Rapidly expanding nuclear arsenals in Pakistan and India portend regional and global catastrophe
Observatoire de la dissuasion n°69
octobre 2019
Le spécialiste du climat Alan Robock vient de publier une nouvelle étude sur les conséquences climatiques d’une guerre nucléaire. De manière notable, l’équipe qu’il a rassemblée pour ce projet inclut Hans Kristensen, ce qui montre sa volonté de proposer un scénario jugé réaliste par les spécialistes des questions nucléaires. L’article publié examine les éventuelles répercussions humaines et environnementales d’une guerre nucléaire entre l’Inde et le Pakistan aux alentours de l’année 2025, cette guerre ayant notamment les villes pour cibles directes ou indirectes.
Après avoir étudié la plausibilité d’un conflit nucléaire entre les deux États – jugée relativement faible –, les auteurs s’interrogent sur de possibles scénarios d’escalade. Dans le scénario choisi par les auteurs, c’est le Pakistan qui recourt à l’arme nucléaire en premier. Selon les hypothèses retenues, le Pakistan utiliserait 150 armes stratégiques visant les zones urbaines indiennes, contre 100 armes stratégiques pour l’Inde visant les zones urbaines pakistanaises. En se basant sur les données démographiques actuelles, les auteurs déclarent que ces frappes causeraient entre 50 et 125 millions de morts, en fonction de la puissance des armes utilisées. De plus, les auteurs expliquent que le nombre de victimes serait plus important en Inde car le pays compte une population plus nombreuse et une densité de population dans les villes plus importante qu’au Pakistan.
Quelles sont les conséquences environnementales ? Les auteurs assurent que le premier mécanisme à l’origine du changement climatique après un conflit nucléaire est l’absorption des radiations solaires par la fumée provenant des villes en feu. La disparition progressive des radiations solaires (de 20 à 35%) entraînerait un refroidissement de la surface de la Terre, ainsi qu’un affaiblissement des précipitations. La chute des températures (de 2° à 5°C), de la productivité primaire, c’est-à-dire de la production de matière organique (de 15 à 30% sur terre et de 5 à 15% dans les océans) et la réduction des précipitations (de 15 à 30%) seraient à l’origine de perturbations majeures des écosystèmes et activités humaines pendant au moins une décennie.
En 2007, Robock et Toon alertaient déjà des conséquences dramatiques à court et long termes d’un conflit nucléaire, non seulement à l’échelle régionale mais également mondialeToon, O. B., Turco, R. P., Robock, A., Bardeen, C., Oman, L., and Stenchikov, ‘Atmospheric effects and societal consequences of regional scale nuclear conflicts and acts of individual nuclear terrorism’, Atmos. Chem. Phys., 7, 1973- 2002, https://doi.org/10.5194/acp-7-1973-2007 , 2007.. En effet, les conclusions de Robock et Toon prévoyaient que l’explosion de 100 armes nucléaires d’une puissance de 15 kT entrainerait une baisse des températures (entre 0,5 et 1,25°C) et un affaiblissement des précipitions (de 10%) liés aux effets du nuage de fumée provoqué par l’explosionRobock, A., Oman, L., Stenchikov, G. L., Toon, O. B., Bardeen, C., and Turco, ‘Climatic consequences of regional nuclear conflicts’, Atmos. Chem. Phys., 7, 2003-2012, https://doi.org/10.5194/acp-7-2003-2007 , 2007, pp. 2005..
Cependant, en 2007, Robock et Toon restaient très prudents quant à l’éventualité d’un conflit nucléaire, n’impliquant aucun pays en particulier dans leur scénario ; et analysaient seulement de manière globale les éventuelles conséquences climatiques d’un conflit nucléaire régional. En 2018, les conclusions alarmantes de Robock et Toon ont été nuancées par une équipe de Los Alamos National Laboratory qui a relativisé les conséquences climatiques d’un conflit nucléaire et interrogé le concept d’« hiver nucléaire » : « The long-term global impacts on climate are much less severe than predicted by previous studies […] longerterm impacts are unlikely, regional in scope and limited in scale »Jon Reisner, Gennaro D’Angelo, Eunmo Koo, Wesley Even, Matthew Hecht, Elisabeth Hunke, Darin Comeau, Randall Bos et James Cooley, ‘Climate Impact of a Regional Nuclear Weapons Exchange: An Improved Assessment Based On Detailed Source Calculations’, Journal of Geophysical Research:Atmospheres, n°123, 2018, pp. 19. . En effet, le rapport du Los Alamos National Laboratory affirme, contrairement aux conclusions apportées par Robock et Toon, que seule une petite quantité des fines particules de charbon noir produites par l’explosion rejoindrait la stratosphère : « Due to the heat of the fire and of the BC particles that are produced, some of the particles are lofted into the stratosphere. However, our comprehensive urban fire simulations indicate that the bulk of the carbon mass remains in the troposphere »Ibid..
Les doutes du Los Alamos Laboratory quant à l’ampleur de l’impact climatique d’une guerre nucléaire n’ont donc pas empêché Robock et Toon d’approfondir leur analyse et de conduire cette nouvelle étude en 2019. Leurs conclusions sont d’autant plus alarmantes que la puissance nucléaire de l’Inde et du Pakistan risque d’augmenter considérablement dans les cinq prochaines années. Malgré des interrogations sur la plausibilité du scénarioAdam Rodgers, « Even a Small Nuclear War Could Trigger a Global Apocalypse », Wired, 2 octobre 2019., l’intérêt de ce type de travaux reste de réassocier les notions d’escalade nucléaire à celles de bilan humain, ainsi que de s’interroger sur la pertinence de réfléchir en termes de « guerre nucléaire régionale limitée »Voir également : Emmanuelle Maitre, « La dissuasion irrationnelle ? Réflexions scientifiques autour de l’"automne nucléaire" », Bulletin n°59, Observatoire de la Dissuasion, FRS, novembre 2018..
Rapidly expanding nuclear arsenals in Pakistan and India portend regional and global catastrophe
Owen B. Toon, Charles G. Bardeen, Alan Robock, Lili Xia, Hans Kristensen, Matthew McKinzie, R. J. Peterson, Cheryl S. Harrison, Nicole S. Lovenduski, Richard P. Turco
Bulletin n°69, octobre 2019