -0,62°C et -0,29°C dans la haute stratosphère durant la période 1980-2019), et s’amincit, d’autre part (400 mètres en moins entre 1980 et 2018). Le phénomène d’amincissement est voué à se poursuivre dans le temps – du moins au cours du XXIe siècle – et la stratosphère devrait perdre environ 1,3 km d’épaisseur d’ici 2080, soit une baisse de 3,7% par rapport à l’épaisseur de cette couche durant la période 1980-2018.
S’agissant de la haute atmosphère (50 à 10 000 km), les trois couches qui la composent se refroidissent et rétrécissent également en réaction aux phénomènes décrits précédemment, en particulier dans la mésosphère, qui a perdu 2°C à 3°C et s’est réduite de 150 à 200 mètres par décennie jusqu’à présent. Une tendance qui devrait se confirmer dans le temps puisque que le refroidissement moyen global et la baisse de la densité de la thermosphère prévus pour la période 2015-2070 seront environ deux fois plus importants que par le passé. A ces changements s’ajoutent une perturbation attendue de l’ionosphère, grâce à laquelle le réfléchissement des ondes radioélectriques permet d’assurer les communications radios et satellites dont de nombreuses activités dépendent.
Correspondances entre les tranches d’altitude opérationnelle et des couches atmosphériques utilisées par les scientifiques
Les modifications de l’environnement climatique induites affectent d’ores et déjà les opérations de l’armée de l’Air et de l’Espace et devraient s’aggraver
En ce qui concerne l’aviation militaire, les changements environnementaux ayant un impact non négligeable sur les opérations de l’AAeE peuvent être répartis en trois grandes catégories : la perturbation du cycle hydrologique de la Terre, l’évolution de la densité de l’air sous l’effet de la hausse globale des moyennes thermiques et l’évolution des vents et des tempêtes.
Perturbation du cycle hydrologique
La modification du cycle hydrologique se traduit par la hausse des précipitations globales, la survenue plus fréquente de pluies violentes et soudaines, un taux d’humidité atmosphérique qui s’accroît, des écarts plus importants entre extrêmes humides et secs, de plus en plus de tempêtes extrêmes, notamment dans l’Atlantique et le Pacifique Nord, etc. Ces phénomènes compliqueront la planification des vols, en particulier pour les hélicoptères, à cause du manque de visibilité et de plafond optimal. Il sera nécessaire d’adapter davantage le profil des missions, en faisant preuve d’un maximum de flexibilité, et les aéronefs seront de plus en plus exposés à des risques d’endommagement, voire de destruction. L’humidité crée quant à elle des problèmes de corrosion, menaçant surtout les composants électroniques, et peut limiter le vol à vue en brouillant la visibilité, sans compter le fait qu’elle altère aussi les performances des capteurs (IR2, IR3) et du laser de visée. A cela s’ajoute des conditions plus propices au givrage, qui dégrade les performances des aéronefs à cause des masses de glace qui s’accumulent sur les ailes et les pales. En vol, les avions de chasse sont moins concernés par ce problème, tandis que les missions à bord d’hélicoptères et de gros porteurs seront plus souvent annulées ou réduites dans le temps pour atténuer les risques. Au sol, tous les types d’aéronefs sont vulnérables s’ils ne sont pas à l’abri. Les épisodes de grêle, auxquels les verrières des aéronefs sont très sensibles, devraient aussi s’intensifier et poser le même problème que pour le givrage. Enfin, la multiplication et l’intensification des orages et risques de foudre menacent la sécurité des équipages et la protection de l’électronique embarquée. A l’avenir, l’évolution du front intertropical (FIT) en Afrique, ainsi que des phénomènes de mousson et d’El Nino, sont particulièrement préoccupants pour la bonne conduite des opérations de l’AAeE face à un risque de foudre spatialement plus étendu et potentiellement plus intense.
Evolution de la densité de l’air et réchauffement global
L’élévation globale des températures agit mécaniquement sur la densité de l’air, dans la mesure où l’air se dilate en se réchauffant. De cette façon, le nombre de molécules assurant la portance des aéronefs diminue, ce qui altère leurs performances au décollage, en vol et à l’atterrissage. La densité de l’air à proximité de la surface est celle qui a le plus baissé. L’altitude-densité (c’est-à-dire le lien altitude-pression corrigé en fonction des variations de température), paramètre de base pour le vol d’un aéronef, est ainsi largement modifiée. Ce phénomène concerne aussi bien les flottes de transport que de chasse et d’hélicoptères. Afin d’y faire face, les opérationnels sont contraints de réduire la capacité d’emport au décollage (armements, hommes, carburant) ou d’allonger les distances de décollage, ce qui n’est pas toujours possible. Le profil des missions et la capacité de projection pourront ainsi être limités. Toutefois, les aéronefs sont rarement chargés au maximum de leurs capacités, donc il reste des marges substantielles en cas d’imprévus. Concernant les impacts de l’augmentation des températures moyennes à travers le monde, ils sont nombreux : réduction de la charge utile lors des épisodes de chaleur extrême en période estivale, adaptation des plans de ravitaillement et des plages horaires (en privilégiant la nuit et la matinée plus fraiches), hausse de la consommation énergétique pour la climatisation, dégradation de performances et vols plus fréquemment en condition de « mode dégradé », baisse de l’efficacité de certains équipements (caméra thermique, guidage infrarouge), hausse des risques d’épuisement des équipages (dont la capacité de discernement est altérée), augmentation du nombre de pannes, etc.
Evolution des vents et des tempêtes
Enfin, le changement climatique modifie la structure et la vitesse des vents, ce qui a des conséquences durables sur la vitesse et les trajets des vols. La modification des trajectoires des courants-jets devrait entraîner une modification des cartes des vents et donc des routes aériennes. C’est une évolution qu’il convient de prendre en compte dans la planification des futures missions. Dans certains cas, les pistes ne seront plus orientées dans le sens des vents dominants, entraînant ainsi des pertes de performance au décollage et à l’atterrissage. En outre, des vents de plus en plus imprévisibles créeront davantage d’incertitudes pour le guidage des missiles en vol dans la basse atmosphère. L’intensification des vents violents et des turbulences favorisera le décrochage des turbines et l’arrêt des moteurs. Etant déjà contraints d’éviter les zones de turbulences, les avions-cargos verront la planification de leurs missions se compliquer. Les avions de transport et les hélicoptères sont les plus touchés par ces phénomènes, car le pilotage deviendra plus difficile à leur bord et la nécessité d’atterrir rapidement dans ces conditions s’imposera plus souvent. Certaines missions seront de plus en plus fréquemment annulées à cause des vents violents, car ces derniers empêchent le saut en parachute, l’éjection des pilotes en cas d’urgence ou la préparation des hélicoptères au sol. Pour finir, les tempêtes de sable et de poussières de plus en plus intenses et fréquentes limiteront la visibilité et donc le vol à vue, à tel point que des décollages et des atterrissages
seront retardés, tandis que des vols seront déroutés. Les particules de sable et de poussière érodent les surfaces et endommagent notamment les moteurs d’hélicoptères. Au Mali, le sable abrasif du désert accélère le vieillissement des matériels et des équipements. Par conséquent, des pannes à répétition et des envois en révision plus fréquents sont à prévoir, de même qu’une surconsommation de certains éléments (hélices pour vecteurs tactiques, pales d’hélicoptères, moteurs, verrières de cockpits, turbogénérateurs de démarrage, etc.), ce qui aura un coût logistique et de maintenance non négligeable. De plus, les poussières et le sable transportés par les vents causent des problèmes de santé tels que des migraines, des poussées d’hypertension artérielle, des bronchites, ainsi que des épidémies de méningite.
Les opérations spatiales militaires également exposées à des risques, malgré davantage d’incertitudes
Evolution de la couverture nuageuse
Le changement climatique devrait avoir des conséquences sur la couverture nuageuse dans la mesure où il entraîne une diminution de la fraction couverte par les nuages bas d’une part, et d’autre part une élévation des nuages hauts, renforçant ainsi l’effet de serre. En outre, le nombre et la répartition spatiale des nuages à la surface de la Terre va évoluer : il y aura de moins en moins de nuages dans les zones arides, ainsi que là où l’humidité baisse légèrement, tandis que le couvert deviendra de plus en plus opaque dans les zones humides appelées à l’être davantage en raison du dérèglement climatique. Par ailleurs, avec le refroidissement croissant de la mésosphère, la concentration de vapeur d’eau s’accroît dans cette couche, ce qui favorise l’apparition de nuages noctules-cents (NLC) plus brillants, à des latitudes moins élevées et plus tôt dans l’année. Au vu de ces évolutions, les performances des capteurs optiques des satellites, dont dispose la France, pourraient se dégrader ou être inopérantes dans certaines régions où elle est présente et/ou impliquée (Indo-Pacifique, Amérique latine, Afrique tropicale, Europe de l’Est).
Perturbation des couches ionosphériques
Le refroidissement et la contraction thermique des couches supérieures de l’atmosphère se traduisent par un abaissement des couches ionosphériques. L’ionosphère pourrait être affectée par des changements majeurs, comme l’évolution du contenu total en électrons (Total Electron Content – TEC), susceptibles d’altérer les performances des satellites radars permettant d’observer la Terre. Les perturbations ionosphériques peuvent surtout poser problème pour les signaux GPS et, dans une moindre mesure, pour les signaux de télécommunication. A l’avenir, si les communications radios et satellites sont moins fiables à cause du changement climatique, cela aura nécessairement un impact sur les opérations militaires dans des théâtres d’opération éloignés.
Baisse de la densité dans la haute atmosphère
Plusieurs études ont démontré que le refroidissement et la rétractation de la mésosphère entraînent une baisse de la densité des couches supérieures à hauteur fixe : ces dernières « s’effondrent » et l’atmosphère perd ainsi en densité. Ce phénomène réduit la traînée atmosphérique sur les engins spatiaux traversant la thermosphère (dont les satellites notamment), ce qui signifie qu’ils sont insuffisamment ralentis et la force d’attraction s’affaiblit. Par conséquent, leur durée de vie s’allonge et le taux d’accumulation des débris spatiaux (vieux satellites complets hors d’usage, morceaux de fusée, boulons, sangles, objets perdus par des astronautes, etc.) s’accentue. D’ici une dizaine d’années, ce sont entre 65 000 et 100 000 satellites qui devraient graviter entre 500 et 800 km, ce qui accentueraient les risques de collision pour toutes les constellations de satellites actuelles et futures (Space X, Blue Origin, One Web, StarNet, Cinnamon, CERES, etc.). Face aux changements environnementaux attendus dans la haute atmosphère, tous ces acteurs devront composer avec des délais plus longs pour la planification et une durée de déploiement plus courte, en particulier pour les petits et micro satellites (dits « CubeSats »).
Des infrastructures aéroportuaires et aérospatiales de plus en plus vulnérables
La situation géographique des aéroports peut conduire à l’intensification de certaines conditions météorologiques à l’échelle locale. Avec le réchauffement global, un risque de surchauffe des aéronefs et des bases aériennes est à prévoir, limitant parfois les décollages au-delà de certaines températures. A ces difficultés s’ajoute le problème de l’altitude-densité, aggravé par les fortes chaleurs, ce qui a des répercussions sur les capacités d’emport. A titre d’exemple, sur la base américaine de Little Rock dans l’Arkansas à 310 pieds (95 m), on mesurait au cours des trente dernières années une altitude-densité de 3000 pieds (914 m) pendant au moins 20% des jours du mois de juillet. A horizon 2040-2069, dans le cas du pire scénario (RCP 8.5), on estime qu’au moins 70% des jours de juillet auront une altitude-densité de 3000 pieds. La multiplication et l’intensification des vagues de chaleur accentuent la nécessité de climatiser davantage les bâtiments dans lesquels se prépare l’équipage, ainsi que les lieux où sont stockés les matériels militaires et les armements.
Les bases aériennes situées à proximité des côtes et/ou des cours d’eau seront de plus en plus exposées à des risques de submersion marine et d’inondation partielle ou totale. Dans cette situation, les pistes sont impraticables et les aéronefs sont contraints de rester au sol ou ne peuvent pas atterrir. Or, lorsque le trafic aérien est déjà dense et/ou concentré sur un seul axe, une inondation dans un aérodrome peut interrompre la liaison de sites militaires, ainsi que les approvisionnements. De plus, des risques de perte et d’immobilisation des matériels de servitude aérienne sont à prendre en compte. L’exemple de la base aérienne de Tyndall (Floride) illustre bien ce problème. En octobre 2018, à quelques semaines d’intervalle, les ouragans Michael et Florence ont frappé de plein fouet le littoral où se situe la base, et ont cau-sé des dégâts considérables. 484 bâtiments ont été endommagés, ainsi que plusieurs avions de combat F-22, en raison de l’effondrement d’une partie du toit des hangars qui abritaient ces appareils, et 792 450 m3 de débris ont été retirés.
Estimée entre 4,7 et 6 milliards de dollars, la reconstruction de la base devrait durer cinq à sept ans. L’année suivante, la base d’Offutt (Nebraska) vit quant à elle un tiers de sa surface et 30 de ses bâtiments être inondés jusqu’à deux mètres au-dessus du sol, suite à la hausse rapide des niveaux d’eau des rivières environnantes, provoquée par des chutes de neige records. Côté français, certaines bases sont exposées à l’érosion du trait de côte ou à l’inondation/submersion, telles que celle de Port-Bouët en Côte d’Ivoire ou le centre spatial basé à Kourou en Guyane française.
Les tempêtes de sable et de poussières, les orages, l’expansion spatiale du risque de foudroiement et la hausse des précipitations globales et extrêmes sont susceptibles de fragiliser davantage les infrastructures, vouées à être de plus en plus soumises à la répétition de chocs plus ou moins violents. Ces paramètres nuisent aussi aux matériels (infiltration de sable ou de poussières dans les moteurs, risques de foudroiement, matériels endommagés en cas de retournement ou d’effondrement, etc.), ce qui nécessite de les abriter de plus en plus. L’évolution du front intertropical (FIT) en Afrique, sous l’effet du changement climatique, apparaît à ce titre sensible. La hausse attendue de l’humidité dans les régions de mousson aggravera les problèmes de corrosion sur les infrastructures et peut conduire à des accidents tels que des effondrements qui menacent la sécurité des militaires et des matériels. Avec l’évolution des vents dominants (jet-streams), les pistes de certains aéroports ne seront plus correctement orientées et la valeur maximale admissible de la composante de vent de travers (auquel les chasseurs sont sensibles) sera dépassée. Or, il ne sera pas toujours possible de construire une nouvelle piste ou d’en allonger quelques-unes si l’aéroport est trop enchâssé dans une zone urbaine.
Hormis les risques sur les infrastructures aéroportuaires, l’aviation civile et militaire apparaît confiante vis-à-vis de l’aptitude de ses équipements, et plus largement de ses capacités, à faire face aux conséquences du changement climatique. Mais les effets de l’évolution du climat sont vus le plus souvent de manière isolée, or le tableau ci-après montre l’intérêt de les traiter conjointement et d’examiner la combinaison de ces risques pour le secteur aéronautique. Ces effets sont d’ores et déjà variés et significatifs, que ce soit dans des zones géographiques particulières ou de manière saisonnière. Les projections du GIEC montrent que ces conséquences dimensionnantes pour l’aviation vont concerner des zones géographiques étendues, et pendant des intervalles de temps plus longs. L’aviation civile comme militaire est ainsi exposée à des risques de nature différente mais bien réels, qui nécessiteront des évolutions des procédures, des doctrines et des équipements pour conserver des impératifs comme la sécurité et la performance opérationnelle.