ST Kinetics ou les ambitions de Singapour dans l’armement
DEFENSE&Industries n°7
Kévin Martin,
juin 2016
Classé 44e dans le top 100 mondial des industries de défense« Defense News Top 100 for 2015 », Defense News., ST Engineering se présente comme un groupe aux activités duales. Le chiffre d’affaires (CA) Défense 2015 atteint 36% du CA total, soit 2,28 Mds SGDST Engineering, rapport annuel 2015. (~1,52 Md€Le taux de change utilisé résulte d’une moyenne annuelle. Pour 2015, celui-ci est de 0,664367.).
Le groupe, dont l’Etat singapourien est l’actionnaire majoritaire (>50% du capital via le fonds souverain Temasek) compte quatre branches d’activités principales :
- ST Aerospace (33% du CA) : services d’ingénierie et de maintenances aéronautiques.
- ST Electronics (27% du CA) : conception, développement et production de systèmes d’information et de communication avancés.
- ST Kinetics (22% du CA) : conception, développement et production de systèmes d’armes terrestres et de munitions.
- ST Marine (15% du CA) : construction et modification de navires civils et militaires (patrouilleurs, LPD).
La montée en compétences de ST Engineering et l’extension de son portefeuille d’activités défense au cours des dernières années sont à mettre en parallèle avec la politique de défense singapourienne.
En effet, la création du groupe ST Engineering en 1997En 1997, la fusion de ST Aerospace, ST Auto, ST Electronics et ST Marine donne naissance à ST Engineering. L’acquisition en 2000 de Chartered Industries (CIS) par la filiale ST Auto formera ST Kinetics. résulte d’une véritable politique industrielle et technologique à destination de la défense. Le secteur de l’armement terrestre en constitue le premier bénéficiaire historique.
2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | |
Budget Def. (Mds SGD) | 11,28 | 11,83 | 12,34 | 12,56 | 13,12 | 13,97 |
(~Mds €) | 6,45 | 7,37 | 7,43 | 7,47 | 8,61 | 9,28 |
% budget | 24,2 | 23,6 | 23,1 | 21,1 | 23 | 19 |
% PIB | 3,4 | 3,4 | 3,3 | 3,2 | 3,6 | - |
%recherche | 4,2 | 4,1 | 3,6 | 3,4 | 3,3 | 4,8 |
Une situation de dépendance sécuritaire, à l’origine des efforts de défense de la Cité-Etat
Ancienne colonie britannique, Singapour proclame son indépendance en 1965, après cinq années passées au sein de la fédération de Malaisie. Toutefois, dépourvue de ressources naturelles, disposant d’un espace contraint (716 km², soit équivalent à l’agglomération parisienne), et d’une faible démographie face à ses voisinsDonnées issues du Département des statistiques de Singapour, estimations 2015. (5,5 M d’habitants contre 29,5 M d’habitants en Malaisie et 252 M d’habitants en Indonésie), Singapour se trouve en situation de dépendance sécuritaire. Ainsi, dès son indépendance, une Défense forte et crédible est considérée comme indispensable par les autorités du pays, garantie de sa survie face à ses Etats voisins.
Dans ce contexte, les autorités singapouriennes ont mené une politique de défense au cours des 50 dernières années visant à accompagner le développement capacitaire des forces armées, pour en faire aujourd’hui l’une des mieux équipées de la région. Cette montée en puissance s’est réalisée en trois temps« 3rd Generation SAF », site internet du ministère singapourien de la Défense. :
- 1st generation SAF (1965-1980’): concentration des moyens sur l’établissement de capacités conventionnelles et la notion d’infantry centric.
- 2nd generation SAF (1990’) : effort de défense consacré au renforcement des moyens disponibles et à la modernisation des plateformes.
- 3rd Generation SAF : (2004-) : plan de développement capacitaire mettant l’accent sur le développement et l’acquisition de systèmes autonomes, de capacités en frappes de précision et de systèmes de communication avancés.
Pour accompagner cette politique, les autorités singapouriennes ont placé le budget de défense au cœur des dépenses du gouvernement. Le budget défense est même en croissance nominale constante, périodes de crises financières (1997 et 2007) comprises. De fait, depuis 1988, la part du budget de la défense dans le PIB oscille entre 3% et 6%SIPRI Military expenditure database et données nationales pour 2011 à 2016 (ministère singapourien des Finances).. En 2016, selon les sources officielles« Government expentidure 2016», ministère singapourien des Finances, 24 mars 2016., le budget atteint 13,97 Mds SGD (~9,28 Mds€). Il s’agit encore du premier poste de dépenses (19% du budget voté), devant l’Education (17%). Grâce à ces efforts de défense, Singapour apparaît au premier rang des États d’Asie du sud-est pour les dépenses de défense devant l’Indonésie et la Thaïlande.
Enfin, le soutien à l’innovation et la recherche militaire ont joué un rôle primordial dans le développement des capacités nationales de défenseYuanxin Chen, « The impact of technology on the military : an SAF perspective », Journal of the Singapore Armed Forces, Journal V25 N2 (avril-juin 1999).. Les autorités singapouriennes ont mis en place « un écosystème du secteur de la défense », selon un terme utilisé par Quek Tong Boon, Secrétaire d’Etat à la Défense et à la Transformation« Industry Briefing – Singapore : Defence ecosystem », Jane’s Defence Weekly, 15 février 2006.. Il décrit la relation étroite qui existe entre les utilisateurs (État), les développeurs (Laboratoires) et les producteurs (ST Engineering) de solutions de défense.
En 2016, la part du budget défense consacrée à la S&T atteint un niveau de 4,8%op.cit. (soit 671 M SGD, ~445,79 M€).
Principaux organismes singapouriens impliqués dans la S&T militaire
La Defence Science and Technology Agency (DSTA) représente le principal chef d'orchestre de la modernisation des forces armées du pays. La DSTA élabore et met en œuvre la politique d'acquisition des biens et services pour la défense, et pilote la R&DDefence Science and Technology Agency act, 7 mars 2000.. Issue de la fusion en 2000 du Defence Administration Group et du Defence Technology Group (DTG), la DSTA est structurée en 14 « Programme Centres ».
Pour sa part, la Defence Science and Organisation (DSO) représente le principal centre de R&D militaire. La création du DSO remonte à 1971, avec le projet « Magpie »« Creative Disruptive capabilities », Defense Science Organisation, brochure de présentation. relatif au développement de systèmes électroniques avancés destinés à des applications militaires. Renommé en 1972 « Electronics Test Centre », il deviendra officiellement, en 1977, la DSO. Elle rassemble environ 1 300 ingénieurs et chercheurs, au sein de 7 Divisions thématiques. La DSO conduit des programmes de recherche en association le cas échéant avec les entreprises du conglomérat ST Engineering ou des partenaires étrangers.
Enfin, le Future Systems and Technology Directorate (FSTD) est responsable de la R&T et du développement des concepts opérationnels (issue de la fusion en 2013 du FSD et de la DRTech).
Stratégie d’acquisition & Armement terrestre : entre ToT et partenariats de défense
ST Engineering structure aujourd'hui le paysage industriel de défense singapourien. Il rassemble la majorité des capacités industrielles et technologiques de défense créées depuis 1967.
Son portefeuille d'activités défense a été constitué au fil des programmes d'acquisitions lancés en national, et des achats d'équipements du MINDEF réalisés auprès de fournisseurs étrangers (avec accords offsets).
L’armement terrestre est le premier secteur bénéficiaire : les activités industrielles dans le domaine de l'artillerie remontent à 1967, suite à un accord de production sous licence négocié avec Colt Industries. L'entreprise d'État Chartered Industries of Singapore (CIS), nouvellement créée, se voit ainsi chargée de produire en local des M-16 et munitions de calibre 5,56 mm destinés à la SAF. Un nouvel accord signé pour une période de huit ans permet à CIS de vendre sa production à l'export. Le premier fusil d’assaut conçu et produit in-house voit le jour en 1976, sous le nom de SAR-80. En 1984, la SAF en commandera 20 000 unitésYeo Eugene, « Technological capabilitiesof our defence industries », Journal of the Singapore Armed Forces, Journal V25 N2 (avril-juin 1999)..
Sur le segment véhicules blindés, l'acquisition en 1968 de 72 chars légers AMX-13 issus des surplus de l’armée de Défense d’Israël aboutit à la création en 1971 de Singapore Automotive Engineering (SAE), en charge des activités de MCO. L’acquisition de 300 véhicules blindés de transport de troupes M-113 en 1972 renforcera l’activité de SAE par la modernisation et la production d’un certain nombre de composants.
En 1988, Ordnance Development & Engineering (ODE) et Allied Ordnance (AO) développent et produisent en propre leur premier obusier, le FH-88, en remplacement des 38 Soltam M-71 israéliens.
Cette stratégie d’acquisition de premier plan menée en parallèle d’un effort lié au soutien à l’innovation porte ses fruits à partir des années 1990. En effet, c’est à partir de cette date que ST Kinetics (résultat du rapprochement de CIS, SAE, ODE/AO) développe une gamme de véhicules blindés et de systèmes d’artillerieMatthews Ron, Zhang Yan Nellie, « Small Country ‘Total Defence’ : a cas study of Singapore », Defence Studies, Vol. 7, n°3 septembre 2007, pp 376-395. en coopération avec la DSTA (ex DTG) et la DSO. Ces équipements intègrent cependant des composants étrangers. Parallèlement au développement d’une offre nationale, le MINDEF continue de mener une politique d’acquisition de premier plan sur des segments spécifiques (Chars lourd, Système lance-roquettes multiple, véhicule MRAP, etc.). Le MINDEF achète ainsi sur étagère des plateformes principalement à des fournisseurs américains, français, allemands et israéliens. Ces derniers constituent le socle de coopération en matière de défense et les principaux fournisseurs de Singapour sur des segments stratégiques (aviation de combat, de ravitaillement et de reconnaissance, missiles & défense aérienne, sous-marins, frégates, hélicoptères, systèmes d’armes terrestres).
Toutefois, la majorité des acquisitions réalisées par le MINDEF s’inscrivent dans le cadre d’un partenariat. Ainsi dans le secteur de l’armement terrestre, seules les acquisitions de 15 véhicules MRAP Maxx Pro auprès de l’américain Navistar (en 2009, dans le contexte des opérations en Afghanistan) et de véhicules tactiques 4x4 VAMTAC« Singapore quitely introduces the VAMTAC ST5 high mobility tactical vehicle », Jane’s International Defence Review, 29 avril 2016. (UROVESA) font office d’exception.
Ces partenariats initiés dans le cadre de programmes d’acquisition concourent à trois objectifs principaux.
1. Indigénisation des plateformes en vue de répondre aux besoins spécifiques de la SAF
Ainsi, en 2006, le MINDEF a notifié à l'allemand KMW un contrat relatif à la fourniture et la modernisation de 99 chars Léopard 2A4 (en coopération avec ST Engineering)« Singapore set to acquire refurbished Leopard tanks from Germany », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 11 décembre 2006.. Ce contrat intervient un an après la signature d’un accord de coopération de défense entre les deux pays. Les chars Leopard 2SG sont entrés en service en 2008. En plus de ce contrat, KMW a noué un partenariat avec ST Kinetics dans le domaine de la formation du personnel sur la maintenance des systèmes Leopard 2SG« KMW establishes Asia Pacific hub in Singapore », communiqué de presse KMW, 2 février 2010..
A l’occasion de son discours au Parlement en mars 2015, le ministre singapourien de la Défense, Dr Ng Eng En, a annoncé l’acquisition par les forces armées singapouriennes de véhicules MRAP Peacekeeper PRV. Entrés en service en juillet 2015, ces derniers sont adaptés des véhicules Higuards de Volvo/RTD comme le précise le communiqué de presse du MINDEF« Facsheet : Peacekeeper Protected Response vehicle », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 8 juillet 2015..
2. Renforcement des capacités d’entraînement de la SAF
La contrainte géographique conditionne également les partenariats de défense. Suite à l’acquisition des chars Leopard, Singapour et l’Allemagne ont signé en 2009 un accord intergouvernemental comprenant la mise en place d’un entraînement conjoint Panzer Strike, sur le territoire allemand. Confirmé et renforcé en 2013, cet accord prévoit que plus de 1 300 membres de la SAF puissent bénéficier des installations militaires de Bergen sur une période de 100 jours« Factshhet – MATADOR : Unguided Short Range Anti-Armour Weapon (SRAWW) », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 4 septembre 2004..
Enfin, notons que depuis 2005, Singapour dispose d’un exercice conjoint bisannuel avec les Etats-Unis Forging Sabre. Dans ce cadre, la SAF a pu déployer le système de lance-roquettes multiple HIMARS dès décembre 2013 et l’utiliser dans des conditions réelles (pour une acquisition en mars 2013).
3. Développement des capacités nationales d’innovation
Le MINDEF a également développé en coopération avec ses partenaires étrangers des solutions de défense. Par exemple, la DSO et son partenaire australien, DSTO, ont collaboré dans le domaine NRBC, développant en 2012 le Test Kit for RicinKumar Vijay, « Defence Collaboration : policy and implications for Singapore », Journal of the Singapore Armed Forces, Journal V27 N4 (octobre-décembre 2001).. Sur le plan industriel, ST Kinetics noue des relations depuis plus de 10 ans avec l’australien Electro Optic Systems dans le domaine des tourelleaux téléopérés« Comparative Defense offset policies at March 2010 », Offset policy summar, Defence Export Unit, ministère australien de la Défense, consulté en septembre 2013.. Autre exemple de programme conjoint, la DSTA et la SAF ont participé dès les années 2000 au développement du système portable anti-char Matador en coopération avec les entreprises allemande et israélienne Dynamit Nobel et Rafael« Speech by Mr Cedric Foo, Minister of State for Defence and National development, at the Committee of Supply Debate 2005 », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 7 mars 2005..
Une politique d’offsets non codifiée
Même en l’absence d’une politique d’offsets codifiée ou d’un guide des compensations, les filiales de ST Engineering sont identifiées comme les bénéficiaires des transferts de technologies. En effet, depuis 1965, le pays négocie des accords offsets dans le cadre des programmes d'acquisition de plateformes produites par des fournisseurs étrangers pour développer et consolider une BITD locale« SAF to double training time in Germany », The Straits Times,26 avril 2013.. Un document émanant du Department of Defence australien« Scientists develop kit to test for ricin poisoning », The Straits Times, 5 décembre 2012. précise que le seuil pour une compensation à Singapour est de 10 M$ et qu’il comprend généralement des compensations directes sur une période de 10 ans maximum (pénalités moyennes de 3% à 5% mais pouvant aller jusqu’à 10%) ; la compensation recherchée étant une participation industrielle allant de 25 à 30%.
Les déclarations du secrétaire d’État en charge de la Défense et du développement national -Cedric Foo- en 2005, semblaient toutefois indiquer que les expériences passées dans ce domaine s'étaient avérées relativement décevantes : « MINDEF’s experience with offsets in the 1980s was not encouraging. Our experiences showed that the benefits accruing from offsets are much less that they appear to be on the surface»Electro Optic Systems Holding, Rapport semestriel 2014, 30 juin 2014., soulignant que plus les obligations en matière de compensation étaient importantes, plus les fournisseurs étrangers augmentaient les prix (de 7 à 8%)...
ST Kinetics : vers un positionnement à l’international ?
Grâce à cette stratégie d’acquisition, ST Kinetics maîtrise aujourd’hui l’ensemble du cycle produit, de la conception-développement, production, intégration de systèmes d’armes
terrestres, au MCO et à la gestion en service.
Cette position est renforcée grâce aux commandes nationales. En effet, dans le secteur de l’armement terrestre, le MINDEF privilégie le lancement de programmes sous maîtrise d'œuvre nationale. Cette situation est particulièrement vraie pour les segments artillerie et véhicules blindés légers et médians (Bronco New Gen, VBCI Terrex-2, VCI Bionix II). Ainsi, les produits phares de ST Kinetics sont :
- Bronco New Gen : Véhicule blindé à haute mobilité (dont capacité amphibie), développé à partir de 1992, sur une période de 5 ans, en partenariat avec le DTG (ex DSTA), la SAF (forces armées Singapouriennes) et ST Kinetics. Lors du salon Eurosatory 2010, ST Kinetics a présenté la variante FSV équipée de deux tourelles téléopérées RCWS. Enfin, en juin 2014, la version New Gen a été dévoilée. Elle est plus légère et dispose d’une protection renforcée (niveau STANAG 4)« Eurosatory 2014 : ST Kinetics presenting Bronco New-Gen – A new level of all-round protection », Miltech Mag, 16 juin 2014..
- VCI Bionix : Programme lancé à la fin des années 1980. La production a débuté en 1996. La version Bionix II est entrée en service en octobre 2006 et comprend notamment une modernisation des systèmes de communication, l’intégration de solutions C4I, un canon 30mm Bushmaster II avec système de vision thermique jour/nuit. La tourelle du VCI Bionix est prévue pour accueillir deux hommes.
- Terrex AV-81 : Véhicule de transport de troupes, commandé par la SAF en 2010 à 135 exemplaires. Les premiers prototypes ont été conçus et réalisés par l’entreprise irlandaise Timoney Holding, détenu à 27,68% par ST Engineering. En septembre 2015, le groupe a présenté la version Terrex 2« ST Kinetics unveils next-generation amphibiuos armoured vehicle », Jane’s Defence Weekly, 9 septembre 2015., plus lourde (30t contre 24t précédemment).
- Obusier SSPH Primus 155mm : Développé conjointement entre la SAF, le DTG (ex-DSTA) et ST Kinetics à partir de 1996 avant d’être officiellement certifié en 2002. Ce programme avait pour objectif principal de répondre aux besoins opérationnels spécifiques de la SAF, qui en commande 54 unités. La plateforme Primus repose sur le châssis du M-109 Paladin de conception américaine.
- Obusier automoteur Pegasus 155 mm : Développé conjointement avec la SAF et le DSTA. En 1996, le gouvernement a signé un accord en vue de commander l’obusier. Equipé d’un moteur diesel Lombardini 9LD625-2 à refroidissement par air, le Pegasus peut être aérotransporté par C-130 Hercules ou CH-47D Chinook.
- 120mm SRAMS : Le développement du système mortier SRAMS a été révélé pour la première fois en 2001 (fin du développement en 2006). Le système mortier peut être intégré sur un large panel de véhicules légers à roues ou chenillés.
- Tourelleau téléopéré Adder : Famille de tourelleau téléopéré stabilisé 2 axes. Polyvalent, le tourelleau est disponible en configuration avec un ou deux systèmes d’armes de type mitrailleuse 7.62mm, CIS 50MG et CIS AGL couplé à une lunette d’observation avancée et de visée thermique. Celui-ci équipe notamment le véhicule de transport de troupe Terrex.
- Fusil d’assaut SAR-21 : Fusil d’assaut conçu et développé dès 1996 par ST Kinetics selon une architecture bullpup et dont la mise en service date de 1999. En février 2014, ST Kinetics a présenté la version BMCR avec une capacité ambidextre et d’un poids inférieur.
- Munitions : ST Kinetics est un des leaders mondiaux sur le segment des munitions de 40mm. L’entreprise a noué de nombreux partenariats dans ce domaine.
Bases d’entraînement à l’étranger et mise en place d’exercices communs
Le document de stratégie « Defending Singapore at 21st century »Defending Singapore at the 21st century, février 2000. rappelle l’objectif des autorités de maintenir au meilleur niveau les capacités et l'entraînement des forces armées du pays (SAF) : « For the SAF, overcoming the problem of resource constraints - our lack of training space and our limited manpower - will be a continuing challenge. [...] The level of capability and readiness we demand from the SAF means that we cannot accept compromises in our training tempo and our standards of performance. So we will have to continue to look for innovative solutions and to seize new opportunities which technology and co-operation with other countries and other armed forces open up »Ibid..
Pour pallier à cette problématique, le ministère singapourien de la Défense sollicite des espaces et zones d'exercices/ entraînements auprès de ses États partenaires via la signature d'accords bilatéraux. Ce positionnement hors du territoire national représente une part significative des dépenses annuelles de défense en raison des coûts logistiques liés au transport des hommes et des matériels, et de la location des infrastructures. A titre d’exemple, Singapour a renégocié un accord avec l’Australie en vue de doubler les capacités de la base d’entraînement de Shoalwater où l’armée de Terre singapourienne est présente depuis les années 1990. Celui-ci est estimé à 2,25 Mds AUD (environ 1,58 Md€)« Singapore, Australia expand military partnership with eye on China », Wall Street Journal, 6 mai 2016..
L’offre de ST Kinetics est destinée prioritairement au marché domestique (développement de son offre en coopération avec la DSTA et la DSO). Toutefois, en renforçant son offre défense, ST Kinetics est passé au cours de la dernière décennie du statut de producteur répondant aux besoins nationaux à celui de producteur/exportateur.
ST Kinetics est ainsi l’un des leaders mondiaux sur le segment des munitions 40 mm. L’entreprise a signé un accord de coopération en 2013 avec Australian Munitions relatif au développement, fabrication et commercialisation de munitions 40 mm pour la zone Océanie« Nouvelles munitions de 40 mm pour l’Australie », communiqué de presse Thales, 11 septembre 2013.. ST Kinetics dispose également d’une clientèle en Europe (Finlande, Espagne, Suède et Slovénie ainsi qu’au Royaume-Uni). Sa présence sur le continent américain est plus récente : en novembre 2014, ST Kinetics a noué un partenariat stratégique avec General Dynamics visant à assurer le développement et la production de munitions 40mm HV airburst au profit de l’US Army« General Dynamics partners with ST Kinetics on 40mm HV Air Burst ammunitions », communiqué de presse General Dynamics, 19 novembre 2014.. Enfin, en 2015, le Brésil est également devenu client de la filiale terrestre de ST Engineering (munitions 40mm)ST Engineering, rapport annuel 2015.. A noter que ST Kinetics ambitionne un positionnement plus important sur le marché brésilien. En 2013, le groupe singapourien a procédé au rachat de l’entreprise Technicae, spécialisée dans la maintenance de systèmes d’armes terrestres« ST Engineering’ Land Systems arm acquires Technicae Projetos Serviços Automotivos », communiqué de presse, 22 juillet 2013..
Le groupe singapourien franchit une première étape à l’international suite à l’exportation de son premier système d’artillerie. En 2007, les Emirats Arabes Unis font l’acquisition du système de mortier SRAMS (Super Advanced Mortar Systems) 120mm (48 unités ; 106 M$)« UAE buys mobile mortars », Defense News, février 2007.. Ce système sera également vendu en 2012 et 2015 auprès d'autres clients (non dévoilés). A l’inverse, les obusiers 155 mm Pegasus et Primus n’ont connu aucun succès à l’export. Toutefois, notons qu’une tentative infructueuse a eu lieu en Inde. En 2008, ST Kinetics s’associe à Punj Lloyd dans le cadre du plan d’acquisition du gouvernement indien d’obusiers légers 155 mm« Punj Lloyd inks pact with ST Kinetics for Defence equipment maufacture », communiqué de presse Punj Lloyd, 5 juin 2008.. Le partenariat prévoyait un transfert de technologies (ToT) de l’obusier Pegasus conçu par ST Kinetics via la production de 1 180 unités en Inde sur les 1 580 canons commandés. Cependant, après avoir fait face à une enquête de corruption en juin 2009, ST Kinetics a été officiellement écarté en 2012 des appels d’offres des marchés publics de défense indiens pour une durée de 10 ans. Si cette décision devrait être annulée par le gouvernement indien« Remove ban on defence firm, Singapore to India », Economic Times, 19 août 2014., l’affaire a porté un coup définitif au projet d’exportation d’obusiers singapouriens.
C’est néanmoins sur le segment des véhicules blindés que ST Kinetics franchit un cap important à l’international, et ce, grâce à son offre de véhicules blindés à haute mobilité chenillés. En effet, son offre Bronco positionne ST Kinetics comme le principal concurrent de BAE Systems Hägglunds (BvS10), leader mondial. Ainsi, en 2008, la version Bronco (dont capacité amphibie) a été sélectionnée par la Thaïlande et le Royaume-Uni. Le contrat britannique (en UOR) porte sur 100 véhicules pour un montant de 150 M£Matthews Ron, Maharani Curie, « Singapore’s arms sale to UK : a defence export breakthrough », RSIS Commentaries, 2 janvier 2009.. Cependant, suite à l’échec du test de mise en service, le véhicule a demandé une adaptation. Pour ce faire, ST Kinetics s'est rapproché de Thales UK (usine installée à Llangennesh dans le Carmathenshire), en charge d'intégrer de nouveaux équipements électroniques de contre-mesure et d'assurer l'installation du surblindage et des vitrages renforcés, produits par des équipementiers britanniques« Thales announces Warthog contract with ST Kinetics », communiqué de presse Thales, 25 août 2009.. Cette version britannique du Bronco est connue sous le nom de Warthog. Ce contrat marque un tournant dans le positionnement de ST Engineering à l’export : le groupe singapourien voit son offre véhicule blindée crédibilisée après sa vente auprès d’un pays occidental.
ST Kinetics poursuit ses efforts sur le segment des véhicules blindés et pourrait renforcer sa position avec son offre Terrex. Depuis 2012, le groupe singapourien est partenaire de SAIC dans le cadre du programme américain ACV 1.1 (ex programmme MPC) de l’USMC, évalué à 1,1 Md$. En novembre 2015, l’offre conjointe de SAIC/ST Kinetics a été sélectionnée, se retrouvant désormais en concurrence avec l’offre de BAE Systems/Iveco« BAE, SAIC named as finalists in Marines ACV competition », Defense News, 24 novembre 2015.. Ainsi, SAIC/ST Engineering se sont vus notifier un contrat de 121,5M$ pour la phase EMD (Engineering, Manufacturing and Development), relatif à la fourniture de 13 prototypes« ST Kinetics’ Terrex 2 progresses into US Marine Corps’ amphibious combat vehicle programme », communiqué de presse ST Engineering, 17 mars 2016.. A noter également que l’offre Sentinel II d’Elbit Systems Australia présentée dans le cadre du marché australien LAND 400, est basée sur la version Terrex 2« Team Sentinel’s Land 400 Bid revealed », Australia Defence Magazine.
Armement terrestre & investissements : priorité donnée aux systèmes autonomes
Conformément à son plan capacitaire 3rd generation SAF, le MINDEF singapourien privilégie désormais l’acquisition de plateformes sophistiquées, susceptibles de permettre une limitation de personnel mobilisé. C’est ce qu’a rappelé le ministre singapourien de la Défense au Parlement, en 2014, via la présentation du plan SAF 2030Dr Ng showcas SAF 2030 at budget debate », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 7 mars 2014.. En effet, la SAF est engagée dans une problématique d’effectifs, le nombre de conscrits étant appelé à être divisé par 3 en 15 ans en raison de la baisse démographique« Singapore to boost defence systems to meet future challenges », The Malay Mail Online, 30 juin 2015..
Pour ces raisons, le MINDEF donne une importance toute particulière à la théorie de la « Révolution dans les affaires militaires », la technologie étant perçue comme un multiplicateur de forcesHuang Ho Shu, « The hegemony of an idea, the sources of the SAF’s fascination with technology and the Revolution in the Military Affairs », Irasec’ discussion paper, n°5, septembre 2009.. Ainsi le MINDEF met-il dorénavant presque systématiquement en avant cette rhétorique pour l’acquisition de nouvelles plateformes : « Our frigates can operate with about 70 men, half that in other navies (…) our High Mobility Artillery Rocket System needs a crew of only 3 men, compared to eight for other artillery systems »« Speech by Minister for Defence Dr Ng Eng Hen at the Committee of sup"ply debate 2013 », communiqué de presse du ministère singapourien de la Défense, 12 mars 2013..
Dans cette optique, les systèmes autonomes et la robotique constituent aujourd’hui les thèmes prioritaires de recherche des centres militaires singapouriens aux côtés du Big Data Analytics (et de la cybersécurité)Document de présentation du Future Systems and Technology Directorate, 2014..
Dans ce cadre, ST Kinetics concentre une partie de ses efforts de R&D dans le développement de plateformes UGV. Ainsi, en 2015, ST Kinetics a mis en place une nouvelle division dédiée, rattachée à la branche commerciale, « Kinetics Advanced Robotics . L’entreprise coopère notamment avec l’agence de recherche nationale civile A*STAR et la filiale électronique de ST EngineeringST Engineering, rapport annuel 2015..
En février 2016, à l’occasion du Singapore Airshow, la filiale de ST Engineering a dévoilé sa gamme d’UGV Jaeger (6x6 ou 8x8)« Singapore Airshow 2016 : ST Kinetics unveil unmanned ground vehicle family », Jane’s International Defence Review, 22 février 2016.. Par ailleurs, le groupe a noué un partenariat avec l’entreprise estonienne Milrem portant sur le projet UGV THeMIS (installation du tourelleau téléopéré Adder)« First-of-its-kind modular hybrid unmanned ground vehicle unveils at the Singapore Airshow 2016 », Business Wire, 16 février 2016..
Le secteur de l’armement terrestre donne un aperçu de la montée en compétences industrielles et technologiques de défense réalisée par Singapour. Celle-ci, qui a eu pour premier objectif d’assurer l’autonomie et la souveraineté de la cité-Etat, est passée par les phases classiques de licence d’exploitation et ToT. Elle a néanmoins été accélérée par les investissements de défense réalisés depuis 50 ans, ainsi que les partenariats noués avec les fournisseurs historiques. Enfin, il faut souligner le rôle central donné à l’innovation et la recherche par le MINDEF, déterminant dans le développement de cette BITD, plus particulièrement dans le secteur de l’armement terrestre.
ST Kinetics ou les ambitions de Singapour dans l’armement
Kévin Martin, DEFENSE&Industries n°7, juin 2016
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