État des lieux du programme de modernisation des SNLE russes

Le 12 décembre 2020, le SNLE Vladimir Monomaque a lancé une salve de quatre MSBS Boulava, premier bâtiment de la flotte du Pacifique participant à ce type d’exercice. Cet essai est à la fois utile à la Marine russe dans la mesure où il confirme la montée en puissance des SNLE de la nouvelle classe Borei, qui a rejoint la flotte en 2014, mais aussi puisqu’il démontre une plus grande fiabilité des MSBS Boulava.

Ces missiles ont été testés à partir de 2005 mais ont connu un grand nombre d’échecs, interrogeant sur le choix industriel fait à l’époque. En 2015, un premier tir en salve du Boulava a contribué à rassurer sur la capacité du missileIsabelle Facon, « Le volet naval de la dissuasion russe », Bulletin, n°29, Observatoire de la dissuasion, FRS, février 2016.. Depuis 2017, le Boulava a fait l’objet de cinq campagnes de tir, selon les sources ouvertes, toutes annoncées comme réussies. Les quatre lancements de 2020 sont respectivement les 35e, 36e, 37e, et 38e tirs du Boulava. Ce missile a été conçu par le Bureau d'étude Makeïev et l’Institut moscovite de technologie thermique. D’une portée estimée entre 8 000 et 10 000 km, il pourrait emporter entre 4 et 6 têtes nucléaires. Il utilise des technologies développées également sur le segment terrestre, en particulier le RS‑24 Yars et le Topol‑M, et aurait une précision comprise entre 120 et 350 mètres« Weapons: Strategic - Bulava (RSM‐56) », Jane’s Strategic Systems, mis à jour le 26 février 2020..

16 Boulava peuvent être emportés par les SNLE de la classe Borei, dont 4 navires sont désormais opérationnels et en service au sein de la Marine russe (deux au sein de la Flotte du Nord et deux au sein de la Flotte du Pacifique). Le dernier Borei, le Knyaz Vladimir, est entré en service opérationnel en juin dernier. Il est en réalité le premier bâtiment d’une version améliorée du Borei. Cette classe modernisée, ou Borei‑A, contient un certain nombre de modifications, dont la longueur totale, légèrement plus importante, la diminution probable du nombre de tubes lance-torpille ou encore la modification de la structure des gouvernails verticaux, inspirée des sous-marins occidentauxBorei-A, hisutton.com, 18 novembre 2020.. La signature acoustique de cette classe modernisée est censée être réduiteProject 955A, deagel.com, consulté le 16 décembre 2020.. La construction du prochain bâtiment, le Knyaz Oleg, a été lancée en juillet 2020 pour une remise à la Marine escomptée pour 2022-2023« Launch of the Knyaz Oleg Project 955A submarine », Russian Strategic Nuclear Forces, 16 juillet 2020.. Trois autres bâtiments sont commandés, le Généralissime Souvorov, Empereur Alexandre III, Knyaz Pojarski. En 2019, le Ministère de la Défense a annoncé vouloir faire l’acquisition de deux sous-marins supplémentaires« Источник: две АПЛ "Борей-А" заложат в день 75-летия Победы », Ria Novostni, 29 novembre 2019., qui pourraient être nommés Maréchal Joukov et Maréchal Rokossovski. La taille finale de la flotte de Borei fait aujourd’hui l’objet de spéculationsMartin Maranache, « Russian Navy likely to have 12 Borei-class SSBN – Part 1 », Naval News, 27 avril 2020..

Le déploiement de ce nouveau couple porteur-vecteur a connu de nombreux retards et difficultés (17 ans écoulés entre la mise sur cale et l’entrée en service du Iouri Dolgorouki). Néanmoins, la flotte stratégique nucléaire russe, malmenée à la fin de la Guerre froide, se remet progressivement de cette période de déclin et commence à réussir à contourner deux des écueils majeurs à son programme de modernisation, à savoir le plan de charge très élevé et les difficultés ponctuelles de certains constructeurs, d’une part, et les difficultés rencontrées par le Boulava, de l’autreSur ces écueils, voir Isabelle Facon, op. cit..

Pour autant, la mise en œuvre de la composante navale des forces stratégiques de la Russie continue de largement s’appuyer sur des systèmes hérités de l’Union soviétique, avec un sous-marin de la classe Delta III actif dans la flotte du Pacifique et six bâtiments de la classe Delta IV dans la flotte du Nord. Ces sous-marins sont régulièrement sollicités pour des tirs d’essai. Ainsi, le Ryazan a lancé un SS‑N‑18 Stingray / R‑29R Volna Mod 3 en 2017 (tir en salve), 2018 et 2019. Quatre campagnes de tirs de missiles SS‑N‑23 / R‑29RMU Sineva ont également eu lieu entre 2017 et 2019. Depuis 2011, les Delta IV emportent également des missiles Sineva modernisés Liner ou Layner.

Le projet de modernisation de la flotte stratégique russe est prioritaire pour le gouvernement russe, et semble progressivement trouver un second souffle après des difficultés notoires à son commencement. Cet accent mis sur les forces navales a été démontré par le lancement en 2019 d’un nouveau programme de sous-marin, intitulé Projet 09852 K‑329 Belgorod. Ce-dernier doit notamment permettre d’emporter les torpilles nucléaires PoseidonHans Kristensen et Matt Korda, « Nuclear Notebook: Russian nuclear forces, 2020 », Nuclear Notebook, FAS, 1er mars 2020..

 

 

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État des lieux du programme de modernisation des SNLE russes

Emmanuelle Maitre

Bulletin n°82, décembre 2020



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