Notes de la FRS

La Base industrielle et technologique des pays du Golfe

Publication générique pour un programme/observatoire n°00/2019
Abir Sadellah
18 avril 2019 Version PDf

Introduction

Depuis une décennie, 7 des 10 pays du monde dont la part de leurs dépenses allouée au secteur militaire est la plus élevée se trouvent au Moyen-Orient : Oman (12 % du PIB), l’Arabie saoudite (10 % du PIBLes 15 pays les plus dépensiers dans le secteur militaire allouent en moyenne 4,2 % de leur PIB., le Koweït (5,8 % du PIB), la Jordanie (4,8 % du PIB), Israël (4,8 % du PIB), le Liban (4,5 % du PIB) et le Bahreïn (4,1 % du PIB).En ce qui concerne les Émirats Arabes Unis, il n’existe pas de données après 2014. Cependant, le pays allouait en moyenne 4,8 % de son PIB entre 2005 et 2014, selon les données de la banque mondiale.

La première puissance économique du Golfe, l’Arabie saoudite (PIB 796 milliards de dollars)Direction générale du Trésor, « Lettre de la Péninsule arabique n°3 » janvier 2019, p. 15 https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/a58ebd9c-45dc-4cce-a38e-8e…, est le plus grand investisseur dans le secteur de la défense (3ème mondial après les États-Unis et la Chine) et le plus grand importateur d’armes du Moyen-Orient. Depuis l’arrivée de Mohammed Ben Salman, en juin 2017, les dépenses militaires sont reparties à la hausse, atteignant 69,4 milliards de dollarsSIPRI Military Expenditures Database, p. 22.    https://www.sipri.org/sites/default/files/1_Data%20for%20all%20countrie… (76,7 milliards selon Military Balance).(2018) Chapter Ten: Country comparaisons and defence date, The Military Balance, 118:1, 499-508.

La deuxième économie du Golfe, les Émirats Arabes Unis (EAU) (PIB de 456 milliards de dollars)Direction générale du Trésor, « Lettre de la Péninsule arabique n°3 », janvier 2019, op. cit., p. 15., est également en deuxième position en ce qui concerne les dépenses militaires au Moyen-Orient. En 2014Dernières données disponibles., elle dépensait 24,4 milliards de dollars.SIPRI Military Expenditures Database, op. cit., p. 21.

Bien que l’ensemble des pays arabes du Golfe (on ne parle pas d’Iran dans cette note) dépense de larges sommes pour leur défense,En moyenne 130 milliards de dollars par an pour les pays du Conseil de Coopération du Golfe seuls deux pays ont décidé de franchir le pas pour rentrer dans une logique de transferts de technologie via les compensations financières ou non financières (offsets). Pour l’Arabie saoudite et les EAU, l’ambition de créer une industrie militaire moderne pouvant rivaliser sur le marché international de défense s’impose comme une priorité stratégique du XXIème siècle. Elle met en lumière un ensemble d’intérêts nationaux et internationaux.

Ces deux États souhaitent développer leurs industries militaires de défense dans le but, assez classique, de :

  • répondre aux menaces envers leur sécurité nationale ;
  • réduire leur dépendance aux puissances dominant le marché international de la défense (l’Arabie saoudite est le deuxième plus grand importateur d’armes du monde, après l’Inde, important 7 % des 46 milliards de dollars d’import d’armes du monde, tandis que les EAU se classent 4ème, assurant 4,6 % des importations au niveau mondial) ;
  • diversifier leur économie ;
  • consolider leur influence sur la scène régionale grâce au prestige découlant de la création d’une BITD et accroître leur crédibilité militaire ;
  • amplifier leur puissance diplomatique et atteindre une plus grande autonomie.

Les autres pays n’ont soit pas les ressources humaines et les moyens techniques nécessaires pour mettre en place une base industrielle et technologique de défense (BITD) autonome, malgré leurs moyens financiers (Qatar, Koweït, Oman), ou leur capacité politique autonome (Bahreïn).

Mais la dimension financière et économique n’est pas le seul vecteur qui pousse les principaux États du Golfe à s’engager dans la fondation d’une BITD. Ils font preuve d’une suspicion de plus en plus forte sur la fiabilité des États-Unis comme garant exclusif de leur sécurité. Le comportement de ce pays lors des « printemps arabes » et les déclarations des présidents américains sur le « pivot stratégique » vers l’Asie-Pacifique les ont conduits à une réflexion accélérée vers la recherche d’une autonomisation des moyens de défense.Voir Emma Soubrier, chapitre « L’économie de défense des pays du Golfe, entre maintien du statu quo et volonté d’affirmation » in Aude-Emmanuelle Fleurant (dir.), « Quelle stratégies économie de défense mondiale ? » Etudes de l’IRSEM n°38, p. 20-27.https://www.researchgate.net/profile/Emma_Soubrier/publication/277863423_L%27economie_de_defense_des_pays_du_Golfe_entre_maintien_du_statu_quo_et_volonte_d%27affirmation/links/5575720c08ae753637500803/Leconomie-de-defense-des-pays-du-Golfe-entre-maintien-du-statu-quo-et-volonte-daffirmation.pdf  Voir aussi Fatiha Dazi-Héni, « Le Conseil de coopération du Golfe : une coopération de sécurité et de défense renforcée ? », Sce-Po-CERI, note septembre 2011, p. 4.https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/art_fdh.p…