Responsabilités nucléaires : une nouvelle approche pour penser et parler des armes nucléaires

Observatoire de la dissuasion n°81
décembre 2020

Sebastian Brixey-Williams et Nicholas J. Wheeler proposent une nouvelle approche pour faciliter un dialogue mondial plus constructif sur les armes nucléaires, intitulée la « méthode des responsabilités nucléaires »Sebastian Brixey-Williams et Nicholas J. Wheeler, Nuclear Responsibilities: A New Approach for Thinking and Talking about Nuclear Weapons, BASIC, Institute for Conflict, Cooperation and Security, novembre 2020.. Ils notent que, jusqu’à présent, ce dialogue a été marqué par une « culture chronique du blâme » – une dynamique qui a alimenté la méfiance et a finalement entravé les progrès en matière de réduction des risques nucléaires, y compris en matière de désarmement. Au cœur de leur proposition se trouve donc l’idée qu’il est nécessaire de s’engager dans un dialogue mondial qui cultive davantage la coopération, la confiance et une exploration partagée des responsabilités nucléaires. Cela pourrait contribuer à garantir un cadre normatif plus solide qui permettrait de maîtriser la pratique émergente de manipulation du risque nucléaire, et qui indiquerait la voie à suivre pour progresser sur la voie du désarmement nucléaire.

Justification de la méthode

La logique qui sous-tend l’approche de Williams et Wheelers découle de l’absence actuelle de dialogue mondial constructif sur la manière de réduire les risques nucléaires et de renforcer les accords de maîtrise des armements qui s’érodent. Ils attribuent ce dialogue improductif aux accusations réciproques sur le comportement nucléaire responsable qui imprègne la politique nucléaire mondiale. En d’autres termes, les États détenteurs de l’arme nucléaire prétendent (subjectivement) qu’ils se comportent de manière responsable, tout en accusant leurs adversaires d’agir de manière irresponsable. Ils attribuent également ce blocage à la polarisation sur la légitimité de la possession d’armes nucléaires et l’opposition entre un discours qui affirme que la possession (et la modernisation) d’armes nucléaires constitue une position immorale et contraire à l’éthique et un autre selon lequel elles offrent un système de prévention des conflits qui protège les populations de la guerre et de la souffrance. L’approche de Williams et Wheelers cherche donc à orienter la communauté internationale au-delà de ces discours accusateurs et polarisants.

Méthode proposée

La « méthode des responsabilités nucléaires » est un processus en deux étapes visant à aider les fonctionnaires, les experts non gouvernementaux et le public à réfléchir et à parler de leurs responsabilités, et de celles des autres, en matière d’armes nucléaires. Le processus implique de passer de la question subjective habituelle de « qui ou quoi est responsable » à la question de savoir quelles devraient être les « responsabilités » plurielles des parties prenantes. La première étape est appelée « introspection critique », au cours de laquelle les parties sont invitées à réfléchir de manière critique à la façon dont elles perçoivent leurs propres responsabilités nucléaires et à se demander si elles les assument. La deuxième étape est appelée « dialogue empathique », au cours duquel les parties sont réunies et ont la possibilité de se voir à travers le regard des autres, de contester les notions de responsabilités des uns et des autres, de discuter des domaines dans lesquels elles peuvent mieux s’acquitter de leurs responsabilités mutuelles et, par conséquent, de construire une compréhension commune des responsabilités réciproques qui peut donner forme à de nouvelles pratiques visant à réduire les perceptions erronées.

Preuve du concept

Les auteurs ont testé cette méthode dans le cadre d’un dialogue Track 1.5 entre 2018 et 2020 avec un ensemble d’acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de cinq États – le Royaume-Uni, le Japon, la Malaisie, les Pays-Bas et le Brésil – sélectionnés sur la base de leurs différentes positions sur la légitimité et l’utilité des armes nucléaires. Les résultats de ce prototype ont démontré que l’approche bénéficie d’un soutien solide et qu’elle peut permettre un dialogue significatif entre des parties prenantes occupant des positions opposées sur la légitimité des armes nucléaires.

La voie à suivre

Toutefois, à long terme, l’approche est destinée à être mise en œuvre au sein des États et entre eux, y compris les États détenteurs de l’arme nucléaire, qui se trouvent dans des relations de méfiance et d’inimitié. Ainsi, un baromètre peut-être plus précis des perspectives de succès du programme sera sa mise en œuvre dans des régions comme l’Asie-Pacifique et l’Euro-Atlantique. En fin de compte, l’approche sera nécessairement un processus systémique à long terme qui nécessite un engagement régulier des parties prenantes et une sensibilisation et une promotion active dans les principaux forums multilatéraux tels que les cycles d’examen du TNP, mais plus encore dans les forums « minilatéraux », régionaux et bilatéraux.

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Responsabilités nucléaires : une nouvelle approche pour penser et parler des armes nucléaires

Sebastian Brixey-Williams et Nicholas J. Wheeler

Bulletin n°81, novembre 2020



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