Comme tous les moyens de transport, les navires ont contribué à l’expansion des pandémies au cours de l’histoire. La ville de Marseille avait ainsi subi une épidémie de peste, importée de Syrie par le navire Grand Saint-Antoine, le 27 mai 1720, qui provoqua la mort de 40 000 personnes dans la seule cité et de plus de 100 000 en Provence.
Les passagers des navires de croisière, maintenus à bord par les autorités portuaires, ont fait partie des premières victimes du Covid-19. A la suite des 700 cas comptabilisés à bord du Diamond Princess au large du Japon, plusieurs navires ont été soumis à des périodes de confinement, voire à l’interdiction de faire escale, comme le Costa Fortuna en Thaïlande, bien qu’aucun cas de coronavirus n’ait été détecté à bord, ou le Zaandam , interdit d’accès dans les pays d’Amérique du Sud, avec quatre décès à son bord, finalement autorisé à débarquer ses passagers en Floride. A Saint-Nazaire, l’infection de 200 membres d’équipage du Celebrity Apex, consécutive à une fête organisée pour la mise en service du navire le 21 mars, a pu être gérée avec l’aide des Chantiers de l’Atlantique, mais le paquebot reste accosté dans le port et le débarquement compliqué des 1 417 membres d’équipage de 67 nationalités est toujours en cours. Selon Le Marin, 291 paquebots étaient à l’arrêt début avril, avec des difficultés pour rapatrier leurs équipages vers leurs pays respectifs. De nombreux navires ont rejoint la baie de Manille pour débarquer leur personnel. La compagnie Ponant avait arrêté ses croisières et a rappelé cinq navires en France pour des croisières autour du littoral français à partir du 4 juillet.
Le monde de la croisière n’est pas le seul secteur à être impacté par les effets de la pandémie : le transport maritime, la pêche et les marines de guerre le sont aussi à des degrés divers. Cette note propose une rapide synthèse de la situation dans ces différents domaines d’activités.
Le transport maritime
Vecteur indispensable de la mondialisation par lequel transitent plus de 80 % des flux de matières premières et de marchandises, le transport maritime subit les effets de la pandémie en raison du ralentissement de l’économie, mais aussi des mesures de confinement décidées par la plupart des pays.
Début mars, la situation pouvait paraître critique. Le cabinet Kearney signalait que 50 % des départs de navires avaient été annulés dans les ports chinois. Le taux de remplissage de ceux qui appareillaient variait de 10 à 30 %, provoquant la rupture des chaînes d’approvisionnement dans de nombreuses entreprises. La diminution drastique du transport aérien et les mesures de confinement ont eu un impact important sur les approvisionnements en carburant. Les cours du pétrole se sont effondrés sous le double effet de la chute de la demande et des désaccords entre les pays producteurs pour limiter leur production. Au résultat, un grand nombre de pétroliers sont à l’arrêt et servent de stockage pour une production devenue surabondante. Fin avril, près de 10 % de la flotte mondiale de VLCC (Very Large Crude Carriers) étaient utilisés pour du stockage flottantCaroline Lanzi, « Les tankers profitent de l’essor du stockage flottant », Le Marin, 30 avril 2020. et une vingtaine de pétroliers étaient en attente devant le port de Fos.
Le transport de conteneurs a, lui aussi, subi les effets de la crise, avec une diminution de 20 % du trafic, en moyenne, au mois d’avril. Certains axes au départ du Moyen-Orient et de l’Inde vers l’Europe et les Amériques ont même connu une chute de 50 % de leur trafic selon les données du Container Trades Statistics (CTS).
Les mesures prises dans certains pays obligeaient les navires à respecter une quarantaine de 14 jours avant d’être autorisés à accoster quand d’autres ports étaient tout simplement fermés. Les relèves des équipages étaient également interdites, plaçant les personnels dans des situations très difficiles. Quant au transport de passagers, il a été pratiquement arrêté dans de nombreux endroits. DFDS a stoppé ses liaisons passagers entre Oslo et Copenhague et ne transporte plus que du fret. Il en est de même pour Brittany Ferries entre la France et l’Angleterre, l’Irlande et l’Espagne.
Cette baisse d’activité se traduit par un arrêt des commandes de navires par les armateurs et une réduction d’activités dans les chantiers navals. Très affectés en début d’année, les chantiers chinois et sud-coréens commencent à recevoir de nouvelles commandes de vraquiers et de méthaniers. Des restructurations sont en cours. En Corée du Sud, Hyundai Heavy Industries fusionne avec son compatriote Daewoo, contrôlant ainsi 21 % de la construction mondiale. En Chine, la fusion de la China State Shipbuilding Corporation (CSSC) et de la China Shipbuilding Industry Corporation (CSIC) a été approuvée par le gouvernement, créant un géant assurant 19 % de la construction navale mondiale. Aux Etats-Unis, les chantiers subissent actuellement de plein fouet l’explosion de la pandémie et vont faire l’objet de commandes anticipées de la part du gouvernement.
Le 19 mars, Kitack Lim, le Secrétaire général de l’Organisation maritime internationale (OMI), a alerté les gouvernements sur les risques liés à la chute du transport maritime : « En ces temps difficiles, la capacité du secteur à livrer des biens vitaux, notamment des fournitures médicales et des denrées alimentaires, sera essentielle pour répondre à cette pandémie et, à terme, la surmonter… J’appelle à une approche pratique et pragmatique, en cette période inhabituelle, sur des questions telles que la relève des équipages, le ravitaillement, les réparations, le contrôle et la certification des marins »« Tackling COVID-19 – a Voyage Together », IMO Media Centre, 19 mars 2020..
Le 24 mars, la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) et l’Association internationale Villes et Ports adressaient une lettre ouverte aux gouvernements des pays du G20 appelant à une protection accrue de la chaîne logistique pour lui permettre d’assurer sa mission essentielle pour les populations et les entreprises.
Le lendemain, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) appelait, elle aussi, au maintien et à la protection du trafic maritime et des chaînes logistiques, y compris vers l’hinterland, « dont le rôle est vital pour les populations en ces temps de crise globale ». Elle appelait aussi à accepter les relèves d’équipage, qui concernent quelque 100 000 marins dans le monde, chaque mois.
Le 26 mars, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, déclarait : « La libre circulation des biens et des services est notre meilleur atout, et même notre seul atout pour que les livraisons puissent se faire là où elles sont le plus nécessaires »Discours de la présidente von der Leyen à la session plénière du Parlement européen, le 26 mars 2020..
Le 8 juin, dans une lettre commune, l’OMI et la CNUCED ont à nouveau appelé les Etats à coopérer : « Selon les estimations, à partir de mi-juin 2020, 300 000 gens de mer par mois devront effectuer des déplacements internationaux afin d’assurer les relèves d’équipage des navires et 70 000 membres du personnel des navires de croisière attendent actuellement d’être rapatriés… Dans un souci de respect des règlements internationaux en matière de sécurité et d’emploi, et pour des raisons humanitaires, les relèves d’équipage ne peuvent pas être indéfiniment reportées »Lettre circulaire n° 4204/Add. 21 du 8 juin 2020 OMI..
Le gouvernement français a publié des mesuresDécret n° 2020-370 du 30 mars 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. et des recommandations générales pour mise en application à bord des navires qui sont mises à jour régulièrement. Les mesures décidées interdisent toujours, au 1er juin 2020, aux navires de croisière de faire escale ou de mouiller dans les eaux territoriales françaises, et les navires de commerce ne peuvent pas transporter plus de 100 passagers.
Les ports français restent ouverts, comme la grande majorité des ports européens. Ils ont adopté des mesures de protection permettant de maintenir le trafic à un niveau suffisant pour répondre à l’activité. Les navires doivent avoir effectué au moins 14 jours de mer depuis leur dernière escale et les marins embarqués ne sont pas autorisés à aller à terre. A Fos, l’activité fluviale a été relancée vers les ports intérieurs de Valence, Lyon et Macon fin mars, assurant 85 % de l’activité.
Les ports européens ont connu, eux aussi, une perte d’activité liée à la réduction du trafic avec la Chine. Le port d’Anvers estime à 20 % la réduction du trafic avec la Chine, mais seulement 1 % avec le reste du monde. Rotterdam, premier port européen, annonce une baisse de 9 % du tonnage transporté au premier trimestre (charbon : - 40 %, pétrole : - 30 %, conteneurs : - 5 %), mais aussi une hausse de 18 % pour le gaz liquéfié, et estime maintenant à 10 % la réduction possible du tonnage total en 2020L’estimation en mars était de 1 % (Patrick Hébrard, « L’impact du Covid-19 sur le monde maritime », Notes de la FRS, n° 24/2020, 20 avril 2020)., au lieu d’une croissance programmée de 1,5 %. Pour Hambourg, dont 30 % du trafic de conteneurs se font avec la Chine, la perte d’activité pourrait cette année s’élever à 2 %.
Le trafic multimodal vers l’intérieur de l’Europe a été fortement perturbé – l’Autriche fait état d’une baisse de 30 % des conteneurs venant de Rotterdam et de 27 % de ses exportations en avril. Des baisses similaires ont affecté la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque. Mais tous prévoient un fort rebond de l’activité au troisième trimestre.
Début avril, l’annonce par la Chine d’une maîtrise de la pandémie dans le pays, et particulièrement à Wuhan, son point de départ, a permis une reprise des activités industrielles, qui tournent maintenant à 70 % de leurs capacités, ce qui laisse présager une augmentation progressive du transport de conteneurs. Les importations chinoises ont été soutenues par les achats de charbon (+ 27,8 % sur les quatre premiers mois) et de minerai de fer. Rio Tinto annonce une augmentation de sa production de minerai au premier trimestre et des exportations en hausse de 5 % par rapport à l’an dernier.
« Après un ralentissement de six semaines, l'activité à l'export est en voie de retour à la normale avec un rebond des volumes et un probable effet de rattrapage pour reconstituer les stocks », estime l'armateur français CMA-CGMBenoit Pelegrin, AFP, in La Tribune du 21 mars 2020.. Les résultats du premier trimestre confirment cette annonce, avec un chiffre d’affaires en baisse de seulement 3 % par rapport à 2019, et un résultat d’exploitation en hausse de 24,9 %.
Conséquence de cette crise, les Associations d’armateurs de la Communauté européenne ont alerté les autorités sur la situation critique du secteur et leur impossibilité d’investir dans de nouveaux navires et de respecter les normes imposées de réduction de la pollution. Les secteurs les plus affectés sont les ferries, les secteurs de la croisière, du transport de véhicules et des services à l’offshore.
Ports français – Malgré le maintien globalement de l’activité, le manque de personnel, la fermeture de certains centres d’activités, comme une partie des hauts-fourneaux d’Arcelor Mittal à Marseille et le respect des mesures de protection ont provoqué des attentes de navires et une baisse générale du trafic. En avril le trafic de Marseille-Fos a diminué de 28% par rapport à 2019. Le trafic de conteneurs a baissé de 25%, celui des voitures neuves de 71% et le trafic passager a été nul. Le Havre a eu 35% d’escale en moins – 20% de porte-conteneurs et 30% de pétroliers et de chimiquiers en moins.
Malgré les grèves du mois de janvier, les ports d’Haropa (Le Havre, Rouen, Paris) ont connu une baisse qui s’est finalement limitée à 8 % au premier trimestre 2020. A Rouen, l’activité est restée soutenue grâce à une hausse de 18 % des exportations céréalières. Après un mois d’avril difficile, l’activité a repris au mois de mai dans la plupart des ports de la façade atlantique (Nantes, La Rochelle, Bordeaux).
Une enquête menée par l’Association internationale des ports (IAPH) sur 76 établissements dans le monde et publiée le 13 mai fait état d’une réduction d’activité d’entre 5 et 25 % et montre que les ports européens sont parmi les plus affectés en raison, en particulier, d’une pénurie de dockers. La tendance et néanmoins à la reprise, même si « [d]ans les semaines à venir, plusieurs des plus grands ports prévoient une baisse importante des volumes en raison des traversées à blanc prévues dans le segment des conteneurs. Nous nous attendons à ce que ces grands hubs soient les plus touchés »Adeline Descamps, « Les ports européens résistent moins bien à la lame de fond des suppressions de services », Journal de la marine marchande, 13 mai 2020 (citant Theo Notteboom, l’un des rédacteurs de l’étude).. Au deuxième trimestre, les ports les plus touchés en Méditerranée devraient être La Spezia, Tanger et Damiette, qui devraient connaître une chute de 40 % des escales.
L’industrie offshore
La crise sanitaire a durement affecté une industrie pétrolière qui se remettait à peine de la chute des cours de 2014. Face à la chute de la consommation, liée aux mesures de confinement, qui a provoqué une chute des prix, les pays producteurs ont mis plusieurs semaines à trouver un accord pour diminuer leur production. La diminution de 9,7 millions de baril/jour (10 % du marché mondial), obtenue le 12 avril 2020, n’a pas suffi à redresser les prix. Les circuits logistiques ont été perturbés par l’arrêt de la production de pièces, provoquant des ruptures d’approvisionnement et le report de commandes de nouvelles plateformes. L’accélération de la transition énergétique annoncée dans plusieurs pays aura aussi un impact sur la reprise de ces activités.
Si les majors pétrolières peuvent traverser cette nouvelle crise en adoptant des mesures de réduction de coûts, avec un point mort autour de 40 USD le baril, l’impact est violent sur les sociétés parapétrolières qui ont vu leurs cours de bourse chuter ainsi que sur les sociétés nationales d’exploitation d’hydrocarbures, avec un risque accru pour les pays en voie de développement pour lesquels cette production constitue une ressource essentielle.
La pêche
Le secteur de la pêche est, lui aussi, affecté par l’extension de la pandémie. Avec le confinement et la fermeture des frontières, des écoles et des restaurants, la demande en produits de la mer – poissons et coquillages – s’est brutalement effondrée, faisant chuter les cours. En raison de cette perte de rentabilité, les principaux armements restent à quai ; seule continue de naviguer la pêche côtière pour alimenter les habitants des bords de mer. Le mareyage et les poissonneries sont aussi au ralenti. De plus, les pêcheurs artisans s’alarment de voir que des chalutiers de plus de 100 mètres de long, appartenant à des armements néerlandais et français, profitent de la situation pour effectuer une pêche intensive dans le Golfe de Gascogne.
Début mai, l’activité de la pêche en France s’élevait à 70 % de la production des années précédentesSource : DPMA/ERS au 10 mai 2020. , et le volume des ventes dans les halles à marées affichaient des statistiques identiques.
Pour aider le secteur de la pêche, gravement affecté, la Commission européenne (DG MARE) a décidé, le 19 mars, l’adoption d’un cadre temporaire pour les aides d’Etat visant à permettre aux Etats membres de soulager la filière en difficulté. Cette mesure permet de distribuer une aide allant jusqu’à 120 000 euros par entreprise des secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Une note d’information a été adressée aux Etats membres précisant les mesures disponibles immédiatement et applicables sans délai. La Commission reste en contact avec les organisations professionnelles et les Etats pour explorer d’autres options de soutien possibles.
De son côté, l’Ifremer s’intéresse à la possible propagation du virus dans le milieu marin – coquillages ou poissons.
Les Marines de guerre
La pandémie n’a pas épargné les Marines militaires. Les premiers cas sont apparus sur le porte-avions américain USS Théodore Roosevelt, en mission dans le Pacifique, provoquant le débarquement d’une partie de l’équipage sur l’île de Guam. 550 marins étaient affectés à la date du 12 avril. Le porte-avions a repris la mer le 4 juin.
Le commandement de la Marine américaine a tiré les leçons de cet événement, mais s’attend à de nouveaux cas sur ses navires. Désormais, avant tout déploiement, les équipages subissent des tests et sont mis en quarantaine. De nouvelles règles ont été définies pour les escales. Le commandement de la Marine américaine tire les leçons de cet événement, mais s’attend à de nouveaux cas sur ses navires. Certains marins du porte-avions USS Nimitz ayant été testés positifs, l’équipage, qui doit appareiller pour une longue mission, a été maintenu à bord pendant 15 jours avant le départ du bâtiment.
Deux autres porte-avions, l’USS Ronald Reagan, actuellement à quai au Japon, et l’USS Carl Vinson ont signalé également des cas de Covid-19 parmi leur équipage. Plusieurs destroyers ont également été touchés. Seul porte-avions disponible sur la côte Est des Etats-Unis, l’USS Harry S. Truman, de retour de mission dans le Golfe, est maintenu à la mer pour éviter toute prolifération à son bord.
Pour soulager les hôpitaux de la ville de New York, particulièrement touchée par la pandémie, l’US Navy a déployé l’un de ses navires hôpitaux, l’USNS Comfort, d’une capacité de 1 000 lits.
Le porte-avions Charles de Gaulle a été infecté par le virus. En mission depuis le mois de janvier, il a signalé 50 cas suspects, puis confirmés, à son bord. Trois marins ont été évacués, par hélicoptère, vers Lisbonne, puis par avion vers l’hôpital Sainte-Anne de Toulon, à titre préventif. Le porte-avions, de retour en Méditerranée, a écourté sa mission et rallié son port base le 12 avril. Les enquêtes diligentées par la Ministre des Armées ont apporté les précisions suivantesMinistère des Armées – Conclusions des enquêtes relatives à l’épidémie de COVID-19 sur le porte-avions Charles de Gaulle – 12 mai 2020. :
- la présence du virus à bord date de la fin du mois de février, avant l’escale de Brest, importée probablement en Méditerranée lors d’un mouvement de personnel depuis la terre, ce que confirme l’existence de plusieurs sources différentes du virus chez les marins ;
- l’escale de Brest a provoqué une accélération de la diffusion, qui a été ensuite contenue à bord par la prise de mesures barrières, mais le nombre de cas asymptomatiques a compliqué la détection de l’épidémie ;
- à l’arrivée à Toulon, tous les marins sont testés : au bilan, 18 % des marins testés positifs sont restés asymptomatiques, 22 % des testés négatifs ont fini par développer des symptômes, 1 288 marins ont été déclarés malades et 478 sont restés des « cas contacts » sans contracter la maladie ;
- 55 marins ont été envoyés à l’hôpital par précaution ; ils ne sont plus que 28 dès le lendemain et seuls deux d’entre eux ont été traités en réanimation. A l’exception d’un marin, sorti de réanimation mais maintenu à l’hôpital, l’ensemble des marins ont pu rejoindre leurs foyers à la fin de la quatorzaine. Le porte-avions était à nouveau disponible, décontaminé, le 29 avril ;
- l’enquête de l’Inspection des Armées sur la « chaîne de commandement » met en évidence des dysfonctionnements dans la remontée de l’information et une prise de conscience tardive de la situation à bord.
Les pilotes du groupe aérien ont rejoint leurs bases où ils ont également été confinés. Les tests ont relevé 15 cas positifs au sein des flottilles de Lorient et de Landivisiau. Des enquêtes épidémiologiques sont effectuées sur les équipages des navires d’accompagnement. Les tests effectués sur la FASM La Motte-Picquet et le BCR Somme se sont avérés négatifs et le personnel a été autorisé à rejoindre son domicile pour y respecter une période de confinement. 19 cas ont été détectés sur les 222 marins de la FAA Chevalier Paul.
Dès l’annonce de la pandémie, la Marine a pris des mesures de protection pour ses équipages. Le porte-parole de la Marine indiquait, début avril : « Nous avons 200 cas dans la Marine. Mais nous n’avons pas de « cluster » et pas de cas sur des bateaux actuellement en opérations »Nathalie Guibert, « Coronavirus : comment les marins du porte-avions ‘Charles-de-Gaulle’ ont été contaminés », Le Monde, 9 avril 2020.. Plusieurs dizaines de cas ont été recensés chez les marins-pompiers de Marseille et quelques navires à quai ont été touchés ; la frégate La Fayette fait état d’une vingtaine de malades, qui commencent à reprendre leur activité après avoir été isolés. Des mesures strictes de confinement sont prises pour les équipages de sous-marin avant leur appareillage.
Une frégate belge, Leopold 1, qui avait assuré l’escorte du Charles de Gaulle pendant trois semaines, et un sous-marin néerlandais, le Dolfijn, ont également signalé des cas de personnels infectés à leur bord.
Les leçons de cette crise permettent de dégager plusieurs pistes d’amélioration : tout d’abord, un renforcement de la prévention à bord des bâtiments avant leur déploiement, une dotation en équipements supplémentaires, dont des moyens de dépistage viral, et l’amélioration des procédures de remontée des informations.
Les missions continuent
Comme les autres armées, les Marines poursuivent leurs missions. En France, la dissuasion continue d’être assurée. Des mesures de prévention seront prises avant le départ du SNLE assurant la relève pour éviter toute contamination pendant la patrouille. Le SNLE Téméraire, en sortie d’IPER, a procédé avec succès, le 12 juin, au lancement d’un missile balistique stratégique M51, lui permettant de revenir bientôt dans le cycle opérationnel.
Les deux porte-hélicoptères amphibies (PHA) engagés dans la lutte contre la pandémie ont achevé leurs missions à la mi-mai. Le PHA Dixmude avait appareillé le 3 avril vers la zone Antilles-Guyane avec à son bord un renfort médical du Service de santé des armées, 120 tonnes de fret, dont 4,5 tonnes de matériel médical et 58 tonnes de produits alimentaires, et 4 hélicoptères. Il a quitté la zone le 12 mai pour Toulon qu’il a rejoint le 27 mai.
Le PHA Mistral et la frégate Guépratte, qui avaient appareillé le 27 février, en mission Jeanne d’Arc, avaient été mis à la disposition des Préfets de La Réunion et de Mayotte pour apporter leur soutien aux services publics dans le sud de l’océan Indien. Après trois rotations entre La Réunion et Mayotte pour y acheminer des militaires, un hélicoptère civil et 750 tonnes de fret, les deux navires ont repris leur mission de formation des 138 officiers élèves. L’Astrolabe, affecté aux TAAF, a pris le relais des missions de soutien sur Mayotte.
Ayant rejoint la Méditerranée, le Groupe Jeanne d’Arc assure le soutien aux opérations Sea Guardian (OTAN) et IRINI (UE) avec la frégate Aconit. Les incidents du Forbin et, plus récemment, du Courbet avec la marine turque démontrent que la tension s’accroît en Méditerranée, avec la Turquie autour de Chypre et à propos du soutien en Libye.
Le PHA Tonnerre, qui avait assuré l’évacuation de Corse de malades Covid-19, a appareillé de Toulon, le 8 juin, pour la 150ème mission Corymbe dans le golfe de Guinée, avec un renfort du Service de santé à son bord. La pandémie a constitué une opportunité pour les pirates en raison des nombreux navires maintenus au mouillage devant les ports. Au premier trimestre 2020, 47 attaques (38 en 2019) ont été recensées par le Bureau Maritime International (BMI), dont 21 dans le golfe de Guinée, et 42 membres d’équipage ont été kidnappés.
La frégate (FREMM) Languedoc a franchi le canal de Suez le 11 mai pour assurer la relève de la Frégate (FAA) Forbin dans l’opération de l’UE AGENOR de protection des intérêts européens dans le détroit d’Ormuz.