Sommaire du n°8 :
Au terme d’une année de consultation auprès des citoyens allemands comme des « professionnels de la sécurité » (praticiens et analystes) de tous horizons et, après plusieurs mois de concertation interministérielle, le Cabinet fédéralEquivalent allemand du Conseil des ministres en France. a adopté, ce 13 juillet, le nouveau Livre blanc sur la politique de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr (Weißbuch zur Sicherheitspolitik und zur Zukunft der Bundeswehr).
La vocation de ce document est explicitée dès le préambule rédigé par la Chancelière fédérale : les répercussions du désordre mondial sur l’Allemagne et l’Europe exigent de « décri[re] les fondements de la politique de sécurité allemande et le cadre dans lequel celle-ci s’exerce » et d’« identifie[r], pour l’ensemble du Gouvernement fédéral, les champs d’action de la politique de sécurité ».
Quels sont donc les principes de sécurité d’un pays qui se définit comme une « société ouverte », une « économie nationale prise dans un réseau mondial » et une « nation » ?
Une conception de sécurité élargie
L’introduction d’une nouvelle grille de lecture : les intérêts nationaux
A l’heure où la question de l’identité nationale a surgi dans le débat public allemand avec les polémiques autour de la politique d’accueil des réfugiés et la percée du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) dans les derniers scrutins régionaux, le Livre blanc apporte tout d’abord une contribution importante à l’identification de ce qu’est l’Allemagne. Il inscrit clairement la notion d’intérêt dans les discours politique et bureaucratique : le terme, autrefois simplement suggéré, est endossé par la Chancelière dès les pages liminaires et le deuxième chapitre du document lui est consacré.
Vingt-six ans après la Réunification et le recouvrement de sa pleine souveraineté, l’Allemagne parvient non seulement à associer explicitement sécurité nationale et intérêt, mais aussi à affirmer officiellement que les intérêts nationaux sont le principe ordonnateur de la politique de sécurité. Cet usage n’a d’ailleurs pas recueilli d’écho défavorable dans l’opinion publique, comme en attestent les réactions actuelles ou, plus exactement, les non-réactions.
Il est bien sûr prématuré pour examiner des effets concrets sur la pratique de la politique de sécurité. Il est d’ailleurs également impossible de déterminer à ce stade si l’emploi d’un tel discours a été véritablement retenu comme critère d’action ou bien si, selon un effet de mode, il répond davantage à un souci de correspondance avec les derniers travaux français, britannique ou encore américain.
Quoi qu’il en soit, recourir à la notion d’intérêt symbolise la volonté des « professionnels de l’Etat » de modifier les représentations collectives nationales et internationales à l’égard de la politique de sécurité allemande. Le procédé offre la possibilité de véhiculer l’idée que les décisions allemandes sont prises de manière rationnelle puisque fondées sur une maximisation des intérêts nationaux et que, par conséquent, la politique de sécurité allemande se déroulera selon les règles d’un scénario écrit à l’avance, accessible et nécessairement prévisible.
L’emploi de ce terme aide aussi à nous représenter le monde allemand. Berlin nous offre une conception de ses intérêts qui sort du schéma classique en s’enracinant dans ses réalités historiques, politiques et sociales. Il est certes ici question de survie de l’Etat - en l’occurrence de la protection des citoyens, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale -, mais aussi d’exigences sociétales (bien-être à atteindre par la croissance économique nationale et un commerce international libre), de la protection de valeurs (liberté, gestion des ressources et matières premières limitées), de considérations normatives (droit international), et d’une appartenance
supranationale (intégration européenne) et multilatérale (partenariat transatlantique). Tous les invariants majeurs de la diplomatie allemande depuis 1955 s’en trouvent ainsi relégitimés et le lien sécurité-économie qui avait précipité le départ du Président Köhler est désormais ouvertement assumé.
Par ailleurs, il convient aussi de remarquer l’horizon sécuritaire de l’Allemagne qui dépasse la sphère nationale : Berlin estime ses intérêts de sécurité indissociables de ceux de ses alliés et partenaires. Que cette formule floue soit imputable à une inhibition persistante à penser ou, à tout le moins, à dire le fait national ou que celle-ci résulte simplement d’une nouvelle manifestation d’un attachement à la sécurité coopérative, elle confirme le changement d’échelle des politiques sécuritaires des Etats.
Une vision compréhensive des défis de sécurité
La grille de lecture ainsi fournie affecte la manière dont l’environnement est appréhendé. Dans son diagnostic des désordres mondiaux, l’Allemagne identifie plusieurs facteurs qui tendent à rendre le monde « toujours plus complexe, volatile, dynamique et difficilement prévisible » : la mondialisation, la numérisation, les développements démographiques, l’urbanisation ainsi que les vulnérabilités du modèle étatique. Ces quatre données font peser, selon Berlin, un risque particulier dans l’équilibre mondial en ce qu’elles sont susceptibles de provoquer un bouleversement des rapports de force au sein d’un monde multipolaire, de remettre en question l’ordre de paix et de stabilité euro-atlantique et de fragiliser le projet européen.
Sur cette base, et dans la logique d’un périmètre déjà large de la compréhension de son état de sécurité, l’Allemagne inclut les enjeux suivants :
terrorisme transnational ; usage de l’espace informationnel et notamment du cyberespace ; conflits interétatiques ; mauvaise gouvernance et fragilité étatique ; armement mondial et prolifération des armes de destruction massive ; fragilisation des voies de l’information, de communication, d’approvisionnement, de transport et de commerce et sécurité des approvisionnements en énergie et matières premières ; changement climatique ; migration incontrôlée et irrégulière ; pandémies et épidémies.
Le caractère compréhensif d’une telle liste, mêlant menaces classiques, transnationales et à prédominance non militaire, n’a rien de novateur. Cela s’inscrit dans le droit fil des inventaires réalisés par l’Union européenne (UE), l’Alliance atlantique, le Conseil de l’Europe ou encore l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dont la filiation avec la stratégie de 2003Stratégie de l’OSCE visant à faire face aux menaces pour la sécurité et la stabilité au XXIesiècle. sur ce point pourrait difficilement être niée. A cela s’ajoute la prise en compte du retour des conflits interétatiques sur le continent européen et des évolutions technologiques.
Le lecteur attentif ne manquera pas, à cet égard, de relever le refus d’opérer une discrimination ami/ennemi ou encore la « re-sécuritisation » (expression empruntée au courant d’analyse constructiviste), c’est-à-dire la réémergence d’un problème public et sa remise à l’agenda politique, d’un risque passé – en l’occurrence, la Russie. Il pourra également anticiper le poids qui sera accordé, en raison des multiples interdépendances, à la coopération et à la gestion commune des conflits. Mais le plus important dans l’approche développée par l’Allemagne réside certainement dans la réalisation sémantique d’un continuum entre sécurité interne, externe et internationale, du moins dans la progressive dé-différenciation de la sécurité intérieure et extérieure, qui est la cause de passes d’armes répétées entre les camps conservateur et social-démocrate depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Une réponse axée sur le déclaratoire
L'obsession du rôle : être un partenaire responsable et fiable
Quoi que le Livre blanc conçoive la sécurité allemande sur une base élargie et non exclusivement nationale, l’emphase du document est mise sur le rôle que l’Allemagne est appelée à jouer et plus encore à devoir jouer, en raison de son « importance économique, politique et militaire », mais aussi du fait de la perception que les autres ont d’elle : à savoir un « acteur central en Europe ».
Ainsi que M. Steinmeier l’a déjà affirmé dans la Review 2014 et dans son article intitulé Germany’s New Global Role de juin 2016, le nouveau rôle que Berlin se dit prêt à endosser se veut donc être à la fois la conséquence d’une prise de conscience nationale, mais également, dans un contexte post-Afghanistan et Libye, le fruit des interactions avec les attentes de la communauté transatlantique et internationale à son égard.
Dans ce cadre, les autorités allemandes cessent de se positionner en tant que « puissance civile » : notion issue du milieu de la recherche universitaire, popularisée en Allemagne par Hans Maull et érigée au rang de doctrine par le courant des libéraux allemands, notamment par Hans-Dietrich Genscher et Guido Westerwelle. Certains ont pu lire là une manifestation de la « normalisation » de la politique étrangère et de sécurité. Ce serait cependant pouvoir établir une norme objective en la matière. L’abandon pourrait aussi et plus simplement signifier la reconnaissance du caractère flou et potentiellement mystificateur du concept.
En lieu et place, le Livre blanc martèle quatre notions : responsabilité (plus de soixante occurrences de ce champ lexical), leadership, fiabilité et loyauté. Cette donnée constitue-t-elle pour autant une nouveauté ? La littérature scientifiqueHELLMANN, Gunther, WEBER, Christian, SAUER, Frank, SCHIRMBECK, Sonja : „Selbstbewusst“ und „stolz“. Das aussenpolitische Vokabular der Berliner Republik als Fährte einer Neuorientierung. IN: Politische Vierteljahresschrift, 2007, 48: 3, pp 650-679. nous apporte à ce sujet une réponse univoque. L’usage discursif récurrent et dominant de l’idée de responsabilité a déjà été tracé depuis la fin des années 1980. L’idée de leadership fait, quant à elle, directement écho à l’expression de « leadership in partnership » qu’avait employée Mme Merkel en 2002, quelques années avant son accession à la Chancellerie fédérale. Du strict point de vue de l’observation de la dialectique changement/continuité, la balance penche donc nettement en faveur de la dernière catégorie.
Si le langage n’est pas inédit, l’insistance avec laquelle il est pratiqué témoigne du besoin impérieux qu’ont ressenti les autorités allemandes à rassurer à la fois l’opinion publique et les alliés de l’Allemagne. Celles-là manifestent, par sentiment d’obligation, leur disposition à s’affirmer comme des partenaires qui n’agiront pas en passager clandestin de la sécurité européenne et internationale, mais qui, au contraire, seront aux avant-postes des initiatives, tout en se gardant de toute velléité hégémonique en s’inscrivant dans des démarches de coopérations bilatérales, multilatérales ou minilatérales. Le Livre blanc laisse ainsi transparaître un autre motif récurrent de la politique extérieure allemande post-1949 : la crainte de s’exposer à la stigmatisation, voire à la condamnation et d’être ensuite rabaissé en raison d’un positionnement assimilé par les autres à la déviance.
Les implications d’un discours perçu comme ambitieux
Dans sa grande majorité, la communauté académique et politique a accueilli avec enthousiasme ce Livre blanc en ce qu’il énonçait sur un ton assuré une ambition et une prétention à modifier l’ordre des choses. La reconnaissance extérieure qu’il a trouvée auprès de son environnement a ainsi attesté d’une relative efficacité sociale puisqu’il a bel et bien introduit une modification de la perception de l’Allemagne. De plus, bien qu’il soit impossible d’affirmer avec certitude que le Livre blanc recueille la pleine adhésion de la société allemande, nous pourrons noter que le document n’a pas suscité de réactions négatives et que l’avènement du concept de résilience a bien moins surpris que les exigences de la version actuelle du plan de défense civile, parue en août 2016Bundesministerium des Innern : Konzeption Zivile Verteidigung ; Berlin, August 2016..
Mais, en créant un tel effet, Berlin est aussi devenue l’obligée de toute la sphère sécuritaire, elle est désormais pleinement engagée à répondre de ses actes. Or, dire, ce n’est pas nécessairement faire. Si la parole a bien le pouvoir de faire des choses, comme l’a prouvé le linguiste britannique John Longsham Austin avec son ouvrage How to Do Things with Words, affirmer être responsable sur tout le spectre de la sécurité ne réalise en rien l’acte. Toute l’efficacité du discours et, par là même, sa sincérité ne pourront être tirées que de sa réalisation. Ceci est hautement problématique pour un document qui ne constitue pas une simple promesse qu’il s’agirait de faire advenir. Le Livre blanc contient déjà en effet en son sein plusieurs faiblesses dans la partie consacrée à la mise en œuvre qu’il est difficile d’occulter.
Les imprécisions sur les détails d’exécution
Ce Livre blanc ne permet effectivement pas de savoir si l’Allemagne dispose ou compte disposer de toutes les capacités correspondantes au rôle qu’elle dit vouloir endosser.
Une méthode interministérielle toujours en quête de définition
Sur le plan de la méthode, les autorités allemandes confirment leur attachement à l’approche intégrée (« vernetzter Ansatz »), c’est-à-dire une démarche transversale, interministérielle et, dans le domaine de la formation, ouverte aux acteurs non-étatiques. Cependant, alors que
l’Allemagne ne dispose d’aucun organe similaire au Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN), le document ne fournit aucun élément de méthodologie sur sa mise en œuvre. Il ne précise ni les acteurs parties prenantes, ni ne décrit précisément les processus décisionnels (direction, coordination/animation, répartition des compétences…), laissant craindre une dilution de ce principe dans le quotidien administratif.
Ceci est particulièrement vrai pour les aspects de cybersécurité où n’est pas défini le cadre d’action et ne sont pas spécifiés les liens entre les principaux acteurs, notamment entre le Bundesamt für Sicherheit in der Informationstechnik (BSI) et la Bundeswehr dans un contexte d’établissement d’une division Cyber/IT (CIT, octobre 2016) dans la structure ministérielle et l’unité Kommando Cyber- und Informationsraum (2017)Cette unité aura rang de composante d’armée, au même titre que la Heer, la Marine et la Luftwaffe..
Quant à la proposition de pratiquer les échanges de personnels entre ministères, sa praticabilité au niveau des cadres supérieurs est sujette à caution : dans un contexte de rétrécissement des postes disponibles dans le haut de la pyramide en raison, principalement, de l’allongement des carrières, les syndicats de fonctionnaires au sein de chaque ministère fédéral jouent, dans la pratique, contre la mobilité interministérielle.
Traduction du continuum sécurité intérieure – sécurité extérieure dans la pratique ?
Le plus problématique réside néanmoins sur le fond. Berlin clame haut et fort dans la première partie du Livre blanc envisager sa sécurité sous un angle élargi. Mais, la vision et la gestion de cette vision se trouvent à front renversé. Paradoxalement, toute l’attention se concentre sur la dimension militaire, les vecteurs non militaires sont tout juste suggérés. S’il est aisé d’imputer cela au fait que la rédaction du Livre blanc ait été confiée au ministère de la Défense et qu’en raison du principe de subsidiarité, plusieurs acteurs fédéraux demeurent structurellement faibles, ce constat amène à s’interroger sur le degré effectif d’acceptation de cette conception sécuritaire au sein de la classe politique et du reste de l’administration fédérale.
De plus, l’emploi de l’armée dans des missions de sécurité intérieure n’a pu être entériné dans le Livre blanc, l’incursion du militaire dans les questions intérieures restant une ligne rouge d’une social-démocratie qui, dogmatiquement, ravive la mémoire de la politique de Gustav NoskeMembre du parti social-démocrate allemand et ministre de la Reichswehr qui demeure associé à l’écrasement de la révolte spartakiste en 1919 .. Et ce malgré toutes les ouvertures sous-entendues par la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, en avril dernierSONNE, Werner : Wir müssen die Bundeswehr auch im Innern einsetzen; Cicero, 1“ avril 2016. et l’acceptation silencieuse de l’idée d’un exercice commun de la Bundeswehr et des polices régionales en février prochain.
Une posture militaire peu précise
Ce Livre blanc ne dit rien non plus du contrat opérationnel, permettant ainsi d’évacuer toute réflexion sur les interventions militaires. Il ne se prononce pas plus sur la traduction capacitaire du niveau d’ambition, ni sur le volume de forces. Ce dernier point est à mettre en relation avec la question de l’attractivité des forces armées qui reste, après la parution du document, un point noir dans le bilan de Mme von der Leyen et à laquelle aucune solution nouvelle n’est pour l’heure apportée : malgré les mesures prises en mars 2015, l’objectif, fixé lors de la suspension du service militaire, des 185.000 hommes semble toujours hors de portée tant les chiffres stagnent aux environs des 176.500Bundesministerium der Verteidigung: Stärke: Militärisches Personal der Bundeswehr.
(page actualisée tous les mois).
De plus, bien qu’il énonce effectivement deux missions fondamentales assignées à la Bundeswehr (défense collective et dissuasion), il ne précise pas leurs implications en termes de capacités. A cet égard, si le lecteur français qui a gardé en tête le fiasco du sommet de Lisbonne sera étonné de lire le témoignage limpide de l’attachement allemand à la dissuasion nucléaire, le Livre blanc, qui, d’un point de vue calendaire, est paru après la stratégie militaire aérienneBundesministerium der Verteidigung : Militärische Luftfahrtstrategie; janvier 2016. Version anglaise. ne livre pas de tendances particulières sur les modalités de la poursuite de la participation allemande au partage nucléaire de l’OTAN (éventuel prolongement de la durée de service des Tornado, prise en compte de cette dimension dans les spécifications du prochain Future Combat Air System).
La promotion des coopérations de défense : une vision inaboutie
L’Allemagne, soucieuse de son rang, se perçoit avant tout engagée dans une communauté de sécurité à laquelle elle entend participer par le biais des organisations multilatérales à vocation internationale et régionale et de ses partenariats bilatéraux qu’elle hiérarchise de la manière suivante : 1/ Etats-Unis, 2/ France, 3/ Royaume-Uni (NB : sans évocation du Brexit et des impacts éventuels), 4/ Pays-Bas/Pologne et autres voisins, 5/ Israël, 6/ partenariats stratégiques basés sur une communauté de valeurs et puissances régionales majeures, sans que ces dernières catégories ne soient précisément identifiables.
Au fil des lignes, Berlin établit toutefois d’autres critères de différenciation : le partenariat avec la France serait la marque d’une détermination à faire progresser les politiques de sécurité et de défense de l’UE ; en revanche, ceux avec Varsovie et plus encore avec La Haye semblent symboliser la dimension opérationnelle et l’entrée des coopérations de défense dans l’ère de l’efficience. Par ailleurs, en parallèle d’un plaidoyer en faveur de développements capacitaires nationaux « orchestrés », l’Allemagne s’est engouffrée dans la voie du concept de nation cadre où la logique d’intégration a toute son importance. Les résultats concrets sur le terrain sont encore attendus. Ils restent aussi conditionnés à la capacité des Allemands à se saisir non seulement juridiquement mais aussi politiquement des débats et conclusions de la commission dirigée par Volker Rühe sur la participation du Bundestag à la décision d’engagement des forces armées à l’étrangerKommission zur Überprüfung und Sicherung der Parlamentsrechte bei der Mandatierung von Auslandseinsätzen der Bundeswehr: Rapport final de la commission; Information au Bundestag, 16 juin 2015. pour rendre le dispositif opérationnel.
En matière d’armement, Berlin fait le constat du caractère incontournable de la coopération multinationale. Dans un désir de ne pas répéter les erreurs du passé, les autorités allemandes appellent cependant à l’adoption de nouvelles pratiques ainsi qu’à une nouvelle répartition des rôles. Ceci passe, selon elles, par une meilleure harmonisation des besoins entre nations pour une réduction des coûts de développement, d’acquisition et de maintenance, et par la désignation d’une lead nation sur un projet tout en insistant sur une division du travail basée non plus sur le « juste retour », mais sur les compétences industrielles et technologiques. Cette approche n’est pas sans rappeler les discussions des années 1990-début 2000 sur l’A400MGENIEYS, William: Le choix des armes. Théories, acteurs et politiques ; CNRS Editions, Paris, 2004.…
Engagements financiers : des premiers gestes suffisants ?
Sur le plan budgétaire, le Livre blanc rappelle les décisions prises au sommet de l’OTAN de 2014 et la double aspiration à atteindre un effort de défense à 2% du PIB et des dépenses d’investissement représentant 20% du budget de défense total. Dans cette perspective, mais sans chiffrage, il évoque une trajectoire financière qualifiée de conforme à ces engagements. Or, bien que les plans financiers (programmation financière de l’Etat fédéral sur cinq années glissantes) pour les périodes 2016-2019 et 2017-2020 témoignent effectivement d’une tendance à la croissance des dépenses de défense, l’Allemagne restera en-deçà des objectifs de l’OTAN, si l’on se base sur les pronostics de croissance du PIB du ministère fédéral de l’Economie (~ 1,5 % en 2017)Bundesministerium für Wirtschaft und Energie : Projektionen der Bundesregierung. (consultée le 15 septembre 2016)..
La progression des ressources allouées au-delà de 2017 n’est pas non plus assurée. La référence à la programmation pluriannuelle ne constitue aucune garantie de stabilité budgétaire pour la Bundeswehr, le Finanzplan n’ayant pas force de loi et n’étant qu’un document d’information transmis au Parlement, réactualisé chaque année au moment de l’examen de la loi de finances. Il est à ce stade délicat de prévoir si la prochaine coalition fédérale qui sortira des urnes l’année prochaine adoptera les mêmes priorités budgétaires que l’actuel gouvernement.
De plus, cette croissance sera-t-elle suffisante pour combler les retards capacitaires et soutenir l’innovation ? Se fera-t-elle principalement au profit des dépenses d’investissement ? L’extrapolation des données de 2016 et 2017 et la prise en compte du rattrapage de la période 2013-2015 qui a commencé d’être opérée cette année ne permettent pas d’apporter de réponses univoques.
L’analyse du Livre blanc sur la politique de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr révèle combien il pourrait être spécieux de faire sien le discours de changement et de remise à plat des options stratégiques vanté par le Gouvernement fédéral. Ce document, dont la portée programmatique mérite d’être relativisée, comporte en effet beaucoup de zones d’ombre et peu de décisions, lesquelles méritent de surcroît de gagner en réalité et en consistance. De plus, si Berlin peaufine son image d’acteur toujours plus décomplexé vis-à-vis de la chose militaire, un tabou demeure : le lien entre politique de sécurité et industrie d’armement qui n’a pas été thématisé dans l’exercice. Mais pouvait-il en être autrement, compte tenu de l’affaiblissement du parti de la Chancelière et des rapports de force au sein de la coalition en période pré-électorale ? Ce n’est sans doute pas tant au plan doctrinal que les changements sont à attendre, mais bien dans la conduite quotidienne de la sécurité, comme l’Allemagne le prouve au Mali, en Irak ou encore dans l’UE post-Brexit.
2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
49ème plan financier | 34.912 | 35.028 | 35.177 | - |
50ème plan financier | 36.612 | 36.860 | 35.851 | 39.177 |
Source : Bundesministerium der Finanzen
2016 | 2017 | Différentiel | |
Dépenses de fonctionnement | 20,42 | 21,63 | + 6% |
Participation à des entreprises de droit privé ou coopération avec l’industrie | 1,79 | 1,84 | + 2,5% |
Dépenses d’investissements | |||
Armement | 5,41 | 6,05 | + 11,7% |
Autres | 1,05 | 1,22 | + 16, 8% |
Dépenses d’approvisionnement | 5,67 | 5,84 | + 3% |
Source : Bundesministerium der Finanzen
AVERTISSEMENT : Les propos énoncés dans les publications ou communications des doctorants du programme de financement des thèses Relations Internationales et Stratégie ne sauraient engager la responsabilité de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie ou de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire, pas plus qu’ils ne reflètent une prise de position officielle du ministère de la Défense.
Documents utiles
Bundesregierung : White Paper on German Security Policy and The Future Of The Bundeswehr ; 13 juillet 2016.
STEINMEIER, Walter : Germany’s New Global Role. IN : Foreign Affairs, 13 juin 2016. Consultable sur: https://www.foreignaffairs.com/articles/europe/2016-06-13/germany-s-new-global-role
Quelques points de vue de la communauté académique
BRET, Cyrille, PARMENTIER, Florent: L’Allemagne fait son aggiornamento en matière de défense, mais refuse toute politique de puissance ; Paris, Huffington Post, 19 juillet 2016.
BRZOSKA, Michael : Weißbuch 2016 : Viel Sicherheitspolitik und Bundeswehr, aber keine umfassende Strategie ; Hambourg, Institut für Friedensforschung und Sicherheitspolitik an der Universität Hamburg, IFSH Stellungnahmen, 13 juillet 2016.
DE HOOP SCHEFFER, Alexandra: Paper Tiger No More ; Berlin Policy Journal, Septembre/octobre 2016.
MAJOR, Claudia, MOELLING, Christian: Von Libyen nach Syrien. Die Rolle des Militärs in einer neuen Sicherheits- und Verteidigungspolitik; Bundeszentrale für politische Bildung, Aus Zeit und Geschichte, n° 28-29/16, 11 juillet 2016.
RATHKE, Jeffrey: Rising Ambitions and Growing Resources Mark New German Security Strategy ; CSIS, 25 juillet 2016.
STELZENMUELLER, Constanze: A newly confident and audacious Germany ; Washington, Brookings Institution, 18 juillet 2016.
THIELE, Ralph D. : Weißbuch 2016 – Hilfloses Aufbäumen gegen sicherheitspolitischen Wandel ; Berlin, ISPSW Strategy Series: Focus on Defense and International Security, n°435, juillet 2016.