IntroductionDocument clos le 1er juillet 2022.
Dans les premiers temps de la guerre en Ukraine, et même avant son déclenchement, les autorités russes ont joué massivement du signalement nucléaire. Visant à faire savoir qu’elles conçoivent les évolutions dans l’Ukraine voisine comme relevant des intérêts stratégiques vitaux de la Fédération de Russie, ce signalement, bien que revêtant une portée singulière en temps de guerre, n’est pas une première. On peut ainsi rappeler que le président Poutine avait révélé a posteriori (un an après, dans un reportage télévisé) qu’au moment de l’annexion de la Crimée, il avait envisagé de mettre en alerte les forces de dissuasion. À l’époque, les signaux nucléaires s’étaient également multipliés – déclarations officielles, exercices à composante nucléaire, etc.Voir Isabelle Facon, « La communication dans le domaine de la ‘dissuasion stratégique’ : le cas de la Russie », Notes de la FRS, n° 23/2018, 19 décembre 2018, p. 12 et suiv.
En 2022, ses forces ayant envahi le territoire ukrainien à partir de plusieurs directions dans un engagement de haute intensité, le Kremlin, face à un adversaire largement plus tenace et performant qu’anticipé et soutenu par les pays occidentaux (sanctions massives, fourniture de renseignement et livraisons d’armements), a montré une propension encore plus forte à mobiliser la carte nucléaire et à jouer l’ambiguïté quant à sa posture nucléaire.
Un signalement nucléaire très présent
Les autorités russes ont multiplié les références explicites et implicites aux armes nucléaires, ce dès avant le début de l’« opération militaire spéciale ». Une première mention est intervenue le 8 février 2022, lors de la conférence de presse à Moscou entre les présidents français et russe. À cette occasion, Vladimir Poutine, expliquant en quoi était « dangereuse la possible entrée de l’Ukraine dans l’OTAN », appelait son homologue français à se projeter dans une situation où l’Ukraine serait membre de l’Alliance et chercherait à récupérer le contrôle de la Crimée par la voie militaire. Du fait de l’existence de l’article V, indique-t-il en substance, cela signifie que « les pays européens seraient automatiquement entraînés dans un conflit militaire avec la Russie. Bien sûr, les potentiels de l’OTAN… et de la Russie ne sont pas comparables. Nous le comprenons, mais nous comprenons aussi que la Russie est l’une des principales puissances nucléaires, et sur certaines composantes, elle en dépasse beaucoup en termes de modernité. Il n’y aura pas de gagnants, et vous serez entraînés dans ce conflit, indépendamment de votre volonté »Il ajoutera, bizarrement : « Avant même que vous ayez le temps de le réaliser, vous serez en train d’exécuter le point 5 du Traité de Rome » (Conférence de presse des présidents russe et français, Kremlin, Moscou, 8 février 2022 : http://www.kremlin.ru/events/president/news/67735)..
Le 24 février, dans son allocution annonçant le lancement de l’« opération militaire spéciale », le président Poutine se lance dans un réquisitoire contre « l’Occident collectif »Cette expression s’est imposée dans le discours diplomatique russe au cours des dernières années, et désigne grosso modo un « bloc occidental » sous domination américaine décrit comme déterminé à réaffirmer son leadership sur la scène internationale par tous les moyens, et donc à saper la puissance russe pour son rôle de chef de file des opposants à ce projet., qui dans sa teneur semble une version actualisée de son discours à la conférence de sécurité de Munich en février 2007 (celui-ci avait marqué un tournant dans la politique étrangère russe – vers un raidissement dans les rapports avec les pays occidentaux). Après y avoir souligné la puissance financière, scientifique, technologique et militaire des pays occidentaux, il rappelle que la Russie est « aujourd’hui l’une des puissances nucléaires les plus puissantes au monde », disposant même de certains avantages dans ce domaine (armements les plus récentsOn peut supposer qu’il s’agit d’une référence aux systèmes stratégiques auxquels le président russe avait consacré une bonne partie de son Adresse au Parlement le 1er mars 2018, et qui incluent, outre l’ICBM Sarmat, le système aérobie Kinjal, le planeur Avangard, des systèmes « exotiques » (drone sous-marin Poseidon, missile de croisière à propulsion nucléaire Bourevestnik) ; ces systèmes, se trouvant à des niveaux divers de développement, étant supposés garantir à la Russie la neutralisation des défenses antimissiles américaines, quelles que soient leur configuration et performance technologique, et donc la préservation de sa capacité de seconde frappe (voir Isabelle Facon, « Le ‘discours du 1er mars’ de Vladimir Poutine : quels messages ? », Notes de la FRS, n° 4/2018, 12 mars 2018, 8 p.).) ; et d’ajouter dans la foulée : « il ne doit faire aucun doute qu’une attaque directe contre notre pays conduira à la destruction et à des conséquences terribles pour tout agresseur potentiel ». Son allocution se terminera par un avertissement à ceux qui pourraient être tentés de s’impliquer dans les événements à venir : « qui tentera de nous gêner, et a fortiori de créer des menaces pour notre pays, pour notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et vous conduira à des conséquences telles que vous n’en avez jamais connues dans votre histoire », des termes qui ont été interprétés largement comme relevant de la menace nucléaireAdresse du président de la Fédération de Russie, 24 février, Kremlin, Moscou : http://kremlin.ru/events/president/news/67843 (le président Poutine dira aussi que le gouvernement russe se tenait prêt à tous les scénarios et que les mesures afférentes étaient prêtes)..
Entre ces deux déclarations, la Russie avait organisé, le 19 février, des exercices à composante nucléaire engageant les forces aérospatiales (VKS), le District militaire Sud, les forces de missiles stratégiques (RVSN) et les deux flottes nucléaires stratégiques (Nord et Pacifique). Vladimir Poutine supervisera ces exercices en compagnie de son homologue biélorusse (celui-ci avait procédé, quelque temps auparavant, à un referendum constitutionnel mettant fin au statut non nucléaire de la Biélorussie, et ouvrant donc la possibilité que la Russie déploie des armes nucléaires dans ce pays dont la situation géographique est stratégique dans le contexte de la tension entre la Russie et l’OTAN)Il est intéressant de noter que les autorités russes n’ont pas vraiment pris position sur le sujet, tandis que des experts militaires russes y semblaient franchement hostiles, considérant que cela ne présentait pour la Russie qu’un très faible intérêt sur le plan opérationnel (voir Isabelle Facon, « Le nucléaire dans la relation Bélarus-Russie », Bulletin de l’Observatoire de la Dissuasion, n° 97, avril 2022). Il n’est cependant pas impossible que Moscou, après les candidatures finlandaise et suédoise à l’OTAN et les décisions de la Lituanie relatives aux restrictions sur le transit de biens vers Kaliningrad dans le cadre des sanctions de l’Union européenne, discernent dans ces « projets » une possible opportunité politique et stratégique. Ce pourrait être le sens des annonces faites fin juin 2022 lors d’une visite du président Loukachenko en Russie (voir infra).. L’exercice Grom verra le lancement d’un ICBM Yars (Plesetsk), d’un SLBM Sineva à partir d’un Delta IV (en mer de Barents), de missiles de croisière embarqués sur Tu‑95 et de différents systèmes hypersoniques (dont certains à capacité double) – Kinjal, missiles de croisière Zircon et Kalibr –, ainsi qu’un missile de croisière Iskander« Russian troops launch Yars ICBM, Sineva missile from nuclear-powered sub as part of drill », Interfax, 21 février 2022 ; « Launches of Tsirkon, Kinzhal hypersonic missiles performed as part of drill », Interfax, 21 février 2022..
Les forces de dissuasion stratégique ont de nouveau été mises à l’honneur quelques jours après le début de la guerre, le 27 février, lorsque Vladimir Poutine a ordonné une modification de leur posture. S’adressant à son ministre de la Défense Sergueï Choïgou et à son chef d’état-major Valeriï Guerassimov, le président russe, après avoir déploré que « non seulement les pays occidentaux entreprennent des actes inamicaux envers notre pays dans le domaine économique, … des sanctions illégitimes… mais en outre les hauts responsables des principaux pays de l’OTAN se permettent des déclarations agressives » à l’encontre de la Russie, évoque ces faits pour motiver sa demande de « placer les forces de dissuasion de l’armée russe en régime de combat spécial » (« perenesti sily sderjivaniia rossiïskoï armii v osobyï rejim neseniia boevogo dejourstva »)Rencontre avec Sergueï Choïgou et Valeriï Guerassimov, Kremlin, Moscou, 27 février 2022 : http://kremlin.ru/ events/president/news/67876. Quelques jours après le début d’une intervention militaire qui a surpris la communauté internationale, et sans plus de précision sur ce que revêtait cette décision, cette annonce a suscité une forte inquiétude et une grande confusion, certainement voulue, à propos d’une éventuelle élévation du niveau d’alerte des forces nucléaires russes.
Le 27 avril, le président Poutine évoquait une nouvelle fois, dans une réunion avec le Conseil des législateurs, les possibles tentatives de certains acteurs de s’impliquer dans le conflit, tentatives susceptibles, selon lui, de représenter « pour la Russie des menaces de nature stratégique inacceptables » : ces acteurs « doivent savoir que nos frappes de représailles seront fulgurantes, rapides. Nous avons pour cela tous les instruments, des instruments dont personne d’autre ne peut se prévaloir … Nous les utiliserons si besoin... Les décisions ont déjà été prises à ce sujet »« Poutine zaiavil o predotvrachtchenii maschtabnogo konflikta na territorii Rossii » [Poutine déclare avoir évité un conflit majeur sur le territoire de la Russie], Interfax, 27 avril 2022. – une déclaration qui peut concerner les capacités nucléaires et non nucléaires de la force de dissuasion stratégique.
Les systèmes incarnant la dissuasion stratégique ont en tout cas été présents au cours des quatre premiers mois de la guerre. En Ukraine, les forces russes ont réalisé des frappes de Kalibr, d’Iskander et de Kinjal, systèmes à capacité double, ce qui contribue à la persistance de la dimension nucléaire en toile de fond du conflitUn autre de ces systèmes, le missile de croisière hypersonique Zircon, a pour sa part fait l’objet de nouveaux tests fin mai. . Le 20 avril, la Russie a procédé à un essai du missile intercontinental Sarmat, le Satan‑2, qui n’est pas encore en service opérationnel mais sur lequel les médias russes et occidentaux ont multiplié les articles anxiogènes (et souvent dramatisants). Début mai, durant les préparatifs des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Russie fera voler « l’avion du jugement dernier », soit l’Il‑80 de commandement adapté à un conflit nucléaireL’appareil n’avait pas été vu depuis le 9 mai 2010. Le jour J, la partie aérienne des cérémonies a été annulée (raison invoquée : les mauvaises conditions météorologiques)., et les forces déployées à Kaliningrad procèderont à des simulations de tirs de missiles IskanderLaurent Lagneau, « La Russie a simulé des tirs de missiles à capacité nucléaire ‘Iskander’ depuis Kaliningrad », opex360.com, 5 mai 2022..
Cette présence insistante du nucléaire sur fond de guerre en Ukraine s’est nourrie des propos débridés de certains commentateurs à la télévision russe, qui a pu présenter des images de simulations d’attaques nucléaires contre des capitales occidentales (selon des modalités absurdes d’un point de vue opérationnel). L’animateur vedette de la première chaîne de télévision russe Dmitriï Kiseliev est coutumier du fait : après avoir souligné en son temps la capacité des forces russes à « réduire en poussière » les États-Unis, il a estimé le 2 mai que le Royaume-Uni devrait faire l’objet d’une frappe à l’aide du drone nucléaire sous-marin PoseidonCité in Benoît Vitkine, « La confrontation nucléaire, un scénario évoqué avec de plus en plus d’insistance en Russie », Le Monde, 5 mai 2022..
Ont ajouté au climat anxiogène les propos du Kremlin sur les prétendues ambitions nucléaires militaires de l’Ukraine, mentionnées dans la déclaration du 24 février du président russe« Maintenant ils prétendent aussi disposer de l’arme nucléaire. Nous ne permettrons pas que cela se fasse ». mais aussi dans de nombreuses déclarations d’autres officiels russesLe 21 février, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, le ministre de la Défense Choïgou avait avancé que l’Ukraine avait « beaucoup plus de capacités que l’Iran et la Corée du Nord » pour développer un arsenal nucléaire ; elle pourrait notamment, dit-il, doter des missiles Tochka‑U de têtes nucléaires (« Ukraine has more capability to create nuclear weapons than Iran, N. Korea – Shoigu », Interfax, 21 février 2022). Poutine lui-même, juste avant le début de la guerre, avait repris ce thème de la facilité avec laquelle l’Ukraine pourrait se munir d’armes nucléaires tactiques, compte tenu des savoir-faire et capacités hérités de l’URSS mais aussi du soutien technologique étranger dont elle pourrait bénéficier dans une telle entreprise, une allégation non explicitée. Et d’estimer que la Russie ne pouvait « pas ne pas répondre à ce réel danger » (« If Ukraine possesses nuclear weapons, this would radically change the situation for Russia, Europe – Putin », Interfax, 22 février 2022). Sergueï Lavrov lui emboîtera le pas le 1er mars à Genève en évoquant les « plans d’acquisition de son propre armement nucléaire » du régime à Kiev, qui « dispose encore de technologies nucléaires soviétiques et de vecteurs pour de telles armes », et dont ce projet met en cause l’effort international en faveur de la non-prolifération des armes de destruction massive.. S’il s’agit bien sûr de légitimer, notamment auprès de l’opinion publique nationale, la décision d’intervenir militairement en Ukraine, il s’agit aussi de dramatiser les enjeux et de « toucher » les gouvernements et les opinions publiques occidentales en « nucléarisant » l’atmosphère entourant le conflit, et par là d’éroder leur propension à soutenir l’armée et la population ukrainiennes.
La guerre en Ukraine et la doctrine nucléaire russe
La mobilisation agressive par Moscou de la rhétorique nucléaire invite à revisiter la posture nucléaire de la Russie telle qu’elle s’est élaborée au cours des dernières années. Les textes officiels russes (doctrines militaires de 2010 et 2014, document de doctrine nucléaire 2020) suggèrent que le seuil nucléaire russe a été rehaussé au regard de ce qu’il était dans les années 1990 et 2000 – conformément à un constat des autorités politiques et militaires russes à cette époque sur l’excessive dépendance de la politique de défense nationale aux capacités nucléairesVoir Isabelle Facon, « Une doctrine nucléaire pour la Russie », Bulletin de l’Observatoire de la dissuasion, www.frstrategie.org, n° 77, juin 2020.. Ce relèvement du seuil tient à la modernisation progressive des forces conventionnelles russes depuis la fin des années 2000, qui en théorie offre aux responsables russes une gamme plus vaste d’options sur l’échelle de l’escalade d’un conflit (non sans ambiguïté puisque bon nombre des capacités incarnant la dissuasion non nucléaire sont des matériels à double capacité, caractéristique qui brouille les choses et rend délicate l’interprétation des exercices russes engageant ces moyens).
Le texte de doctrine de 2020« Fondements de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire », oukase présidentiel n° 355 en date du 2 juin 2020., listant les « conditions déterminant la possibilité d’emploi de l’arme nucléaire » (point 19), prévoit quatre circonstances :
- l’obtention d’« informations fiables sur le lancement de missiles balistiques attaquant le territoire russe et (ou) celui de ses alliés » ;
- la réalisation par l’adversaire d’« actes contre des sites étatiques ou militaires d’importance critique de la Fédération de Russie dont la mise hors de fonctionnement conduira à compromettre la riposte des forces nucléaires » ;
- « l’emploi par l’adversaire d’armes nucléaires ou d’autres types d’armes de destruction massive contre le territoire de la Fédération de Russie et (ou) de ses alliés » ;
- « une agression contre la Fédération de Russie engageant des armements conventionnels, quand l’existence même de l’État est menacée ».
À première vue, aucune de ces circonstances n’est présente dans le contexte de la guerre en Ukraine. Cependant, on note que dans sa déclaration du 24 février, le président russe décrit la politique des États-Unis et de leurs alliés comme une ligne d’« endiguement » de la Russie, avec la constitution d’une « anti-Russie » sur « des territoires contigus » au sien (« sur nos territoires historiques », précisera-t-il) en évoquant en substance les coopérations militaires entre l’Ukraine et des pays de l’OTAN, le tout étant présenté comme « une question de vie ou de mort, une question de notre avenir historique comme peuple… C’est une menace réelle non seulement pour nos intérêts, mais pour l’existence même de notre État, pour sa souveraineté. C’est cette même ligne rouge dont nous avons parlé sans cesse. Ils l’ont franchie »Adresse du président de la Fédération de Russie, 24 février, Kremlin, Moscou : http://kremlin.ru/events/president/news/67843 (V. Poutine ajoute : « la Russie ne peut se sentir en sécurité, se développer, exister avec une menace permanente émanant du territoire de l’Ukraine » ; le but de l’opération militaire spéciale, en plus de stopper le « génocide » contre les populations du Donbass dont est accusé sans fondement le régime de Kiev, est « la défense de la Russie elle-même contre ceux qui ont pris l’Ukraine en otage et cherchent à l’utiliser contre notre pays et son peuple »).. Lors de la réunion du 27 avril précédemment mentionnée, il dénonce une nouvelle fois la « politique d’endiguement de la Russie » poursuivie par certaines « forces », accusées de considérer que la Russie « représente un danger pour elles du fait même de son existence »« Poutine zaiavil o predotvrachtchenii maschtabnogo konflikta na territorii Rossii » [Poutine déclare avoir évité un conflit majeur sur le territoire de la Russie], Interfax, 27 avril 2022..
Et différentes déclarations d’officiels russes, Vladimir Poutine en tête, ont introduit une certaine ambiguïté et des interrogations sur le périmètre que recouvre, dans leur perspective, la notion d’« existence » de l’État russe. Dans le cadre du conflit en cours, la menace à l’existence de l’État russe pourrait-elle prendre, dans l’esprit des autorités russes, des formes autres que celle d’une attaque militaire conventionnelle faisant peser une menace existentielle sur ledit État russe (cf. textes doctrinaux) ? Dans son allocution sur la modification du régime opérationnel des forces de dissuasion, alors que les pays occidentaux se gardent d’actions pouvant être interprétées comme de la cobelligérance, le chef de l’État russe justifie sa décision, en substance, par les sanctions et, même, les déclarations agressives de ces derniers. On peut également rappeler ici les propos tenus le 24 mars 2022 par Vladimir Medinskiï lors d’une réunion de la commission intergouvernementale sur l’enseignement de l’histoire : « L’existence même de la Russie comme civilisation russe est en jeu aujourd’hui. Je vois peu de moments dans l’histoire analogues à celui que nous traversons actuellement. Le temps des Troubles, la veille de février 1917, 1989, l’effondrement de l’URSS. Voilà vers quoi nous entraîne l’Occident collectif »« Medinskiï zaiavil o nalitchii ougrozy souchtchestvovaniiou Rossii » [Medinskiï parle de l’existence d’une menace à l’existence de la Russie], Vedomosti, 24 mars 2022.. Cette déclaration pose question car son auteur est à la tête de l’équipe qui conduit les négociations avec l’Ukraine, que Vladimir Poutine n’hésite plus à présenter comme une construction artificielle. Autre question qui a pu se poser : le président Poutine et ses proches, déjà arc-boutés sur l’enjeu de préservation du régime depuis 2012, ne seraient-ils pas enclins, dans une situation non anticipée pouvant être perçue comme critique (revers militaires sérieux, sanctions vigoureuses et immédiates), à confondre existence de l’État et survie du régime (que la guerre et ses conséquences pourraient ébranler) ?
Par ailleurs, moult questions se posent sur la possibilité que la Russie s’en remette aux armes nucléaires non stratégiques, dont des commentateurs à la télévision russe encouragent l’emploi en considérant qu’il serait de nature à inhiber les pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine. Ces questions sont d’autant plus vives que dans « l’avant-guerre », et malgré la publication du document de doctrine de 2020, le flou persistait quant aux options d’emploi relatives à ces armes et à la nature de l’intégration des options conventionnelles et nucléaires dans la doctrine russe – un point suscitant de nombreux débats entre spécialistes internationaux. Pointant le fait que les documents de doctrine envisagent le recours aux armes nucléaires dans le contexte de conflits à grande échelle et de conflits régionaux (ceux-ci pouvant cependant découler d’un conflit local), certains analystes estimaient que cela ne concernait que les cas où « l’existence de l’État est menacée », selon les termes des documents doctrinaux que nous avons précédemment rappelés. Selon eux, cela excluait le recours au nucléaire dans les cas où Moscou fait face à une défaite dans un conflit. Ce point ne faisait cependant pas l’unanimité. Ces lignes de fracture dans l’analyse se sont retrouvées dans les discussions sur le risque que la Russie emploie des armes nucléaires tactiques pour compenser ses échecs sur le terrain militaire en Ukraine et garder la maîtrise de l’escalade dans le conflit.
L’intimidation en mode dérapage contrôlé ?
Dans des conditions de guerre, intervenant alors que la tension entre Russie et Ukraine d’une part, entre Russie et pays occidentaux d’autre part s’ancre dans le temps long et est donc à vif, et alors que les cadres de dialogue apparaissent ténus, il convient d’appréhender avec précaution le risque d’un recours par la Russie à l’arme nucléaire. Cependant, des éléments permettent de relativiser ce risque, comme le font certains politologues russes spécialisés sur les questions stratégiquesAinsi, le chercheur Pyotr Topychkanov souligne en mai 2022 que tant que la Russie continue à désigner son intervention comme une opération militaire spéciale, et ne recourt pas à la mobilisation générale, cela « signale que, dans la perspective de la Russie, il n’y a pas de fondement juridique au recours aux armes nucléaires. Tant que cela reste une opération spéciale, c’est pour la Russie un conflit local avec des objectifs limités et des risques modérés » (Pyotr Topychkanov, « Could Russia Use the Nuclear Option? », The Moscow Times, 17 mai 2022)..
En s’exprimant publiquement et fréquemment sur ce qu’implique potentiellement le statut nucléaire de la Russie, les autorités russes cherchent avant tout à alimenter un climat d’angoisse, ce à quoi elles nous ont du reste habitués au cours des dernières années. Dans cette perspective, les références au nucléaire visent les gouvernants et les opinions publiques occidentaux, et cherchent à circonscrire le périmètre du soutien occidental à l’Ukraine. Dans les premiers temps du conflit, face à la pression occidentale et aux échecs notoires sur le terrain, il se peut que les responsables russes aient jugé bon de miser sur ce que « Richard Nixon appelait la ‘théorie du fou’ (madman theory) durant la guerre du Vietnam, consistant à donner délibérément le sentiment qu’il serait prêt à ‘appuyer sur le bouton’ afin de faire pression sur ses adversaires »Bruno Tertrais, « L’ombre du nucléaire sur la guerre d’Ukraine », Bulletin de l’Observatoire de la dissuasion, n° 96, mars 2022 (spécial Ukraine). Dans ce contexte, si les forces russes n’ont certainement pas voulu provoquer volontairement des incidents nucléaires en menant des opérations autour des centrales ukrainiennes (Tchernobyl, Zaporijia), les autorités russes se sont probablement satisfaites de la forte inquiétude que cette perspective a pu susciter dans les opinions publiques occidentales. De même, les supputations sur l’état de santé du chef de l’État russe alimentent les inquiétudes – si le président russe est en fin de vie, ne risque-t-il pas d’être plus enclin à recourir aux formes les plus extrêmes de recours à la force militaire ?. Il s’agit sans doute, alors que les sanctions massives et certaines déclarations d’officiels occidentauxCertains jugeant possible de provoquer l’« effondrement de l’économie russe » au terme d’une « guerre économique et financière totale » (B. Le Maire), d’autres invitant à rechercher « la réduction, puis la destruction de la puissance de Poutine » (R. Habeck) ; d’autres encore s’interrogeant sur la possibilité que le président russe reste au pouvoir (J. Biden) ou suggérant que l’objectif ultime, dans le soutien à l’Ukraine, devrait être d’affaiblir la Russie jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus tenter des opérations telles que celle entreprise en Ukraine (L. Austin), voire de faire en sorte que cette dernière puisse renouer avec sa pleine intégrité territoriale – ce qui peut faire référence à la Crimée (L. Truss). suggèrent que « l’Occident collectif » pourrait s’enhardir dans son soutien à l’Ukraine, de rétablir un rapport de forces plus équilibré (et rappeler une approche que Moscou cherche à imposer depuis 2014 – à savoir que l’Ukraine relève de ses intérêts stratégiques vitaux, ce qui n’est pas le cas pour les pays occidentaux, en conséquence de quoi il existe une forte asymétrie des volontés dont ces derniers devraient tenir compte dans leurs initiatives).
On doit cependant remarquer que les autorités russes elles-mêmes ont semblé s’engager dans une forme de désescalade verbale. Il en est allé ainsi de Dmitriï Medvedev (plutôt enclin, ces derniers temps, au propos provocateur et à la surenchère). Dans une longue interview donnée à RIA Novosti, le vice-président du Conseil de sécurité a d’une part répété, comme différents officiels russes avant lui, que le statut nucléaire de la Russie a des implications : « la Russie est une puissance nucléaire, elle dispose du stock d’armes nucléaires, des arsenaux stratégiques les plus importants. … Relativement récemment, le potentiel stratégique de notre pays a été placé en régime particulier, simplement pour que tous comprennent les menaces auxquelles se heurteraient les autres États s’ils essayaient d’influencer le cap de notre pays ». Estimant que le message a été entendu, il note en substance que certains pays de l’Occident collectif défendent « périodiquement des idées stupides » type fermeture de l’espace aérien de l’Ukraine (ce qui semble confirmer que l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne par l’OTAN ou des pays de l’OTAN serait considérée comme un acte de cobelligérance). Cependant, il rappelle que la Russie dispose d’un document sur la dissuasion nucléaire qui précise « les motifs pour lesquels la Fédération de Russie est en droit d’utiliser l’arme nucléaire ». Et de les énumérer : 1. Une frappe de missiles « utilisant des moyens de frappe nucléaire » ; 2. Un autre type d’emploi d’arme nucléaire contre la Fédération de Russie et ses alliés ; 3. Une atteinte au fonctionnement d’infrastructures critiques ayant pour effet de paralyser l’activité des forces de dissuasion nucléaire ; 4. Un acte d’agression conventionnelle contre la Russie ou ses alliés menaçant l’existence même du pays. Le motif 1 se veut plus précis que la doctrine de juin 2020 (qui ne distinguait pas entre missiles armés d’une tête conventionnelle ou d’une tête nucléaire), le motif 4 associe les alliés de la Russie (qui, dans la doctrine officielle, ne sont couverts par le parapluie nucléaire russe qu’en cas d’attaque au moyen d’armes de destruction massive). Mais en tout état de cause, les propos de Dmitriï Medvedev semblent vouloir ramener la « question nucléaire » dans le contexte du conflit en Ukraine dans le cadre fixé par les documents officiels – il ajoutera d’ailleurs que les autorités russes « partent du principe que les négociations, les efforts diplomatiques dans les situations les plus complexes, du type de celle qui se joue par exemple aujourd’hui autour de l’Ukraine, sont tout de même la voie la meilleure et la plus correcte… il faut prendre cette voie »« Medvedev : odnopoliarnomou mirou konets, SChA bol’che ne khoziaeva planety Zemlia » [Medvedev : le monde unipolaire prend fin, les États-Unis ne sont plus les maîtres de la planète Terre], RIA Novosti, 26 mars 2022. .
Quelques jours plus tard, c’est le porte-parole de la présidence russe, Dmitriï Peskov, qui tempèrera à son tour, en indiquant que la Russie ne peut employer l’arme nucléaire qu’en cas de menace réelle pour le pays, dans des conditions qui sont précisées, dit-il, dans la stratégie de sécurité nationale« Peskov : Rossiia mojet ispol’zovat’ iadernoe oroujie pri real’noï ougrozie stranie » [Peskov : la Russie peut employer l’arme nucléaire en cas de menace réelle pour le pays], RIA Novosti, 22 mars 2022. Cependant, ses propos sur PBS pourront apparaître moins « nuancés » : tout en indiquant que personne en Russie n’envisage l’idée d’employer l’arme nucléaire, il précisera la vision du président Poutine en ces termes : « il a déclaré avec suffisamment de détermination qu’il ne faut pas s’en mêler. Si vous le faites, nous avons toutes les capacités de prévenir cela et de punir tous ceux qui ont l’intention de s’en mêler » (Andreï Tchernenko, « Peskov : nikto v Rossii ne rassmatrivaet ideiou primeneniia iadernogo oroujiia » [Peskov : personne en Russie n’envisage l’idée d’employer l’arme nucléaire], www.kp.ru, 29 mars 2022)..
Sergueï Lavrov a pour sa part déclaré en avril que « la Russie n’envisage pas la possibilité d’employer l’arme nucléaire en Ukraine, il s’agit uniquement d’armements conventionnels »Un point réitéré par plusieurs diplomates russes (Shannon Bugos, « After Exercise, Russia Downplays Nuclear Threat », armscontrol.org, juin 2022). ; il soulignera par la même occasion que la Russie s’est constamment exprimée contre l’utilisation de l’arme nucléaire, signant en janvier 2022 la déclaration du P5 à cet effet – les diplomates russes se plaisant à souligner qu’elle a été initiée par la partie russe« Lavrov zaiavil, chto RF ne rassmatrivaet vozmojnost’ primeneniia iadernogo oroujiia na Oukrainie » [Lavrov déclare que la Fédération de Russie n’envisage pas la possibilité d’employer l’arme nucléaire en Ukraine], TASS, 19 avril 2022. Ce point avait également été souligné par le vice-ministre des Affaires étrangères Sergueï Riabkov un mois plus tôt (« Peskov : Rossiia mojet ispol’zovat’ iadernoe oroujie pri real’noï ougrozie stranie » [Peskov : la Russie peut employer l’arme nucléaire en cas de menace réelle pour le pays], RIA Novosti, 22 mars 2022).. Quelque temps plus tard, sur la chaîne Pervyï Kanal, il évoquait de nouveau cette déclaration du P5 pour indiquer que le caractère inacceptable d’une guerre nucléaire était la position de principe de Moscou. Avançant que les risques étaient actuellement « tout à fait importants », il poursuit en disant qu’il convient de ne pas les « gonfler artificiellement » ni de les « sous-estimer »Marina Sovina, « Lavrov zaiavil o printsioial’noï pozitsii Rossii po iadernoï voïnie » [Lavrov explique la position de principe de la Russie sur la guerre nucléaire], lenta.ru, 26 avril 2022..
De même, après la demande de Poutine sur la modification du statut des forces de dissuasion stratégique (passage en régime de combat spécial), les choses ont été assez rapidement clarifiées. L’agence TASS a rappelé ce que recouvraient les forces de dissuasion stratégique, qui comprennent une composante offensiveStrateguitcheskie nastoupatel’nye sily. Moyens stratégiques nucléaires et non nucléaires. et une composante défensiveStrateguitcheskie oboronitel’nye sily (système d’alerte avancée, système de surveillance spatiale, défense antimissile et défense spatiale). Voir « Peskov : prikaz Poutina ob osobom rejime dejourstva strateguitcheskikh sil ne imeet dvoïnogo dna » [Peskov : l’ordre de Poutine sur le régime de combat particulier des forces stratégiques n’a pas de double fond], TASS, 28 février 2022.. Par la suite, le ministre de la Défense Choïgou s’est exprimé sur ce que recouvrait la demande présidentielle : ce changement a apparemment consisté en une augmentation des effectifs au sein des centres de commandement des forces de missiles stratégiques et des deux flottes nucléaires. Si cela constitue bien une évolution vers un état de disponibilité supérieur par rapport à la situation anteLouis Nadau, « Menaces nucléaires de Poutine : ‘Il faut garder la tête froide’ », interview de B. Tertrais, Marianne, 28 février 2022., cette évolution du statut des forces est moins marquante que l’auraient été des mouvements d’ICBM mobiles ou des modifications notables de la posture des autres composantes de la triade nucléaire. Les experts ne notent par ailleurs pas de mouvements qui suggèreraient que des armes nucléaires tactiques ont quitté les dépôts centralisés où elles sont stockées ou qu’elles ont été installées sur des aéronefs.
Conclusion
Dans le conflit actuel, le risque d’emploi de l’arme nucléaire par la Russie paraît minime, même s’il ne peut pas être complètement écarté des scénarios d’évolution.
Si la mobilisation politique et communicationnelle massive et récurrente des armes nucléaires dans le contexte d’un conflit peut être considérée comme irresponsable de la part d’une puissance nucléaire, les dirigeants russes n’en sont pas moins conscients des risques d’une escalade intégrant des options nucléaires (d’autant que les pays occidentaux ont stoïquement rappelé le statut nucléaire de l’OTAN)Olga Oliker, « Putin’s Nuclear Bluff », Foreign Affairs, 11 mars 2022.. L’ancien chef de la diplomatie russe Andreï Kozyrev a analysé comme suit la situation : le président russe est « immoral » et a fait erreur sur bien des postulats qui l’ont conduit à prendre sa décision sur l’« opération militaire spéciale », mais il n’est « pas fou » ; et d’ajouter : « La menace d’une guerre nucléaire est un autre exemple de sa rationalité. Le Kremlin sait qu’il peut essayer d’obtenir des concessions, que ce soit de l’Ukraine ou de l’Occident, en brandissant la dernière carte qui lui reste dans son jeu : les armes nucléaires »https://twitter.com/andreivkozyrev/status/1500611702856974337 . Cette rationalité est du reste « validée » puisque les pays occidentaux ont indiqué dès avant le début du conflit que l’OTAN ne s’engagerait pas dans une guerre aux côtés de l’Ukraine, ce du fait du risque d’une escalade nucléaire.
La dramatisation des enjeux qu’emporte la mention répétitive, dans les discours des officiels russes, des armes nucléaires poursuit aussi des finalités internes. Elle permet de conforter l’opinion publique russe dans l’idée que la pression occidentale place la Russie dans des conditions extrêmes, et que les autorités russes sont prêtes à utiliser tous les moyens à leur disposition pour protéger le pays face à cette pression. L’effet recherché étant, évidemment, un ralliement de la majeure partie de la population autour du pouvoir.
La moindre occurrence, au cours des dernières semaines, des références au nucléaire semble confirmer que dans les premiers temps du conflit, celles-ci ont d’abord servi à « sanctuariser » les actions militaires de Moscou en Ukraine (dissuader un engagement militaire d’autres pays aux côtés de l’UkraineLe chercheur russe P. Topychkanov, cité précédemment, suppose que les propos de Poutine dans sa déclaration du 24 février menaçant de conséquences cataclysmiques ceux qui tenteraient de s’opposer à son opération ont eu pour effet de « renforcer la position des officiels occidentaux qui étaient contre un engagement militaire direct ».), devaient aussi peser sur les décisions des autorités civiles et militaires ukrainiennes (espoir d’une reddition rapide de leur part). Par la suite, elles ont constitué un recours visant à pallier partiellement l’image de défaillance de l’armée russe et à redresser un rapport de forces apparaissant très défavorable à la partie russe et donc semblant susceptible d’encourager l’Ukraine et, surtout, ses soutiens occidentaux à poursuivre des objectifs plus ambitieux. Il serait sans doute abusif de penser que Moscou modèrerait soudainement son signalement nucléaire parce qu’elle constate que son « bluff nucléaire » n’inhibe pas fortement les pays occidentaux, voire les amène à des décisions contraires à son intérêt (maintien du soutien militaire à l’Ukraine, nouvelles sanctions, dépôt de candidatures à l’OTAN de la Suède et de la Finlande, etc.). Il est en revanche plausible que le Kremlin, une fois passés l’émotion et le stress initiaux provoqués par les importants revers enregistrés dans les premières semaines de son intervention militaire, ait estimé que brandir trop fréquemment l’argument nucléaire constitue dans le fond une marque de faiblesse et peut perdre de sa portée à force d’utilisation.
Les armements nucléaires demeurent un recours politique face à des situations jugées contraires aux intérêts de la Russie. On pense ici aux projets mentionnés par les présidents russe et biélorusse à la veille du sommet de l’OTAN – lors duquel seront discutées les candidatures de la Finlande et de la Suède qui, une fois validées, modifieront la donne stratégique et militaire en Baltique. Les projets annoncés par les deux chefs d’État, également justifiés par le président Loukachenko par la « politique de confrontation » prétendument menée par la Pologne et la Lituanie et par les exercices nucléaires de l’OTANRencontre avec le président de la Biélorussie Aleksandr Loukachenko, Saint-Pétersbourg, 25 juin 2022 (http://kremlin.ru/events/president/news/68702)., appellent à appréhender sous un nouveau jour les implications du referendum constitutionnel en Biélorussie, qui en abolit le statut non nucléaire. En effet, le président Loukachenko a demandé à son homologue russe d’aider l’armée biélorusse à adapter ses Su‑35 pour l’emport d’armes nucléairesLe président Loukachenko profite de l’occasion pour affirmer : « Je ne le cache pas, … nous pourrions être prêts à tout, même à l’emploi des armes les plus sérieuses pour défendre notre Patrie de Brest à Vladivostok » (une évocation de l’État d’Union que les deux pays sont supposés bâtir ensemble).. Vladimir Poutine répondra en jugeant possible cet effort d’adaptation, à conduire dans les entreprises de l’industrie aéronautique russe, et en annonçant le déploiement prochain (dans quelques mois) de systèmes Iskander‑M en BiélorussieDont il rappellera par la même occasion qu’ils peuvent être employés en mode balistique et de croisière, conventionnel et nucléaire..
Enfin, il n’est pas à exclure que dans les prochains temps, les responsables russes entreprennent d’ajuster les éléments relatifs aux armes nucléaires dans la doctrine militaire compte tenu des failles constatées dans les forces conventionnelles, a fortiori si les sanctions internationales obèrent la capacité de la Russie à les moderniser ou à entretenir certaines infrastructures critiques. Et on peut supposer que Moscou sera tentée d’institutionnaliser ses gains territoriaux par l’intégration des territoires conquis dans l’espace fédéral russe, ce qui les placerait de facto sous la couverture du parapluie nucléaire russe.