Première réunion des États parties au TIAN à Vienne
Observatoire de la dissuasion n°99
Emmanuelle Maitre,
juillet 2022
Du 21 au 23 juin 2022 s’est tenue à Vienne la première réunion des États parties au TIAN, sous la présidence de l’Autriche en la personne d’Alexander Kmentt. 49 États parties ont participé à la réunion (sur 66 États ayant ratifié le Traité à ce jour), ainsi que 34 États observateurs (principalement des États signataires mais aussi l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède ou encore la Finlande) et 85 organisations internationales et ONG. La réunion a été précédée par une conférence sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, sur le modèle de ce qui avait eu lieu à Oslo en 2013, Nayarit en 2014 et Vienne en 2016. Au cours de la semaine, l’association abolitionniste ICAN a été notamment très investie pour organiser différents événements de sensibilisation sur le thème du désarmement nucléaire à Vienne et en ligne.
États ayant signé et ratifié le TIAN au 24 juin 2022. Crédits : FRS.
Le format de la réunion a permis d’adopter une déclaration finale, qui reprend l’engagement des États parties pour la cause du désarmement en notant l’urgence plus forte que jamais pour l’élimination des armes nucléaires. Un plan d’action a également été adopté. Celui-ci se concentre sur 6 thématiques sur lesquelles ont travaillé les États durant la conférence : l’universalisation du Traité, la vérification, les délais accordés aux États devant démanteler leurs stocks d’armes nucléaires, l’assistance aux victimes et la remédiation environnementale, la création d’un comité consultatif scientifique ou encore la complémentarité du TIAN avec l’ensemble du régime de non-prolifération et de désarmement.
Sur l’ensemble de ces points, des États spécifiques s’étaient chargés d’élaborer des documents de travail et de mener des consultations préalables permettant de mettre au point des recommandations très largement consensuelles avec quelques débats limités sur des points de détail assez formels. De manière très concrète, le relevé de décision intègre une clarification sur le temps laissé aux États nucléaires rejoignant le Traité pour démanteler leurs arsenaux (10 ans avec extensions possibles) ou pour relocaliser les armes appartenant à d’autres États (90 jours). Parmi les autres points, figure la mise au point de rapports nationaux sur les questions d’indemnisation des victimes des essais nucléaires et de mécanismes d’assistances internationaux. La constitution d’un fonds international d’indemnisation a été discutée mais n’a pas donné lieu à une prise de décision à ce stade.
Concernant le positionnement des États parties au TIAN et l’écosystème plus global de la réunion, plusieurs points peuvent être signalés :
- Tout d’abord, les États ont fait un effort manifeste pour signaler la complémentarité entre le TIAN et l’ensemble du régime de non-prolifération et de désarmement, et en particulier le TNP. Ils se sont engagés à nommer un facilitateur informel sur cette question et l’ont largement fait figurer dans la déclaration finale. La plupart des États Parties présents ont insisté dans leur déclaration sur leur attachement au TNP. Le Président de la conférence a donc noté en conclusion qu’il espérait que ces efforts suffisent pour faire taire les critiques sur les préjudices causés par le TIAN au TNP.
- Deuxièmement, le TIAN conserve un fort ancrage dans le monde du droit humanitaire. La mise en valeur des témoignages de survivants des bombardements au Japon (hibakusha) et des essais nucléaires tout au long de l’événement, et la participation active des États affectés et des ONG ont permis de confirmer cette perspective, tout comme la large place dans les débats consacrée à la mise en œuvre des articles 6 et 7 sur l’assistance aux victimes et la remédiation environnementale.
- Troisièmement, la prise en compte du contexte stratégique reste complexe et donne lieu à des interprétations variées. La grande majorité des États a estimé que la détérioration du contexte depuis 2017 rendait le TIAN plus urgent et plus nécessaire. Un petit nombre d’États, dont l’Irlande, l’Autriche, la Nouvelle-Zélande, ou l’Équateur, par exemple, ont spécifiquement dénoncé les agissements russes et l’invasion de l’Ukraine. La déclaration finale « condamne sans équivoque toute menace nucléaire, qu'elle soit explicite ou implicite et quelles que soient les circonstances ». Cette formulation fait écho directement aux déclarations de Vladimir Poutine, sans toutefois désigner nommément la Russie, ce que certains observateurs ont trouvé dommageable.
- Quatrièmement, le rôle et la contribution des observateurs alliés ou partenaires de l’OTAN ont été très scrutés. Parmi les points récurrents dans les déclarations des États ayant pris la parole, on peut noter la condamnation ferme de la Russie et de l’invasion en Ukraine, l’appel à soutenir clairement le TNP, et des éléments de scepticisme notamment sur la capacité de vérifier les provisions du TIAN. L’Allemagne a explicitement mentionné que la participation au TIAN était incompatible avec la participation à l’OTAN, dont elle soutient pleinement la politique nucléaire. Le représentant allemand a souligné que le TIAN ne saurait s’appliquer aux États non-parties. Ces observateurs ont de manière générale souhaité faire preuve d’ouverture pour travailler avec les États parties au TIAN sur d’autres sujets d’intérêt mutuel liés au désarmement et à la non-prolifération, y compris par exemple dans le cadre de l’initiative de Stockholm. À noter que la Suisse a annoncé être en train de finaliser un nouveau processus d’examen quant à une éventuelle signature du TIAN.
La prochaine réunion des États parties au TIAN devrait avoir lieu du 27 novembre au 1er décembre 2023 à New York, sous la Présidence de l’ambassadeur mexicain Juan Ramón de la Fuente Ramírez. Le Kazakhstan a été désigné pour occuper la présidence de la 3e réunion des États parties.
Première réunion des États parties au TIAN à Vienne
Bulletin n°99, juin 2022