« Voir ce que les troupes ne peuvent pas voir, aller là où les troupes ne peuvent pas aller » : l’utilisation de drones par la Chine dans le différend frontalier sino-indien

Introduction

En décembre 2022, les forces armées indiennes et chinoises se sont de nouveau affrontées le long de la frontière himalayenne sino-indienne faisant plusieurs dizaines de blessés. Les deux voisins se disputent une frontière longue de près de 3 500 kilomètres et, malgré la signature de nombreux accords et la création de mécanismes de coordination, les incidents s’y multiplient. Les tensions y sont quotidiennes et, en 2020, un affrontement a causé la mort d’au moins 20 soldats indiens et 4 soldats chinois.

Le plateau himalayen est très élevé à près de 4 000 mètres d’altitude en moyenne. Ces dernières années, afin d’y renforcer sa présence militaire, la Chine y a construit un réseau d’infrastructures modernes, dans les deux régions autonomes frontalières du Tibet et du Xinjiang. Le pays a également commencé à utiliser massivement des drones, avec diverses missions, et les médias d’État chinois ont commencé à largement communiquer sur le sujet. Ces drones prennent une importance telle, qu’en 2021 un député chinois – ancien commandant d’un régiment frontalier sur le plateau – a appelé à renforcer et à amélioration l’utilisation de ces drones, essentiels aux opérations des militaires chinois car ils permettent selon son expression de « voir là où les troupes ne peuvent pas voir, entendre ce que les troupes ne peuvent pas entendre, et aller là où les troupes ne peuvent pas allerLIU Xuanzun, « Chinese legislator urges enhanced drone usage in border regions », Global Times, 28 février 2021.».

La Chine est le pays ayant le plus de programmes de développement de dronesThe Drone Databook, « The Center for the Study of the Drone », 2019.. Et pourtant, aucun travail en langue anglaise ne portait jusqu’à présent sur les drones chinois déployés spécifiquement aux frontières, et notamment à la frontière sino-indienne. Cette note vise à combler ce manque en exploitant des sources chinoises, notamment en langue chinoise, que ce soient des articles des médias d’État, des publications scientifiques, et les réseaux sociaux. Ce travail de recherche vise donc non seulement à identifier les drones déployés et les constructeurs impliqués, mais aussi à mieux comprendre les objectifs et difficultés rencontrés par les autorités chinoises dans l’utilisation de ceux-ci dans un environnement unique par ses contraintes, le plateau himalayen.

La défense des frontières fait l’objet d’une réflexion spécifique des autorités chinoises en raison des environnements géographiques complexes, de mauvaises conditions de circulation et de la difficulté à y soutenir les opérations militaires. L’usage de drones se prête donc bien à la topographie himalayenne et, depuis l’incident de 2017 au Doklam, l’Armée populaire de libération (APL) a accéléré l’utilisation de drones à la frontière avec l’Inde. Nous avons recensé dans ce travail une quarantaine de drones différents dont les missions sont diverses : principalement le transport logistique, mais aussi la surveillance, le guidage d’artillerie, le déminage, et même la recherche et le sauvetage de personnel accidenté.

Il s’agit principalement de drones multi rotors de petit et moyen formats, ainsi que des petits drones hélicoptèresSoit des drones pesant entre 15 et 150 kg, catégorie définie dans les lignes directrices du conseil des affaires d’État 2021 sur l’utilisation des drones (无人驾驶航空器系统标准体系建设指南 (2021)).. Les drones utilisés sont en grande majorité construits par des entreprises civiles, et non militaires, y compris par des start-ups. Si les constructeurs bien connus DJI et AllTech sont présents, c’est aussi le cas de constructeurs plus confidentiels au rôle pourtant clé comme Ziyan, Tuohang et Tiantu. Ces entreprises illustrent les avancées chinoises en matière d’intégration civilo-militaire en Chine, une stratégie nationale depuis 2015BONDAZ Antoine, « Un tournant pour l’intégration civilo-militaire en Chine », FRS, Recherches & Documents, n° 7, octobre 2017..

 

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