Interdire les essais : « Make the CTBT great again »

Recherches & Documents n°06/2021
Lova Rinel, 17 février 2021

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Introduction



Les trois dernières années ont été marquées par une actualité stratégique dense. A y regarder de plus près, les mouvements autour du nucléaire sont depuis 2017 comme une musique qui se rythme à coup de tweets, de déclarations aléatoires ou de silences qui n’en sont pas. Les questions stratégiques n’ont pas besoin d’une crise sur les réseaux sociaux, entend-on dans les couloirs du VICLe Vienna International Center (Autriche) est l’un des quatre sièges de l’ONU. On y trouve celui de l’AIEA et de l’OTICE., et les essais nucléaires font leur grand retour dans les médias, poussant certains à croire que leur prohibition deviendrait la priorité. Et pourtant l’acronyme TICE (Traité d’interdiction des essais nucléaires, ou CTBT pour Comprehensive Test Ban Treaty en anglais) est tu, alors que l’actualité laisserait penser que l’on pourrait en faire un axe majeur.

En effet, en septembre 2017AFP/REUTERS, « La Corée du Nord a procédé à un sixième essai nucléaire », www.france24.com, 3 septembre 2017., la République populaire démocratique de Corée (RPDC) inaugure la crise des essais nucléaires et tente d’imposer sa crédibilité après l’essai balistique en novembre suivantAFP/Le Point, « Tir d’un missile nord-coréen : les réactions internationales », www.lepoint.fr , 29 novembre 2017.. Par la suite, ce sont les Américains qui agitent la question des essais, en accusant la Russie d’avoir violé le moratoireAFP/FIGARO, « Les États-Unis soupçonnent la Russie de violer un moratoire sur les essais nucléaires », www.lefigaro.fr, 29 mai 2015.. L’année suivante, la Chine alimente les soupçons américains quant à une possible expérimentation sur le site de Lop NurJonathan Landay, « Test nucléaires : Pékin dénonce des accusations sans fondement de Washington », www.reuters.com , 16 avril 2020.. Côté nord-coréen, fin décembre 2019, Kim Jong-un annonce la reprise des essaisAFP/FIGARO, « Kim Jong-Un annonce la fin du moratoire sur les essais nucléaires », >www.lefigaro.fr, 31 décembre 2019., et en mai 2020, le Washington Post rapporte sur la base de fuites non confirmées l’éventualité d’une reprise des essais nucléaires par les États-UnisJohn Hudson, Paul Sonne « Trump Administration Discussed Conducting First US Nuclear Test in Decades », www.washingtonpost.com, 23 mai 2020. . Les révélations de John BoltonMichaël Bloch, « Ce que le livre de John Bolton nous apprend de la relation entre Macron et Trump », www.lejdd.fr, 9 août 2020. sur la position américaine concernant l’expérimentation nucléaireDelmare Laforge, « La Maison Blanche a eu des entretiens sur la reprise des essais américains dit John Bolton », www.news-24.fr, 22 juillet 2020.  grandeur nature enfoncent le clou.

Peu importent les raisons politiques (internes ou pas), les essais nucléaires reviennent dans l’actualité stratégique depuis trois ans. Pourtant ce sujet reste en marge des préoccupations diplomatiques. Une interrogation : évite-t-on le TICE ou l’ignore-t-on ? Est-ce alors un problème de compréhension, ou est-ce plus profond ? La vision des États sur le poids stratégique de la question des essais et de leur interdiction représente-t-elle une étape beaucoup plus politique et irréversible qu’on ne veut bien l’admettre ? En réalité, les choses sont toujours plus subtiles et les réponses rarement absolues.

Pour y répondre, des doutes doivent être levés et des constats expliqués. Aux Etats-Unis, les déclarations et les tentativesShervin Taheran « Republicans Seek to cut CTBTO Funds », www.armscontrol.org, mars 2017.  des Républicains soit de restreindre le budget réservé à l’OTICE, soit (plus récemment) d’augmenter le budget pour une éventuelle reprise des essais dans le NevadaJoe Gould, « House Democrats Block Funding for Nuclear Weapons Tests », www.defensenews.com, 20 juillet 2020. interrogent sur la vision américaine et ramène à une analyse technico-politique du TICE. Ce retour vers un intérêt des essais grandeur nature des Américains trouve une réponse dans l’histoire du désarmement durant la Guerre froide, une autre dans le rôle stratégique de l’essai nucléaire. 

Cette publication tente de rappeler l’évolution de la réflexion stratégique autour des essais, de rappeler sa complémentarité juridique avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et son incompatibilité avec le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Il s’agit également de remettre en perspective deux visions de l’interdiction des essais qui s’opposent dans les relations stratégiques. La première est celle dans laquelle l’essai ne serait qu’un outil parmi d’autres, qu’il faut brandir pour calmer ou satisfaire les besoins stratégiques du moment. Dans la seconde, l’essai aurait un rôle stratégique beaucoup plus essentiel, qui pousse à croire que son interdiction est l’étape incontournable pour arriver à un désarmement irréversible.

 

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