Le gouvernement Merkel III (2013-2017) et la politique de défense allemande : quels changements ?

Cette publication cherche à saisir la portée du changement de la politique de défense allemande sous la troisième Grande coalition (2013-2017). Elle s’attache à analyser le discours énoncé par le gouvernement fédéral et sa mise en œuvre. L’ancrage d’un concept rénové de responsabilité s’est accompagné d’une évolution du rôle de la Bundeswehr. L’armée allemande s’est imposée comme un outil pour s’élever dans la hiérarchie internationale, se faire entendre dans les cadres euro-atlantiques et envisager un leadership politico-militaire en Europe. Cette ambition est néanmoins fragilisée par des contraintes structu­relles en matière de ressources humaines et une forte polarisation domestique sur les questions financières. Un autre facteur de fragilisation réside dans la difficulté à arbitrer entre les logiques stratégiques, politiques, militaires et économiques pour moderniser les équipements et soutenir la base industrielle et technologique de défense nationale.

Introduction

La troisième Grande coalition (2013-2017) a été marquée, dans le domaine de la défense, par un discours officiel de changement. De la conférence de sécurité de Munich en 2014 à l’opérationnalisation du Livre blanc sur la politique de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr de 2016, le gouvernement allemand a cherché à donner l’impression d’une démarche réformatrice sans équivalent en multipliant les annonces et cultivant un vocabulaire de rupture.

Sur le plan stratégique, il a revendiqué la volonté de prendre en charge un rôle plus actif à l’international, à la hauteur des « responsabilités » de l’Allemagne. Dans ce cadre, il a choisi d’accorder une place nouvelle à la Bundeswehr dans le cadre de l’action extérieure allemande. Sur le plan opérationnel, l’idée de « Neuausrichtung » (réorientation), ainsi qu’avait été baptisée la réforme initiée en 2011, a progressivement cédé la place à une terminologie mettant l’accent sur la notion de « Trendwende » (tournant). Cette rhétorique a été particulièrement mobilisée dans trois champs : les finances, les capacités et les ressources humaines, qui ont été identifiées sous la 17ème législature du Bundestag comme les principaux défis de la politique de défense allemande. Les scandales (révéla­tion d’humiliation et d’abus sexuels, et découverte d’éléments radicalisés au sein des forces) sont venus renforcer cette dynamique discursive en faveur d’un changement culturel au sein de l’armée allemande.

L’« interrègne », qui s’est ouvert depuis les élections fédérales du 24 septembre 2017, offre l’opportunité de prendre du recul par rapport au discours développé sous la dernière mandature et de s’interroger sur l’évolution de la politique de défense allemande, en distinguant les mots et la chose, pour réaliser un premier bilan des réformes engagées par le gouvernement Merkel III. En d’autres termes : la troisième Grande coalition a-t-elle vraiment bouleversé la pratique de la politique de défense en Allemagne ? L’action entreprise a-t-elle obéi à la logique discursive ? Quels facteurs (extérieurs et/ou domestiques) sont entrés en ligne de compte ? Cette note de recherche se propose également par ce biais de mettre au jour les défis auxquels sera confrontée la prochaine coalition gouvernementale.

Dans ce cadre, il apparaît opportun de revenir sur le sens de la notion de responsabilité et son usage dans la politique de défense et de sécurité allemande, de s’intéresser à la gestion des contraintes financières et humaines qui pèsent sur la Bundeswehr et enfin d’interroger les choix opérés en matière d’équipements militaires.

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