Impact économique de la filière industrielle, "Composante océanique de la Dissuasion", Volet 2
Recherches & Documents n°02/2017
Hélène Masson,
Stéphane Delory,
1 janvier 2017
Note
Cette publication est le second volet d'une étude consacrée à l'impact économique de la filière industrielle « Composante océanique de la Dissuasion ».
Synthèse (télécharger)
Conception, production, mise en œuvre, et maintien en condition opérationnelle des capacités de dissuasion : le choix de l’indépendance et de l’autonomie
La France a fait le choix de l’indépendance et de l’autonomie pour ses forces de dissuasion. Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et propulsion nucléaire, missiles et têtes nucléaires (dont l’approvisionnement de matières nucléaires), transmissions spécifiques et infrastructures associées, le pays ne dépend d’aucune puissance étrangère pour la conception, la production, la mise en œuvre, l’entretien, la modernisation et le démantèlement des différentes composantes de la FOST. Cette stratégie distingue la France du Royaume-Uni, en situation de dépendance vis-à-vis des Etats-Unis dans des domaines clés : missiles balistiques, têtes nucléaires, propulsion nucléaire et système de navigation.
Le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2013 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Ministère de la Défense, Paris, 29.04.2013, 160 pages, p.124. et la LPM 2014-2019 Loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, JORF n°0294 du 19 décembre 2013, rapport annexé. ont ainsi clairement réaffirmé l’importance de maintenir le potentiel scientifique, technologique et industriel qui permet à la France depuis presque cinq décennies de figurer dans le cercle restreint des Etats concepteurs, producteurs et opérateurs de SNLE et de missiles balistiques stratégiques (MSBS) Si les États-Unis, la Russie, la France, et le Royaume-Uni, sont des Etats concepteurs, producteurs et opérateurs historiques de SNLE (premiers programmes lancés dès les années 1950 et 1960), ils ont été rejoints depuis, mais avec difficulté, par la Chine (années 1980), l’Inde développant également actuellement un programme. Toutefois, dans ce cercle restreint des Etats producteurs et opérateurs de SNLE et de MSBS, il convient de rappeler que seuls la France, les Etats-Unis, la Russie, et désormais la Chine, maîtrisent en toute indépendance la propulsion navale nucléaire..
« Œuvre de synthèse », le SNLE est un ensemble complexe, dont l’efficacité est liée à la qualité de l’intégration des systèmes constitutifs du navire et à la gestion des interfaces techniques entre les grands systèmes. En outre, la mise en œuvre opérationnelle du système d’arme dissuasion impose l'« appairage » continu entre le sous-marin, le missile stratégique et la charge utile (composée des têtes nucléaires et des aides à la pénétration Pastré Bertrand, « Missile Balistique de la composante nucléaire océanique : enjeux industriels », Défense nationale, n°782, été 2015, pp.78-82.). Ces fondamentaux imposent une maîtrise d’ouvrage forte (portée par Cœlacanthe) et une coordination des quatre chefs de file assurant la maîtrise d’œuvre industrielle, DCNS (maître d’œuvre d’ensemble et architecte d’ensemble du navire), Areva TA DCNS et AREVA TA sont co-traitants pour la conception et la réalisation des sous-marins nucléaires. (maître d’œuvre et fournisseur des réacteurs nucléaires), Airbus Safran Launchers (maître d’œuvre du système d’arme des missiles balistiques) et le CEA DAM (maître d’œuvre d’ensemble des armes -têtes nucléaires- et de la simulation).
Entre exigences de performances et contraintes liées au domaine dissuasion
La FOST doit être en mesure de réaliser sa mission dans la durée et de manière autonome, crédibilité opérationnelle et crédibilité technique sont donc intrinsèquement liées. Cet enjeu engage DCNS, AREVA TA, Airbus Safran Launchers, le CEA DAM, et leur filière respective.
Pour les entreprises ayant des activités dans le domaine dissuasion, les contraintes sont fortes et multifacettes, le niveau d’exigence particulièrement élevé.
- Les systèmes et équipements embarqués sur un SNLE doivent offrir des performances d’exception, tout en répondant aux plus hautes exigences de fiabilité, de sécurité et de sûreté. Les technologies sont durcies pour supporter de nombreuses contraintes inhérentes à l’environnement sous-marin, et à la spécificité des opérations dans l’environnement spatial en particulier pour les missiles MSBS. Pour une entreprise, cela signifie être capable de se hisser au meilleur niveau mondial dans ses domaines d’expertise.
- Les commandes sont généralement limitées en volume (petites séries), leur tempo variable et discontinu (espacement dans le temps des programmes). Cette situation particulière signifie pour les entreprises d’être capables d’absorber les baisses et les pics de charge, tout en maintenant dans la durée des compétences spécifiques, rares et de haut niveau, afin d’assurer une continuité scientifique, technique et industrielle (capacité de conception, production, MCO et gestion des obsolescences).
- Les entreprises doivent également prendre en compte les contraintes liées à la protection du secret de défense. Une politique de sécurité garantissant la mise en œuvre du dispositif de protection des informations ou supports classifiés au sein de l’entreprise, ainsi que chez les sous-traitants, est une obligation.
- La nécessité de maîtriser en interne les domaines les plus stratégiques et sensibles façonne le modèle économique de l’entreprise, en imposant une localisation des activités sur le territoire national, et si sous-traitance il y a, en assurant un pilotage et un suivi rigoureux de la supply chain.
- L’assurance sur la qualité et la continuité de l’approvisionnement est ici un impératif. Elle impose pour les systèmes, équipements, et composants critiques, un approvisionnement en France, afin d’éviter toute situation de dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers (européens, et a fortiori américains, avec les risques de contrôle export étranger liés, notamment ITAR).
- L’interdiction d’exporter ces mêmes systèmes et équipements critiques signifie l’absence d’un véritable marché en dehors des commandes étatiques nationales.
Spécificité et criticité des compétences
SNLE, chaufferie nucléaire embarquée et MSBS, les maîtres d’œuvre mobilisent chacun sur leur segment respectif des compétences et des infrastructures industrielles spécifiques et critiques, en matière de conception et de développement, d’assemblage et d’intégration, de qualification et de réalisation des essais, d’entretien, de démantèlement et de déconstruction.
Cette spécificité est notamment liée à l’environnement maritime et militaire d’emploi, au Système d’Armes Dissuasion (SAD), aux performances attendues, au nombre et à la taille des systèmes et composants à intégrer dans une plateforme mobile et de faible diamètre, à la gestion des milieux eau-air et la transition entre eux deux (sortie d’eau du missile), ainsi qu’aux exigences strictes de sûreté et de sécurité nucléaire.
Dans de nombreux domaines techniques (voir tableaux ci-après), les compétences sont considérées comme critiques. La criticité n’est pas ici une notion désincarnée. Elle est fonction d’un certain nombre de facteurs Diez R., Sarton L., Transférer les compétences, comment éviter les pertes de compétences stratégiques, Eyrolles, 2012. Voir également Ermine Jean-louis, « Valoriser les connaissances critiques d’une entreprise », in Gestion Dynamique des Connaissances Industrielles, B. Eynard, M. Lombard, N. Matta et J. Renaud eds., collection IC2, Hermes Science publications, octobre 2004, pp 107-125.: forte spécificité technique, difficulté d’acquisition par une formation classique initiale ou continue, poids de l’expérience dans la maîtrise de la compétence (savoir théorique et pratique construit tout au long du parcours professionnel), rareté de cette maîtrise (nombre restreint de salariés dépositaires de la compétence et non disponibilité sur le marché de l’emploi) et importance stratégique (proximité avec le cœur de métier de l’entreprise).
Domaines techniques |
Exemples de compétences impactées par les spécificités SNLE |
Architecture et maîtrise d'œuvre d'ensemble |
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Coque & Structures |
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Composante Embarquée du Système d'Arme Dissuasion (CESAD) |
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Système de Combat et Plateforme |
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Performances transverses |
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Domaines techniques |
Exemples de compétences |
Architecture et Maîtrise d’œuvre chaufferie nucléaire |
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Conception système mécanique et électrique |
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Physique des réacteurs et des cœurs à plaques |
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Conception contrôle-commande |
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Fonctionnement général et sûreté nucléaire |
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Fabrication combustible |
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Domaines techniques |
Exemples de compétences impactées par les spécificités MSBS |
Architecture système |
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Conception mécanique |
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Performances et logiciels |
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Ingénierie sol bord |
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Performances transverses |
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Des emplois générés en France
Comme l’illustre la carte ci-dessous, si l’ensemble des sites DCNS est innervé par les activités Dissuasion/SNLE, cinq d’entre eux se caractérisent par un degré de dépendance plus marqué : Cherbourg, Brest, Nantes-Indret, Toulon-Ollioules, Ruelle et St Tropez. Les trois implantations principales d’AREVA TA, Saclay, Cadarache et Aix-en-Provence, sont tous fortement dépendants des activités liées à la composante océanique de la dissuasion. C’est également le cas pour les sites d’Airbus Safran Launchers localisés à St-Médard-en-Jalles, Le Haillan, Issac, Brest (Île Longue), Le Bouchet, et dans une moindre mesure, Les Mureaux et Toulouse.
Afin de mesurer l’impact économique (emplois générés) des activités de DCNS, AREVA TA et Airbus Safran Launchers liées à la composante océanique de la dissuasion, la méthode input-output a été mobilisée Voir Annexe « Impact économique : méthodologie ».. Cette méthode nécessite de connaître le montant de ces activités Il couvre un périmètre restreint aux activités du groupe liées aux SNLE : études en cours sur le SNLE de troisième génération, MCO des SNLE (entretien courant - maintien de la posture), IPER et programme IA M51, démantèlement et déconstruction des SNLE de première génération, MCO des missiles stratégiques (en sous-traitance d’Airbus Safran Launchers), Île Longue (exploitation, maintenance, études relatives aux infrastructures). (données fournies par les entreprises) et sa décomposition en termes de branches d’activité. L’exercice distingue deux types de période : les périodes hors programme de renouvellement, les périodes de renouvellement qui vont générer une activité supplémentaire.
Les emplois générés en France représentent l’addition des emplois directs, indirects et induits :
- Emplois directs : effectifs internes de DCNS, AREVA TA et Airbus Safran Launchers (production et hors production) liées à la composante océanique de la dissuasion.
- Emplois indirects : effectifs générés par les commandes de DCNS, AREVA TA et Airbus Safran Launchers au sein de la chaîne de fournisseurs et sous-traitants, du rang 1 au rang n.
- Emplois induits : effectifs générés par la consommation des seuls emplois indirects.
Activité annuelle moyenne 2011-2015 : hors renouvellement | Activité annuelle moyenne lors des 20 années de renouvellement | |
Effectifs directs et indirects en France |
9 900 | 13 000 |
Effectifs induits en France |
2 800 | 4 300 |
Emplois directs, indirects et induits en France | 12 600 | 17 300 |
Ainsi, en période hors programme de renouvellement, nous pouvons considérer que l’activité liée à la composante océanique de la dissuasion de DCNS, AREVA TA et Airbus Safran Launchers génère environ 9 900 emplois directs et indirects par an.
En période de renouvellement, cette activité génère 13 000 emplois directs et indirects par an, sur une période de 20 ans.
Impact territorial
Pour leur activité liée à la composante océanique de la dissuasion, les fournisseurs et sous-traitants (au rang 1) de DCNS, AREVA TA et Airbus Safran Launchers se répartissent sur l’ensemble du territoire national.
Si 90 départements sont concernés, 12 d’entre eux concentrent environ 70% des achats réalisés par les trois entreprises étudiées : Alpes-Maritimes (9%), Hauts-de-Seine (8,4%), Var (8%), Yvelines (7%), Paris (6,4%), Finistère (5,6%), Essonne (5%), Manche (4,9%), Loire-Atlantique (4,5%), Bouches-du-Rhône (4,4%), la Gironde (4,1%) et la Haute-Garonne (2,5%).
Une répartition sectorielle de ces commandes montre également que les principales branches d'activités concernées, « Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques », « Fabrication de machines et équipements », « Fabrication de produits métalliques, à l'exception des machines et des équipements », « Activités d'architecture et d'ingénierie ; activités de contrôle et analyses techniques », sont aussi parmi les plus intensives en travail.
Fertilisation croisée
Dissuasion – Conventionnel
Les technologies et procédés industriels développés au profit de la composante océanique de la dissuasion ont largement bénéficié aux sous-marins nucléaires d’attaque type Rubis, puis type Barracuda, ainsi qu’aux sous-marins à propulsion « classique » type Agosta, puis Scorpène, et demain aux « Shortfin Barracuda » (contrat Australie). Métallurgie des coques, discrétion acoustique, informatique des systèmes de combat, propulsion, communications, ou encore systèmes de navigation, les technologies mises au point pour les SNLE NG type Le Triomphant ont nettement tiré vers le haut le niveau de performance des autres types de sous-marins, au premier rang desquels les futurs SNA type Barracuda. En termes de discrétion, sa signature acoustique est proche de celle des SNLE NG. Les installations sont désormais sur modules ou sur plots (procédés permis grâce à l’augmentation de la taille du sous-marin). Leur vitesse « silencieuse » est supérieure et les performances de détection sous-marine accrues « Le quatrième SNA du type Barracuda commandé », Mer et Marine, 30 septembre 2014, « Les deux derniers SNA du type Barracuda renommés », Mer et Marine, 23 mars 2015, et « Programme Barracuda : Mer en vue pour le Suffren », Cols Bleus, 9 Janvier 2014..
La chaufferie est dérivée du réacteur nucléaire K15 qui équipe les SNLE NG et porte-avions Charles-de-Gaulle, reprenant ainsi le concept de réacteur compact à architecture intégrée. Dans ce domaine, le programme Barracuda intègre les améliorations survenues ces dernières années et issues du retour d'expérience de conception réalisation exploitation : augmentation de l'énergie extractible des cœurs (permettant un allongement de la période d’activité opérationnelle entre rechargements), emploi d'uranium à taux d'enrichissement civil, rationalisation de l'interface homme/machine, et mise à niveau aux nouvelles exigences de la sûreté nucléaire et de la radioprotection Fribourg Charles, La technologie des réacteurs de propulsion navale, et Guillaud, Gauducheau, Les RPMP pour la propulsion navale, www.iaea.org/inis..
National – Export : crédibilité et effet d’attractivité
Les Etats clients désireux d'intégrer le cercle des pays producteurs et opérateurs de sous-marins cherchent à s’appuyer sur des partenaires étrangers à même de les aider à concrétiser leur ambition. Dans ce contexte, un positionnement de haut niveau en tant que maître d’œuvre de programme de SNLE renforce la crédibilité et la réputation de DCNS à l’international.
En véhiculant une image forte d’excellence scientifique et technique, il rencontre les aspirations des Etats acheteurs de disposer à terme d’un véritable système national d’innovation dans le domaine de la défense et de maîtres d’œuvre industriels capables de gérer un projet aussi complexe que celui de la conception et de la construction d’un sous-marin. Il y a là un effet d’attractivité qui bénéficie aux offres de DCNS sur le segment des sous-marins conventionnels, comme l’illustrent les nombreux succès à l’export en deux décennies, notamment au Chili, en Malaisie, en Inde, au Brésil, et plus récemment en Australie.
Défense – Civil
Les efforts de R&D liés à la création de la FOST ont concerné de nombreux domaines techniques. Il est ressorti de ces investissements intellectuels et matériels sur plusieurs décennies de nombreuses applications civiles, dont les plus emblématiques relèvent des secteurs suivants :
- Secteur médical
L’échographie dérive directement de la technique des sonars. Les techniques ultrasonores appliquées à la médecine ont été développées dans les années 1950 et ont commencé à être utilisées en routine vers le début des années 1970. Ces techniques dérivent de celles qui ont été mises au point pour le radar, le sonar sous-marin et le contrôle non destructif des matériaux Tanter Mickael, « Imagerie échographique ultrarapide et élasticité. Vers une rhéologie temps réel du corps humain », LOA, ESPCI, http://www.phys.ens.fr/..
- Secteurs industriels
Les processus, compétences et outils nécessaires à la conception et à la réalisation de systèmes aussi complexes qu'un SNLE, une chaufferie nucléaire ou un missile balistique ont contribué à hisser l'industrie française au plus haut niveau dans le domaine de l'ingénierie de systèmes complexes.
- Secteur aéronautique
Depuis l’équipement des missiles et des sous-marins, plusieurs gammes de centrales inertielles gyrolasers ont été développées pour des applications civiles, en particulier dans le domaine aéronautique. Désormais au premier rang mondial sur ce segment, les équipes de Safran Electronics & Defense sont à l’origine du développement des centrales inertielles à cœur GRH, conçues pour des applications duales, notamment pour la marine marchande.
Les travaux réalisés sur le durcissement des composants électroniques trouveront des applications dans le civil pour la protection des composants contre l'ionisation sur les structures en composite.
- Secteur nucléaire civil
La propulsion nucléaire navale aura représenté la première véritable application de l'énergie nucléaire contrôlée. Par rapport à un réacteur à terre, un réacteur nucléaire embarqué sur SNLE doit répondre à des exigences beaucoup plus sévères. Les entreprises de la filière auront ainsi développé des compétences et des savoir-faire autour des équipements à haut niveau de sécurité qui bénéficient au secteur nucléaire civil (ingénierie et sûreté nucléaire) mais également aux marchés industriels non nucléaires (valorisation de technologies comme le contrôle-commande de sécurité et les outillages sécurisés, ingénierie de management de projets).
- Secteur spatial
Historiquement, le développement des technologies balistiques a soutenu le développement du secteur spatial. Pour prendre l’exemple de la propulsion, le développement des propulseurs d’appoint à poudre pour le lanceur Ariane 3, qui gagnent en puissance sur les versions Ariane 4 et 5, a conduit à créer une véritable synergie entre le programme spatial européen et le programme balistique. Par ailleurs, en termes d’expertise industrielle, chaque tir d’Ariane 5 représente un retour d’expérience pour le secteur balistique. Cette tendance se renforcera avec Ariane 6. L’ensemble du secteur de la propulsion bénéficie donc d’une intense fertilisation croisée, alors que l’importance de la demande du secteur spatial (propergol, enveloppes et structures) assure la pérennité de la filière dans la durée. Cet exemple est reproductible totalement ou partiellement à d’autres domaines tels que la séparation d’étage, le pilotage et la navigation, les protections thermiques ou encore la télémétrie, les logiciels ou la simulation.
Sur un plan plus général, il existe une synergie assumée entre les programmes balistiques et les programme spatiaux, appelée à se renforcer entre les programmes M51 et Ariane 6. En termes de conception, François Auque, alors Président d’Astrium précisait que le bureau d’étude développant Ariane et le M51 était le même Sophie Eustache, « Les Mureaux fêtent cent ans de conquête spatiale », L’Usine nouvelle, 21 septembre 2012. Il en va de même au niveau des systèmes de guidage, le développement des centrales inertielles d’Ariane 6 étant conçu par les équipes en charge du M51 au sein du groupe Safran. La création de la coentreprise Airbus Safran Launchers renforce ces synergies, favorisant l’exploitation d’outils industriels communs et l’évolution des personnels entre le secteur spatial et le domaine militaire.
Cette synergie permet également une rationalisation de l’outil industriel, stimulée par la compétition internationale dans le domaine spatial. L’impact sur le domaine balistique est sensible, une partie des compétences pouvant être maintenue par l’intermédiaire du secteur spatial, limitant ainsi l’impact des creux de production. Les nouveaux développements du M51, prévus pour s’adapter au contexte géopolitique, auront lieu environ tous les dix ans de façon incrémentale mais seront nécessairement de moindre ampleur que le développement d’un missile complet. Aussi la dualité avec les programmes du secteur spatial reste essentielle pour gérer les compétences dans la durée.
Une attention particulière doit donc être portée au maintien des compétences propres à la dissuasion, non reproductibles dans les secteurs civils (qu'il s'agisse de lanceurs, de réacteurs nucléaires ou de construction navale). Si la synergie existe, la spécificité demeure.
Plan de l'étude
Introduction
1. Fondamentaux politiques, budgétaires et industriels
- 1.1. Politique de dissuasion
- 1.2. Cinq décennies d’effort de la Nation
- 1.3. Conception, production, mise en œuvre, et entretien de l’outil de dissuasion : le choix de l’indépendance et de l’autonomie
- 1.4. La France dans le cercle restreint des États producteurs et opérateurs de SNLE et de MSBS
2. Des filières industrielles atypiques
- 2.1. Maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre : une gouvernance originale
- 2.1.1. L’organisation Cœlacanthe
- 2.1.2. Maîtrise d’œuvre industrielle : quatre chefs de file
- 2.2. Entre exigences de performances et contraintes liées au domaine Dissuasion
- 2.3. Spécificité et criticité des compétences
- 2.3.1. Principaux domaines techniques
- 2.3.2. Savoir-faire en matière de conception et de développement
- 2.3.3. Savoir-faire en matière d’assemblage et d’intégration
- 2.3.4. Savoir-faire en matière de qualification et de réalisation des essais
- 2.3.5. Savoir-faire en matière d’entretien
- 2.3.6. Savoir-faire en matière de démantèlement et de déconstruction
- 2.4. Chaînes de sous-traitance ou le défi de la sécurité d’approvisionnement
- 2.4.1. Robustesse du socle technique
- 2.4.2. Transformation du paysage industriel
3. Impact économique
- 3.1. Des sites industriels innervés par les activités liées à la composante océanique de la dissuasion
- 3.2. Des emplois générés en France
- 3.3. Impact territorial
- 3.4. Fertilisation croisée
- 3.4.1. Dissuasion - Conventionnel
- 3.4.2. National - Export
- 3.4.3. Défense - Civil
Annexes
- Impact économique : méthodologie
[...]
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Recherches & Documents n°02/2017
Hélène Masson,
Stéphane Delory,
1 janvier 2017