Le renouvellement de l’offre russe de systèmes terrestres

Texte tiré de l'article (mis à jour) "Le renouvellement de la flotte de blindés : un investissement pour moderniser l’armée russe", RDN, n°802, été 2017. 

Chars T55/62/72/90, véhicules de combat d’infanterie (VCI) BMP1/2, véhicules de transport de troupes (VTT) BTR60/70 et pièces d’artillerie de tous calibres équipent les forces de plus de quatre-vingts pays et, en premier lieu, celles de la Russie. Le renouvellement de ces systèmes terrestres représente un enjeu opérationnel majeur pour les forces armées russes ainsi qu’un défi crucial pour la base industrielle et technologique de défense (BITD). Le char T14, le VCI lourd T15, l’automoteur d’artillerie Koalistiya, le VCI moyen Kurganets, le VTT 8x8 Boomerang, les robots de combat ainsi que toute la gamme des systèmes anti-aériens, de frappe dans la profondeur, de guerre électronique et d’armements individuels participent de cet effort. Cette régénération complète ne trouve d’équivalent qu’en Chine, où les matériels modernes de tous types rentrent en service à une cadence soutenue. 

Un développement soutenu par le marché intérieur et l’export 

Ce renouvellement de la flotte des blindés russes correspond à deux besoins. Le premier est la remontée en puissance des forces terrestres russes, dont les matériels ont montré de notables insuffisances en Afghanistan, en Tchétchénie, en Géorgie et, récemment, dans l’Est de l’Ukraine et en Syrie. Ces mêmes obsolescences ou insuffisances capacitaires furent aussi notées par les clients étrangers des matériels russes. Cela concerne principalement les protections balistiques face aux mines et engins explosifs improvisés (EEI), les conduites de tir de nuit et l’ergonomie d’emploi. 

Le deuxième besoin est celui de l’export car la Russie tient des positions très fortes en Afrique du nord (Algérie, Egypte), en Inde et dans les républiques d’Asie centrale. Or, les blindés de transports BTR et les véhicules de combat d’infanterie BMP sont totalement surclassés par les nouveaux véhicules 8x8 européens, turcs ou asiatiques. Seul le char T90 dans ses versions modernisées possède encore une valeur commerciale reconnue en raison de son prix mais le client export doit accepter de combattre avec un char dont l’architecture de base remonte aux années 1960. 

Le calendrier de développement des nouveaux blindés russes correspond à celui du plan de modernisation de l’armée indienne qui recherche un nouveau VCI amphibie, un char de nouvelle génération et un 8x8 de transport de troupes. Le corps blindé mécanisé indien repose sur les BMP1/2, les chars T72 Areya et les T90 produits sous licence. La présence industrielle russe y est très forte et l’Inde a commandé récemment un nouveau lot de 464 chars T90S qui seront produits sous licence. 

Dix groupes industriels sont à la manoeuvre : Ural Vagon Zavod (UVZ) pour les chars, les automoteurs d’artillerie et les blindés lourds ; Almaz Antey/Kupol pour les systèmes anti-aériens ; KBP pour les systèmes d’arme, les tourelles, les munitions guidées et les missiles ; Kamaz pour les camions tactiques ; Kalashnikov pour les armements individuels, les drones et les robots ; Tecmash/Nimi pour les munitions ; Kurganmash Zavod pour les VCI BMP et les chars légers ; MIC/VPK (Military Industrial Company) pour les blindés à roues ; Burevestnik pour les tourelles, tourelleaux et mortiers et SPLAV pour les LRM. La plupart d’entre eux font partie de la holding Rostec. 

La modernisation des matériels en service 

Avant que l’ensemble des nouveaux matériels ne remplacent d’anciennes générations, l’armée russe s’est lancée dans un vaste programme de modernisation qui touche principalement les chars en service. Il faut préciser que l’armée blindée russe possède un capital considérable constitué de 2 300 chars T72, 400 T90 et environ 600 T80. Tout ou partie de ces chars seront portés respectivement aux standards T72-B3M, T90M et T80-BVM avec l’intégration de nouveaux blindages réactifs Relikt, de contre-mesures électromagnétiques Sosna, de caméras thermiques pour le combat de nuit, de nouvelles munitions flèches et explosives programmables et d’amélioration de leur transmission. Les forces terrestres russes ont été confrontées en Géorgie et en Ukraine à une forte attrition de leur flotte de chars. Elles en revinrent avec deux idées maîtresses. Premièrement, et malgré les pertes, le char demeure pour encore longtemps l’engin principal du combat terrestre et il peut être engagé pour toutes les phases d’un conflit et, deuxièmement, il faut disposer de réserves de matériels pour tenir dans la durée. Avec plus de 3.000 chars, les Russes peuvent engager un fort premier échelon qui sera soutenu par une réserve significative. 

La flotte de VCI et de VTT verra aussi l’implantation de solutions de modernisation sur les BMP, dont la Russie possède un stock d’environ 10 000 exemplaires, et sur les 5 000 BTR 60/70/80. Par cannibalisation d’une partie de ces flottes et par intégration de technologies modernes (caméras thermiques, canons de 30 mm en remplacement des mitrailleuses de 14,5 mm, moteurs plus puissants, contre-mesures) l’armée russe doit pouvoir conserver en service environ 2 500 exemplaires de chaque type de blindés, soit 5 000 véhicules d’infanterie au total. Toutes ces solutions de modernisation sont disponibles pour les utilisateurs export de ces matériels, ce qui constitue autant de débouchés pour l’industrie russe. 

Chenilles, protection multi-couches et armements téléopérés 

Ce qui caractérise la nouvelle génération de blindés russes, en rupture totale avec les engins qu’ils vont remplacer, est la combinaison de quatre éléments : une forte augmentation des classes de masse, l’adoption d’armements principaux téléopérés y compris pour le char, l’installation généralisée de systèmes de protection active et, enfin, le recours massif à la chenille, le 8x8 Boomerang étant l’exception qui confirme la règle. 

L’accent est mis sur la survivabilité obtenue par une combinaison de technologies dont les blindages, en très forte progression, ne sont qu’une des composantes. Armata T14, VCI lourd T15 et Kurganets sont systématiquement équipés de systèmes de protection hard kill et soft kill destinés à neutraliser en vol les projectiles ennemis. Les ingénieurs russes furent pionniers dans ces concepts de protection, il y a presque un quart de siècle, et expérimentèrent très tôt certains systèmes comme le Drozd en Afghanistan sur quelques chars T55. Leur système le plus abouti fut l’Arena, une couronne de cassettes explosives à fragmentation ceinturant la tourelle du char et dont le tir, déclenché après détection du missile ou de la roquette ennemie, déchiquetait en vol le projectile assaillant. Shtora fut plus massivement employé tant en Russie que monté sur des chars étrangers, qu’ils soient algériens ou syriens. Shtora est un système de défense électro-optique de brouillage et de dissimulation par fumigènes bande large qui déroute les conduites de tir des lance-missiles et des chars. 

Il ne fait aucun doute que le nouveau système Afghanit qui équipe les nouveaux blindés russes tire nombre de solutions et de principes techniques de ces deux systèmes Arena et Shtora qui ouvrirent la voie. Seul Israël est en mesure de concurrencer la Russie avec ses systèmes Iron Fist et Trophy. Le reste du monde apparaît très en retard. La particularité d’Afghanit est d’additionner les effets soft kill et hard kill face aux menaces anti-blindés modernes – roquettes de gros calibre, missiles de tous types et munitions intelligentes. Face à des missiles classiques, l’Afghanit pourra tirer des grenades à fragmentation dans leur direction pour les intercepter par explosion. Face à des munitions intelligentes ou des missiles à trajectoire plongeante, Afghanit créera un nuage opaque qui interrompt la ligne de visée tout en tirant des leurres infrarouges pour distraire le capteur de guidage. 

Des masses en croissance 

A cette couche de protection active, les concepteurs russes ont ajouté ce qui fait qu’un blindé reste un blindé, la protection balistique. Ce faisant, ils ont visé les meilleurs standards mondiaux. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer le VCI T15 qui affiche une cinquantaine de tonnes, ce qui multiplie la masse du BMP qu’il remplace par trois ! Dans cette catégorie d’engins, il n’y a que le Puma allemand et le Namer israélien, à respectivement 43 tonnes et 60 tonnes. Le T15 est protégé par d’épais blindages tant dans l’arc frontal qu’en latéral et sur le toit, ce qui lui permettra d’être engagé en zone complexe comme les quartiers de ville, où il escortera les chars T14. Ces vingt dernières années, les Russes ont accumulé une expérience considérable du combat en zone urbaine et ils améliorent leurs doctrines et tactiques chaque jour en Syrie. Ce recours massif aux engins lourds qui cumulent les couches de protection (soft kill, hard kill et blindages) doit nous amener à réfléchir sur nos propres choix en matière de classe de blindés et d’architecture système. Avec le quatuor T14, T15, TOS (lanceur de roquettes thermobariques) et Terminator (véhicule d’appui feu rapproché), les forces russes disposent d’une combinaison technique de combat terrestre qui n’a pas d’équivalent ailleurs dans le monde. 

Le T15 utilise les éléments de mobilité chenillée du char T14 (moteur Diesel ChTZ 12Н360-A-85-3A et boîte de vitesses automatique à 12 rapports), réagencés dans une configuration à groupe motopropulseur avant pour aménager une rampe arrière pour le débarquement des fantassins. Son armement de 30 mm automatique est intégré dans une tourelle téléopérée Burevestnik dotée de viseurs vidéo avec caméras thermiques. Cette tourelle embarque aussi des mitrailleuses et deux rampes doubles de missiles anti-chars. Récemment, le T15 a été présenté avec une tourelle AU-220M de 57 mm, de façon à s’assurer d’une capacité de destruction certaine des VCI occidentaux. Ce passage à la téléopération pour l’armement principal est un pari majeur pour les ingénieurs russes. En effet, il pose le problème de la perception de l’environnement extérieur, tout à la fois lointain et proche, par des moyens exclusivement vidéo. Or, celle-ci n’a pas été totalement acceptée par les opérationnels, au moins dans certains pays occidentaux. Les armées française et britannique ont ainsi exigé que les tourelles de 40CTA des futurs Jaguar et Ajax fussent habitées ; elles refusent le concept de téléopération pour des raisons liées au contact physique nécessaire entre l’équipage et l’extérieur. L’avantage de la formule développée par UVZ est de concentrer l’équipage dans une cellule de survie qui réduit les surfaces à protéger et augmente les niveaux de protection balistique à masse constante. Pour des raisons tactiques et financières, les Russes ne pourront pas remplacer nombre pour nombre tous leurs BMP par des T15. Aussi ont-ils développé en parallèle le Kurganets, plus léger mais amphibie – une capacité de mobilité tactique que d’autres armées, comme celle de l’Inde, recherchent aussi. Moins cher mais capable d’être déployé en nombre, le Kurganets est dérivé en deux versions, VTT et Poste de Commandement. Il est très reconnaissable grâce aux massifs caissons latéraux qui augmentent le volume immergé pour pouvoir flotter et qui intègrent aussi les couches de blindages. 

Outre les plates-formes chenillées T14 et Kurganets, l’infanterie blindée russe pourra compter sur le nouveau 8x8 Boomerang, qui devrait remplacer la famille des BTR dans le rôle de « taxi du champ de bataille » et de « bon à tout faire » avec ses dérivés (poste de commandement, ambulance, guerre électronique, lance-missiles). Le Boomerang fut développé en parallèle du projet franco-russe Atom qui devait voir se rapprocher Renault Trucks Defense (aujourd’hui Arquus) et UVZ dans un ambitieux projet de véhicule de combat d’infanterie à roues armé du système d’arme AU-220M de 57 mm. Les sanctions économiques décidées après l’annexion de la Crimée mirent fin à cette coopération. Le Boomerang bénéficie de l’expérience acquise avec les MRAP Typhoon basés sur le châssis Kamaz pour ce qui est des technologies de protection contre les mines et les EEI. 

Un char à l’architecture révolutionnaire 

Avec son canon 2A82-1M de 125 mm, potentiellement remplaçable par un armement de 135 mm dans le futur et sa solution de survivabilité complète, le char T14 ArmataVoir la Revue de défense nationale de juillet 2015 pour un descriptif complet du char T14.  a fait l’objet d’analyses techniques poussés de la part de nombreux experts étrangers pour à la fois évaluer ses performances, son potentiel de vente sur les marchés internationaux et son emploi dans un cadre interarmées intégrant le reste des nouveaux blindés. L’engin met en oeuvre un système d’arme complet à base de munitions de nouvelle génération monobloc (flèche Vacuum et HE programmable Telnik) et de missiles (3UBK21 Sprinter) qui lui donnent une allonge redoutable. Cette dernière peut être un facteur de supériorité en cas de duel dans des espaces très ouverts. Un armement complémentaire à base de mitrailleuses, voire de canons automatiques, lui procure les moyens d’engager tous types de cibles aéroterrestre jusqu’à 6-8 km. L’emploi des radars millimétriques du système de protection active Afghanit en mode détection-suivi de cibles terrestres doit rendre totalement automatique l’engagement de blindés adverses, et ce, par tous les temps. Ces radars AESA bande Ka viennent utilement compléter les deux viseurs jour/nuit montés en tourelle. Cette capacité est absente sur les matériels occidentaux. Les Russes et les Egyptiens ont entamé des discussions sur une éventuelle acquisition de char Armata T14, assortie d’un possible transfert de licence de fabrication venant d’UVZ. 

Dernier engin chenillé habité de la panoplie, l’automoteur Koalitsiya 2S35 doit appuyer l’engagement des armes de mêlée dans la profondeur. Il doit normalement remplacer les canons 2S19 de 152 mm montés sur châssis T72 modifiés. Le Koalitsiya emploie un canon de 152 mm 52 calibres capable de tirer des obus à une distance de 40 km. Des obus RAP seraient en développement pour atteindre plus de 60 km. 

Le 2S35 peut aussi expédier des obus Krasnopol à guidage laser jusqu’à 25 km. Le chargement d’obus et des charges est automatique, ce qui assurerait une cadence maximale théorique de 8 coups par minute. Bien que prévu à l’origine pour emprunter le même châssis « universel » T14, le 2S35 se contente pour l’instant de rouler avec un châssis modifié de T90, plus simple et moins cher à fabriquer. L’armement d’autodéfense comporte une mitrailleuse de 12,7 mm et des lance-grenades fumigènes. Depuis les

« orgues de Staline », le nom donné par les Allemands aux lance-roquettes Katioucha pendant la Seconde Guerre mondiale, les Russes sont devenus experts en lance-roquettes multiples (LRM). Couplé à ces LRM, le Koalitsiya est l’indispensable composante canon d’une artillerie russe toujours à la pointe. Afin de toucher le plus grand nombre possible de clients, le Koalitsiya est aussi proposé en calibre 155 Otan et l’on sait que plusieurs délégations militaires du Moyen-Orient se sont rendues récemment en Russie pour assister à une démonstration de cette version export. 

L’omniprésence des solutions chenillées 

T14, T15, Kurganets, Koalitsiya, TOS, Terminator, Tunguska, IMR, BMR-1, BUR constituent une force aux capacités de mobilité tactique homogènes reposant sur un fort attachement à la chenille des forces et des bureaux d’études russes. Les chars et les VCI de la pointe blindée bénéficient en permanence des appuis de l’artillerie, du génie et de la défense sol-air qui ne sont jamais décrochés car tout le monde évolue à la même vitesse. La géographie des régions où la Russie veut conserver une influence est faite de terrains ouverts et urbanisés sur lesquels tout mouvement en toutes saisons et sous toutes les conditions climatiques impose un recours au train de roulement chenillé, rustique, endurant et compact. Ce choix rencontre aussi un très fort écho chez tous les clients traditionnels de matériels russes, Inde en premier. 

Les systèmes d’appui, la carte maîtresse de la panoplie russe 

Dans les années 80 en pleine guerre froide, d’aucuns s’étonnaient de l’étendue du spectre capacitaire confié à un simple commandant de bataillon d’infanterie mécanisée soviétique avec du génie, des missiles sol-air, une batterie de canons voire des moyens de guerre électronique. Ce qui posait invariablement la question de la gestion et du contrôle de ses équipements à un échelon très bas. Aujourd’hui, ces moyens ont évolué mais sont toujours présents en masseDans un article récent de DSI, Michel Goya rappelle que les brigades russes comprennent trois bataillons de mêlée pour quatre bataillons d’appui. . Pour la frappe dans la profondeur, l’armée russe compte sur les LRM à moyenne et longue portée comme les Grad, Tornado et Smerch, les missiles balistiques type Iskander et les missiles de croisière Club. Les équipements du génie de franchisse-ment, de déminage ou d’assaut sur base de châssis de chars, type IMR, GMZ-3 ou BMR-1, les robots d’ouverture d’itinéraires ou les équipements de défense NRBC dotent en nombre les grandes unités interarmes. Dans le domaine des appuis rapprochés, les lanceurs de missiles anti-chars sous blindage, les impressionnants lance-roquettes thermobariques TOS et les escorteurs de chars Terminator n’ont pas d’équivalent dans les armées occidentales et commencent à être copiés par les Chinois. Toute cette panoplie est très efficacement protégée des attaques venues du ciel par un parapluie anti-aérien et A2/AD très dense formés par plusieurs systèmes congruents de capacité, de portée et de nature différentes en commençant par l’inoxydable ZSU-23-4, le Pantsir, le Tunguska, le BUR et la famille S300/400/450/500. Convenablement positionnée sur le terrain, bien coordonnée par un système C4ISR et possiblement aidée par des avions de guet aérien, cette panoplie ne laisse aucun trou. 

Les Russes vouent une véritable vénération à la guerre électronique et ils possèdent un ensemble de moyens uniques s’échelonnant du niveau compagnie au niveau théâtre. On peut voir à l’oeuvre ses équipements en Syrie et en Ukraine. La plupart des matériels listés ci-dessus sont proposés à l’exportation et leur présence sur un théâtre d’opex pourrait créer de très mauvaises surprises pour les forces occidentales, trop sûres d’agir en situation de confort opératif. 

Une forte présence des armes d’infanterie 

Les quelque cent millions de Kakashnikov, toutes versions et origines confondues, ne sont pas pour rien dans l’attirance naturelle éprouvées par nombre d’armées dans le monde pour les réalisations russes du domaine. L’Inde a récemment annoncé qu’elle renonçait à développer un successeur à l’INSAS pour adopter le fusil d’assaut Kalashnikov AK-103 qu’elle produira sous licence. Mais il existe des dizaines d’armes individuelles pour tout usage dans l’offre russe : pistolets, mitrailleuses, fusils de précision, lance-roquettes jetables, pistolets-mitrailleurs et grenades. Ces armes contribuent au moins autant que les chars à la diffusion du soft power de Moscou comme récemment en république Centrafricaine. 

L’irruption des robots de combat 

Ce tour d’horizon ne saurait être complet sans évoquer la décision russe en faveur d’un emploi massif des robots de combat dans la bataille terrestre. Jusqu’à présent, la robotique dite terrestre se limitait à l’emploi d’engins de petite taille pour des missions de déminage et de neutralisation d’engins explosifs improvisés (EEI), ainsi que pour la surveillance et la reconnaissance d’espaces fermés ou de points dangereux. L’armée américaine et le Corps des Marines ont acquis des milliers de Packboot et autre IRobots pour leurs opérations en Afghanistan et en Irak. Le génie télécommande des engins de déminage lourds d’ouverture de brèche à travers les champs de mines. Envisager l’emploi de véritables robots de combat fortement armés est un pas que personne n’avait franchi jusqu’à aujourd’hui même s’il faut signaler quelques réalisations expérimentales aux Etats-Unis, comme la machine de BAE SystemsUn véritable petit char de la taille d’un AMX13 !  présentée il y a quelques années dans un salon spécialisé. Le mantra « no robotic shooter » semblait tenir jusque-là de onzième commandement. 

Les Russes brisent le tabou et se livrent à des expérimentations grandeur nature en Syrie avec des robots armés de missiles, canons automatiques et lance-grenades. Ces actions sont coordonnées depuis un PC tactique dédié, à l’aide de drones de ciblage et de communication. Parmi les modèles employés on trouve l’Uran-9, un char à échelle réduite armé d’un canon de 30 mm et de 4 missiles anti-blindés, le Platform-M, doté de 4 lance-roquettes et d’une mitrailleuse de 14,5 mm, ou encore le Nerehta plus léger et adapté à la reconnaissance. Ces trois machines sont chenillées. Ces engins peuvent poser de sérieux problèmes à tout adversaire qui ne s’y est pas préparé car ils sont employés en essaims et possiblement dotés d’algorithmes rudimentaires d’acquisition d’autonomie issus de travaux sur l’intelligence artificielle, y compris dans la décision de tir. 

L’industrie de défense terrestre russe démontre une forte capacité d’innovation que ce soit dans les concepts (robots, armement téléopéré, formule originale de systèmes d’armes) comme dans les technologies (protection active, munitions, C4ISR, missiles, cyber et guerre électronique). Elle a su se régénérer après l’effondrement des années 90. Ses forces sont les prix de ses produits, la fidélité de certaines armées étrangères de « masse », l’action diplomatique du Kremlin et une offre originale de produits sans équivalent dans les catalogues de la concurrence internationale. Il lui reste à matérialiser son effort de R&D par des contrats de vente export portant sur sa nouvelle gamme de matériels.

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