Adel Bakawan
15 avril 2019 Version PDf
INTRODUCTION
Le 25 septembre 2017, le Gouvernement Régional du Kurdistan, présidé par Massoud Barzani, organise le référendum de l’indépendance du Kurdistan dans l’ensemble du ter-ritoire, y compris les territoires disputés avec Bagdad. Le résultat ne laisse aucun doute sur la volonté indépendantiste exprimée par les Kurdes. Le « oui » l’emporte avec 92,73 %Pour plus d’information sur le référendum, voir notre article Adel Bakawan, « Kurdistan d’Irak : l’indépen-dance est-elle possible ? », Revue Moyen Orient, N°37, janvier 2018.. Cependant aucun pays au monde n’a reconnu « officiellement » ces résultats, bien au contraire. Le rejet de la consultation aussi bien sur la scène régionale qu’inter-nationale est catégorique, ce qui encourage le gouvernement irakien d’Haïder al-Abadi à profiter de cette opportunité rare depuis 2003 pour punir fortement le GRKSur ce sujet, voir la conférence « Après le référendum, quel avenir pour le Kurdistan post-Barzani ? », organisé par l’IREMMO, le 5 décembre 2017. http://iremmo.org/rencontres/apres-referendum-avenir-kurdis-tan-post-ba….
Le 29 septembre 2017, les liaisons aériennes entre le Kurdistan irakien et l'étranger sont coupées sur ordre d’Haïder al-Abadi. Le 16 octobre 2017, les milices de la Mobilisation populaire et quelques brigades de l’armée irakienne pénètrent dans Kirkouk, sans com-battre. Il semble que les pressions de Washington, de Téhéran et de Bagdad sur la famille Talabani aient fonctionné, car, contre le bureau politique de l’Union patriotique kurde (UPK), qui voulait organiser une « résistance » à Kirkouk, la famille Talabani a donné l’ordre à ses « peshmergas » de quitter la ville et de la livrer aux milices de la Mobilisation populaireCet accord implicite entre Washington, Téhéran, Bagdad et la famille de Talabani a été dévoilé par Lahur Sheikh Jangi Talabani, le chef des brigades anti-terroristes de l’UPK, engagé personnellement dans une relation hyper conflictuelle contre la famille de Barzani. Lui-même est désigné par le PDK comme un des grands responsables de la chute de Kirkuk. Conférence de presse de Lahur Sheikh Jangi Talabani, 23 octobre 2017, Kurdistan irakien, Sulaymaniyah. Nous pouvons retrouver l’intégralité de cette conférence sur sa page FB : https://www.facebook.com/LahurTalabany/ ! Le GRK perd presque la totalité des territoires disputés avec Bagdad.
La chute de Kirkouk est vécue par les Kurdes comme une humiliation comparable à celle vécue par les sunnites lors de la chute de Bagdad en 2003. Le 29 octobre 2017, le pré-sident du GRK, Massoud Barzani, adresse une lettre de démission au Parlement kurde et quitte le pouvoir4. Il laisse derrière lui un GRK plus que jamais en lutte pour sa survie politique, ceci pendant plusieurs mois, d’octobre 2017 à mai 2018, date des élections législatives irakiennes, qui changeront les rapports de force entre Bagdad et Erbil5. Avec le départ d’Haïder al-Abadi et l’arrivée d’Adel Abdel-Mahdi, nouveau Premier ministre pro kurde, une nouvelle page se tourne.
En prenant en compte cette transformation des rapports de force, cette note mettra en exergue la situation politique du GRK entre les deux élections, fédérales en mai et ré-gionales en septembre 2018, qui replaceront Massoud Barzani, comme l’interlocuteur privilégié de Bagdad, auprès des pays de la scène régionale et surtout internationale. En effet, ce « patriarche », dont certains ont annoncé la fin politique en novembre 2017, revient depuis mai 2018 en force et s’impose de nouveau sur la scène politique locale, nationale et internationale, comme la seule référence de la mouvance kurde en Irak, mais aussi comme un leader « irakien » désormais en situation de force pour préserver les équilibres profondément fragiles de l’équation irakienne. En deuxième lieu, nous abor-derons la nature et le fonctionnement du système politique du GRK imaginé et mis en place par les familles Barzani et Talabani. En troisième lieu, nous analyserons les inter-ventions des forces armées du GRK dans les territoires disputés et enfin, nous mettrons la lumière sur les rapports hautement complexes entre le GRK et le PKK.