Notes de la FRS

Tir d'un ICBM le 18 février 2023 : les progrès technologiques du Hwasong-15

Publication générique pour un programme/observatoire n°00/2023
Christian Maire
Stéphane Delory
Antoine Bondaz
10 mars 2023 Version PDf

Le 18 février, la Corée du Nord a réalisé un troisième essai du missile balistique à portée intercontinentale (ICBM) dénommé par les médias nord-coréens Hwasong-15. Alors que les essais réalisés en 2017 et 2022 portaient sur deux missiles visuellement différents, l’essai de 2023 porte sur un missile visuellement proche de celui de 2017.

Hypothèse avait été émise dans une note précédenteVoir Christian MAIRE, Stéphane DELORY, Antoine BONDAZ, « Analyse technique des deux versions de l’ICBM Hwasong-15 », Programme Corée sur la sécurité et la diplomatie, Fondation pour la recherche stratégique, 17 février 2023. que le missile testé en 2022, le Hwasong-15B (2022), était une variante plus petite du Hwasong-15 (2017), qui disposait de réservoirs à fonds communs sur le premier étage et non plus de réservoirs à fonds séparés, une technologie que la Corée du Nord essayait de maîtriser. Le missile testé en février, le Hwasong-15 (2023), reprendrait les dimensions du Hwasong-15 (2017), d’où une apparence visuelle identique, tout en intégrant les avancées technologiques du Hwasong-15B (2022).

Cette nouvelle hypothèse expliquerait le gain de performances de vol du Hwasong-15 (2023) par rapport au Hwasong-15 (2017), malgré des dimensions équivalentes, démontrant la capacité des ingénieurs nord-coréens à améliorer toujours un peu plus leur maîtrise des technologies balistiques.

 

Le 18 février 2023, la Corée du Nord a procédé à un nouveau tir de missile balistique à portée intercontinentale (ICBM) de type Hwasong-15. Ce tir a été réalisé avec une trajectoire dite « plongeante »C’est-à-dire une trajectoire avec un apogée très haut, visant à reproduire les conditions de vol du missile à sa portée nominale mais sur une portée nettement plus courte. La trajectoire plongeante permet de vérifier la totalité des paramètres de propulsion mais induit quelques différences avec une trajectoire à énergie minimale, où le missile est tiré sur une trajectoire permettant d’atteindre sa portée maximale, notamment au niveau des conditions de rentrée atmosphérique. , et non un tir tendu. Il s’agit du troisième essai d’un engin de ce type, après ceux de 2017 et 2022. Il présente cependant une discontinuité intrigante.

L’engin tiré en 2023 est visuellement proche du Hwasong-15 testé en 2017, alors que l’essai de 2022 avait été réalisé avec un missile substantiellement différent qui avait été désigné Hwasong-15B dans l’analyse réalisée sur cet essaiVoir Christian MAIRE, Stéphane DELORY, Antoine BONDAZ, op. cit. . Les différences entre les engins de 2017 et de 2022 portaient sur les étages propulsifs et sur le corps de rentrée. Dans un souci de clarté, ces trois missiles seront nommés ici Hwasong-15 (2017), Hwasong-15B (2022) et Hwasong-15 (2023).

L’essai du Hwasong-15 (2023) a été présenté par le régime nord-coréen comme un tir opérationnel plus que comme un tir de développement. En effet, les médias d’État présentent l’essai comme « un exercice de lancement soudain » permettant de démontrer « la préparation au combat de la force nucléaire de la RPDC », ainsi que « la confiance et la garantie de fonctionnement correct, la réactivité, la fiabilité, l'efficacité et la capacité de combat des unités de la dissuasion nucléaire de l'État ». L’unité ayant réalisé l’essai serait la Première compagnie de Héros du drapeau rouge et avait effectué l’essai du Hwasong-17 de novembre 2022« ICBM Launching Drill Staged in DPRK », Naenara, 19 février 2023.. Pour autant, ce tir demeure tout aussi important en raison de la nature du missile qui a été testé.

Les différences entre le Hwasong-15 (2017) et le Hwasong-15B (2022) ont été mises en évidence dans notre précédente analyse, qui démontre que la Corée du Nord est susceptible d’avoir modifié les réservoirs du missile afin d’augmenter la masse de carburant emportée et réduire la masse inerte. Il a alors été envisagé que sur le premier étage du Hwasong-15 (2017), les réservoirs étaient à fonds séparés alors que sur le Hwasong-15B (2022), ils étaient à fonds communs, permettant ainsi de réduire la longueur du missile et de gagner en masse.

Le Hwasong-15B (2022), plus court que le Hwasong-15 (2017), avait une portée très inférieure dont il a été supposé qu’elle pût résulter d’une défaillance du second étage, mais qui pourrait être la résultante d’un volume de carburant inférieur et d’une charge utile sensiblement plus lourde.

En termes de développement, cette manière de procéder est assez inhabituelle et l’on peut s’interroger sur les objectifs poursuivis par les ingénieurs nord-coréens. Pourquoi, au bout de cinq ans, tester à nouveau un missile dont la structure semble très proche de l’engin tiré initialement, et pourquoi avoir développé entretemps une version alternative, dont les performances sont moindres, le Hwasong-15B (2022) ?