Notes de la FRS

Modernisation de la défense antiaérienne et acquisition de la défense antimissile

Depuis 2013, la Pologne s’est lancée dans un vaste programme de modernisation des équipements de ses forces armées. L’acquisition d’un système de défense antiaérien et antimissile en constitue l’un des volets principaux.

Le futur bouclier antimissile et antiaérien polonais devrait comprendre :

  • 6 batteries du système Wisla
  • 11 batteries du système Narew
  • 77 véhicules POPRAD (AMZ Żubr-P), équipés d'un lanceur quadruple pour missiles Grom et d’une tête optoélectronique avec un système d'indentification IFF de courte portée
  • 486 missiles anti-aériens sol-air portatifs très courte portée Grom ou sa version améliorée Piorun (les travaux de recherche se poursuivent)
  • 6 systèmes antiaériens de courte portée Pilica (d'ici 2018)
  • 12 radars de défense aérienne Sola (d'ici fin 2015)
  • 15 radars de défense aérienne Bystra (version améliorée de Sola, dotée d'une antenne active AESA-Active Electronically Scanned Array) dont la mise en service est prévue pour 2022. Selon les estimations, l'ensemble des systèmes antiaérien et antimissile devraient représenter un coût d’environ 30 milliards de zloty (7,2 milliards d'euros).

Le bouclier sera composé de trois sous-systèmes. Le premier concerne le système de défense antiaérienne de très courte portée, destiné à la protection des infrastructures critiques (bases militaires, aéroports, ports, etc.). Le second concerne le système de moyenne portée Wisla (jusqu’à 100 km), et le troisième, le système de courte portée Narew (jusqu’à 25 km).  

La détérioration de la situation à l’Est a poussé Varsovie à accélérer le calendrier et à publier, en 2013, l’appel d’offre pour le système Wisla. 14 entreprises et consortiums étrangers ont participé au premier dialogue technique. Le ministère polonais de la Défense a retenu, au début de l’année 2014, la proposition de 5 industriels: MEADS International, Raytheon, un consortium d’entreprises israéliennes représenté par l’agence Sibat, MBDA associé au consortium d’entreprises polonaises, ainsi que celle de Thales. Face à la pression américaine en Pologne, MBDA et Thales ont décidé d’unir leur force et de soumettre une proposition commune dans le cadre du consortium GIE Eurosam. Cette stratégie s’est avérée payante car, à l'issue de la seconde étape du dialogue technique, fin juin 2014, le gouvernement polonais a finalement sélectionné les propositions du GIE Eurosam et de l'américain Raytheon. La valeur de ce contrat est estimée à plus de 24 GPLN (5,8 G€). Le choix du partenaire stratégique, qui apportera la technologie nécessaire pour la réalisation du programme Wisla, sera connu début 2015. Le lancement de l’appel d’offre concernant le système Narew est attendu durant cette même période.

Systèmes de radars: des bases solides pour un développement futur

L’industrie d’armement polonaise dispose d'un certain nombre de capacités, susceptibles de lui permettre de participer activement au projet de futur système de défense antiaérienne et antimissile, en particulier les radars actifs (VHF, P, S, L, C et X) et passif (PCL/PET), les systèmes de commandement et de conduite de tir ou encore les systèmes de communication électronique.

En ce qui concerne les systèmes de radars, plusieurs projets ont été lancés ces dernières années, comme le radar de trajectographie Liwiec, conçu en 2003 par Przemyslowy Instytut Komunikacji (maîtrise d'œuvre) en coopération avec Wojskowa Akademia Techniczna (WAT). Il s'agit d'un radar de soutien d'artillerie. Il est capable de localiser avec précision et automatiquement l'artillerie, les lance-roquettes et les mortiers. Le premier exemplaire a été livré aux forces armées polonaises en septembre 2009.

D’autres projets sont en cours de réalisation comme le radar NUR-15M (TRS-Odra) développé par Bumar Elektronika. Il s'agit d'un radar de veille aérienne en trois dimensions, capable de suivre simultanément la trajectoire de 250 appareils. Les trois premiers radars de ce type seront livrés aux forces armées en 2015, et les suivants en 2016 (4) et en 2017 (1). La valeur du contrat est estimé à plus de 330 MPLN (80 M€). Une version maritime du radar, le TRS-15 C Odra-C (détection des cibles à la surface ou près de la surface de la mer), a été livrée en 2007. Bumar Elektronika développe également un radar de courte portée (50 km) tridimensionnelle N-26, installé sur le véhicule d'infanterie AMZ Zubr (version Zubr-MMSR). Le premier exemplaire de ce radar (système Sola) doit être livré aux forces armées polonaises en 2015, mais Bumar Elektronika et AMZ-Kutno mènent d’ores et déjà des travaux de recherche sur une version améliorée du système, dénommée Bystra. Doté d'une antenne active AESA (Active Electronically Scanned Array), il sera installé, tout comme Sola, sur le véhicule d'infanterie Zubr. 19 exemplaires seront livrés aux forces armées avant 2022. Au final, le ministère polonais de la Défense a commandé 7 systèmes de radar Liwiec, 8 systèmes TRS-Odra et 8 systèmes Sola. La valeur des contrats atteint les 157 M€.

Bumar Elektronika – fer de lance de PHO

Affichant un chiffre d’affaires de 71 M€ et des bénéfices nets de 5,5 M€ en 2013, Bumar Elektronika est de loin l’entreprise la plus rentable du groupe PHO (Polski Holding Obronny, anciennement Bumar). Son carnet de commandes ne cesse de progresser depuis 2011, atteignant ainsi 1,5 GPLN (360 M€) en 2013.

Afin d’honorer ses engagements, l’entreprise a renforcé ses effectifs, ces derniers passant de 1 200 à 1 300 salariés, dont 500 ingénieurs. Plusieurs programmes sont en cours de réalisation, tels que le Fantassin du futur TYTAN ou encore le radar de surveillance navale RM 100.

Groupe polonais d’armement (PGZ)

La consolidation de l’industrie de défense polonaise autour du nouveau groupe d’armement PGZ a franchi une nouvelle étape. Au début du mois de septembre 2014, PGZ et PHO ont signé un accord qui prévoit l’intégration à PGZ de 8 entreprises du groupe PHO. Il s'agit de Mesko, PCO, PIT-Radwar, Zaklady Mechaniczne Bumar-Labedy, Stomil Poznan ainsi que Cenzin, Cenrex et Obrum. À terme, le PGZ devrait consolider 30 entreprises, générant un chiffre d’affaires d’environ 1,2 G€ pour un effectif global de

16 000 salariés.

Les programmes Wisla et Narew: avenir de l’industrie polonaise d’armement

Pour l’industrie d’armement polonaise, la participation aux programmes Wisla et Narew représente un enjeu vital pour son développement. C’est la raison pour laquelle le gouvernement polonais a fait très rapidement savoir qu’un achat sur étagère, souvent pratiqué ces dernières années, ne l’intéressait pas, tout comme la production sous licence. Seule une coopération la plus large possible avec l’industrie polonaise sera prise en compte. Une telle approche doit permettre à cette dernière de participer ensuite à la coopération internationale en tant que fournisseur de systèmes complets. Dés lors, afin de permettre à l'industrie d'armement polonaise une participation pleine et entière, le marché sera notifié en suivant les procédures inhérentes aux contrats relevant de la protection des intérêts fondamentaux de sécurité nationale. Afin de faire valoir ses compétences et renforcer sa visibilité, 12 entreprises ont décidé, en mars 2013, de créer un consortium (Tarcza Polski-Bouclier de la Pologne), dont l’objectif affiché est de prendre en charge au moins 50 % des activités de développement du système antimissile et antiaérien. Chaque entreprise s’est vue attribuer un rôle spécifique :

>PHO (anciennement Bumar) est le leader du consortium.

>Bumar Elektronika SA : radars et systèmes de commandement et de conduite de tir. Rôle d’intégrateur des différents systèmes.

>Mesko SA : missiles et munitions. Responsable de la « polonisation » de certains systèmes apportés par le partenaire étranger.

>ZM Tarnow SA : équipements (artillerie).

>PCO SA : équipements optiques et optoélectroniques.

>Huta Stalowa Wola SA (HSW) : équipements (artillerie) et véhicules de transport.

>OBR CTM SA : systèmes de communication et de gestion des données.

>Wojskowe Zakłady Elektroniczne S.A : maintenance et modernisation des radars et des matériels de reconnaissance et de lutte radio-électronique. WZE modernise également des systèmes de défense antiaérienne.

>Wojskowe Zakłady Łączności nr 1 S.A : postes de radio, systèmes de communication sans fil et par satellite.

>Jelcz Komponenty sp. z o.o : production des camions militaires lourds.

>Wojskowe Zaklady Uzbrojenia de Grudziac : spécialisé dans la modernisation des missiles soviétiques

>Polska Grupa Zbrojeniowa : son rôle dans le consortium n’est pas encore clairement défini.

Actuellement, plusieurs programmes de modernisation des systèmes de missile sont en cours.

Système Piorun

Depuis 2008, le consortium composé de Wojskowa Akademia Technicza (maîtrise d’œuvre), Mesko, WSK PZL-Warszawa II S.A. et PHO mènent des recherches dans le cadre de la modernisation du missile Grom. Le rayon de détection de cibles du nouveau missile, appelé Piorun, sera considérablement renforcé tout comme sa résistance au brouillage. Les travaux doivent se terminer fin octobre 2014. Piorun est censé devenir le principal système de missile au sein de la défense antiaérienne de courte portée.

Système Pilica

Système antiaérien de courte portée, Pilica est développé par le consortium composé de Wojskowa Akademia Techniczna (maîtrise d’œuvre), Zaklady Mechaniczne Tarnow et PHO (anciennement Bumar). Le système Pilica se compose d'un double canon antiaérien ZUR-23-2SP Jodek de 23 mm et de deux missiles de courte portée Grom. Son système de guidage semi-automatique est doté d'un système d'identification IFF. Il est capable de détruire non seulement des avions et des hélicoptères mais également des drones ou des missiles de croisière.

Système Homar

Missiles sol-sol d'une portée de 300 km, le système Homar doit remplacer les missiles soviétiques OTR-21 Tochka. Homar sera basé, soit sur le concept de lance-roquettes multiples (Multiple Launch Rocket System), soit sur le système plus mobile développé par Lockheed Martin, HIMARS (High Mobility Artillery Rocket System). Pour le faire un accord de coopération a été signé entre ZM Mesko et Lockheed Martin à l'occasion du salon de défense Kielce en septembre 2013.

Les principaux éléments du système Homar, tels que les véhicules de transport, les systèmes de commandement et de conduite de tir, seront développés en Pologne par HSW. Quant aux missiles, la Pologne fera appel aux partenaires étrangers. On parle de Kongsberg, de MBDA ou encore de Lockheed Martin.

HSW fabrique déjà des lance-roquettes multiples Langusta, d'une portée de 40 km sans parler d'obusiers Krab ou Regina de 155 mm chacun. Les premiers systèmes Homar doivent être livrés en 2017.

Missile Blyskawica

Beaucoup d'espoirs sont placés dans le missile Blyskawica, d'une portée de 20 km, et qui devrait être le pilier du programme Narew. Les travaux sur Blyskawica sont menés par le consortium composé de 5 entreprises: WAT (assure la maîtrise d'œuvre), ZM Mesko, ZPS Gamrat, et Instytut Techniczny Wojsk Lotnicznych i PHO. Le missile Blyskawica devait remplacer le missile 9M33M2/MS dans le cadre du système OSA-PL, mais faute de financements, le futur du programme est incertain.

Deux options semblent s’offrir au gouvernement polonais : (1) Un choix politico-stratégique qui inclut la coopération stratégique avec les Etats-Unis, avec les bénéfices qui dépassent le programme Wisla (comme la vente des missiles AGM-158 JASSM, convoités par la Pologne depuis plusieurs années). Mais cette option comporte le risque de voir les transferts de technologies promis par Raytheon limités, venant ainsi fragiliser davantage l’industrie d’armement polonaise. L’expérience de l’acquisition des avions F-16 par Varsovie en 2003 nous autorise à exprimer des doutes sur la question des transfert des technologies. (2) La seconde option dite « européenne » se focaliserait avant tout sur le développement de capacités industrielles et technologiques nationales. Dans ce contexte, le choix du partenaire étranger s’inscrirait dans une stratégie plus large d’ouverture du secteur polonais de défense aux programmes et au marchés internationaux.