Notes de la FRS

Transition électorale à Madagascar et enjeux sécuritaires

Note de la FRS n°01/2014
Dr. Juvence F. Ramasy
Dr. Olivier Vallée
20 janvier 2014

Après l’instauration à Madagascar d’un régime militaire en mai 1972, l’amiral Ratsiraka amorce une mutation vers une « démocrature » qui durera jusqu’en 1993, date de la première alternance issue du vote. Cependant, celle-ci n’intervient qu’après des manifestations pacifiques et leur violente répression par la garde présidentielle. Par la suite, les élections de 1996 et 2001 pouvaient laisser croire que Madagascar avait réussi sa transition démocratique, en dépit de nouvelles interférences militaires, et se dirigeait vers la consolidation d’un système politique modernisé. En effet, ces élections ont alors permis l’accès au pouvoir d’une élite plus libérale et politicienne que l’élite postcoloniale où la hiérarchie sécuritaire, alliée à la bureaucratie et aux églises historiques était bien représentée. Enfin, une certaine « routinisation électorale », avec notamment des élections communales compétitives en 2003 et 2007, commençait à s’enraciner. Le coup d’État de mars 2009 met alors un terme à cette évolution. Le pouvoir qui appartenait aux hommes et partis politiques dominants pendant la période de la présidence de Marc Ravalomanana glisse vers les soldiers in mufti. Ce déplacement se réalise alors avec le concours des élites politiques marginalisées par le Président ainsi déposé et des élites économiques victimes du monopole du groupe économique de ce dernier (Tiko). Malgré l’instabilité politico-militaire et la dégradation de l’État depuis sa prise du pouvoir en 2009, le président auto-proclamé Andry Rajoelina a systématiquement repoussé les élections, inscrivant Madagascar dans la catégorie des protracted transition. Dans ce contexte, le processus de sortie de crise va prendre plus de quatre ans à aboutir avec l’organisation du 20 janvier 2014 2 premier tour de l’élection présidentielle le 25 octobre 2013. Ce processus s’est achevé avec le deuxième tour de l’élection présidentielle le 20 décembre 2013, élection jumelée avec le scrutin législatif. Si l’acceptation du processus démocratique par l’ensemble des acteurs semble acquis, une partie des « forces de l’ordre » pouvaient cependant être tentée de jouer leur partition : pour certains, en jouant les arbitres du scrutin et les légalistes, pour d’autres en prolongeant leurs avantages actuels en relation avec l’équipe du Coup d’État de 2009, tout en laissant le processus électoral s’acheminer vers un second tour présidentiel. Surtout que les jeux de pouvoir, les alliances et les contradictions des différents acteurs politiques et électoraux restent complexes, réversibles et peu transparents. Dans ce puzzle politique, les hommes en armes ont donc une influence et une capacité de nuisance qui ont été gonflées par la prolifération d’une gouvernance criminelle depuis ces cinq dernières années.

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