Notes de la FRS

Le partenariat économique entre le Japon et l’Union européenne : un pilier fondamental de la relation

Note de la FRS n°07/2022
Valérie Niquet
11 mars 2022

Le Japon et l’Union européenne représentent 33 % du PNB mondial et 40 % des échanges commerciauxCette note a été rédigée à partir du webinar du Programme Japon Crossed expectations between the EU and Japan: what content for the economic partnership? qui s’est tenu le 26 novembre 2021.. À ce titre, la signature de l’accord de partenariat économique (EPA) en 2019 a constitué une avancée remarquable. À terme, 99 % des produits japonais en Europe et 97 % des produits européens au Japon seront exemptés de taxes.

Les relations entre le Japon et l’Union européenne ont connu trois phases de développement. Celle des frictions commerciales, de la fin des années 1950 aux années 1980, alors que les déficits commerciaux se creusaient en Europe et que l’économie japonaise entrait dans un phénomène de bulle spéculative avec une croissance forte. La période suivante, au cours des années 1990-2000, a été celle du rééquilibrage en faveur d’une Union européenne plus dynamique et en phase d’élargissement après la chute du Mur de Berlin, alors que l’effondrement de la bulle spéculative au Japon inaugurait une phase de décroissance puis de stagnation économique dans l’archipel. Enfin, la troisième phase, à partir des années 2010, est celle de l’approfondissement de la relation, avec la mise en place de nouveaux partenariats. Devant les insuffisances de l’OMC, à laquelle la République populaire de Chine a adhéré en 2001, le Japon s’est tourné vers des formats bilatéraux ou multilatéraux plus réduits mais aussi plus opérationnels. L’approfondissement des relations entre le Japon et l’Union européenne répond aussi à une évolution du contexte stratégique global, une montée des tensions entre les États-Unis et la Chine et l’émergence de nouveaux défis, dont l’enjeu climatique et celui du développement durable.

Les négociations lancées au début des années 2010 entre Bruxelles et Tokyo se sont poursuivies jusqu’en 2019. L’élection de Donald Trump et le repli protectionniste des États-Unis ont également joué un rôle dans l’aboutissement de ces négociations entre les deux acteurs.

Un accord exigeant

L’accord de partenariat économique entre le Japon et l’Union européenne (EPA) comprend plusieurs niveaux qui vont au-delà de la simple organisation des échanges de biens et de services. Ce partenariat établit des règles relatives, par exemple, aux normes environnementales, à la transparence, au droit de la propriété intellectuelle, aux politiques de subvention, etc. Ces règles sont plus strictes que les partenariats multilatéraux existants en Asie, comme le RCEP (Regional Economic Comprehensive Partnership), dont la Chine est membre et qui demeure très peu régulé, et le CPTPP (Comprehensive and Progressive Agreement for Trans-Pacific Partnership), plus exigeant en matière de normes, mais à un niveau qui demeure inférieur à celui de l’EPA UE-Japon.

Certains experts au Japon se sont toutefois inquiétés des risques de dérive protectionniste, en raison de cette forte exigence normative. Ainsi, les normes environnementales pourraient fermer le marché de l’Union européenne aux pays qui ne veulent pas s’y soumettre. C’est un sujet pour le Japon, particulièrement sensible à l’ouverture des marchés dans le secteur de l’automobile. À terme toutefois, le partenariat économique entre le Japon et l’Union européenne pourrait servir de référence pour de nouveaux accords ou pour l’amélioration des accords existants fondés sur des valeurs communes.

L’accord entre le Japon et l’Union européenne complète l’arsenal des accords – Accord de partenariat économique, Accord de partenariat stratégique et Partenariat UE-Japon pour une connectivité durable et des infrastructures de qualité – sur lesquels s’appuie la relation entre les deux acteurs.

Le poids des investissements japonais en Europe

Si le partenariat économique entre le Japon et l’Union européenne constitue un pas en avant très important, il ne couvre toutefois pas les investissements. Les investissements du Japon en Europe ont fortement chuté en 2020 pour une double raison : la pandémie de Covid-19 et le Brexit. En 2019, les investissements du Japon en Europe atteignaient 80 milliards de dollars. Ils ne dépassent pas 20,5 milliards de dollars en 2020. Le chiffre demeure toutefois très supérieur à celui des investissements chinois en Europe (12 milliards de dollars en 2019). Après le Brexit, la Grande-Bretagne a perdu son rôle de porte d’entrée vers l’Union européenne, et Tokyo est encore dans une phase d’observation et de restructuration selon les secteurs.

L’accord de partenariat économique entre l’Union européenne et le Japon, s’il ne concerne pas les investissements, joue toutefois un rôle pour les investisseurs japonais en Europe. 80 % d’entre eux ont déclaré utiliser ou se préparer à utiliser les mécanismes de l’EPA pour importer les matériaux nécessaires à la production des entreprises japonaises en Europe, notamment dans le secteur de l’automobile. En 2020, 40 % de ces entreprises considéraient que l’EPA entre le Japon et l’Union européenne aurait un impact positif. En revanche, cet impact était jugé particulièrement positif pour les entreprises établies dans les pays de l’Est de l’Europe, Pologne et Hongrie. Ce sont eux qui seront sans doute les plus touchés à court terme – en termes d’investissements extérieurs – par les répercussions de la guerre en Ukraine2020: Jetro Survey on Conditions of Japanese Business Companies in Europe, 1er mars 2021.

 

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