Perspectives croisées sur l’avenir de la maîtrise des armements
Observatoire de la dissuasion n°77
juillet 2020
Alors que l’avenir du New Start apparaît compté, de nombreuses publications continuent d’évoquer les perspectives de la maîtrise des armements. En particulier, plusieurs papiers ont été publiés dans la revue Daedalus sur ce sujet, dont un article de Linton Brooks relativement pessimiste qui évoque les risques d’un abandon complet de la maîtrise des armements stratégiquesLinton Brooks, « The End of Arms Control? », Daedalus, vol. 149, n°2, printemps 2020, pp. 84-100.. Dans cet article, l’ancien administrateur de la NNSA redoute la perte de transparence et de prédictibilité associée à l’expiration du New Start, les préjudices pour le régime du TNP et les conséquences sur les arsenaux dans le plus long terme. Il propose dans l’immédiat plusieurs mesures visant à limiter ces dommages en cas de non-reconduction du Traité, comme l’adoption de mesures de transparence et d’accords informels pour maintenir les arsenaux dans des volumes contraints et connus, et un ensemble de mesures de confiance pour accroître la stabilité stratégique. Même s’il estime peu probable qu’un Traité successeur à New Start soit adopté dans le court terme, il évoque ce qu’il estime comme un format plausible pour ce nouvel instrument. Celui-ci reprendrait le cadre général de New Start avec quelques adaptations de procédures et de définition permettant d’inclure les nouveaux systèmes stratégiques russes. Des réductions modestes supplémentaires pourraient être envisagées. En complément et principalement pour des raisons d’affichage politique à ce stade, les Etats-Unis et la Russie pourraient négocier des mesures de confiance sur les armes nucléaires non-stratégiques, la défense antimissile, les armes conventionnelles longues portées et éventuellement adopter un traité interdisant les essais d’armes déployées dans l’espace. Linton Brooks suggère dans tous les cas d’étendre le cadre des discussions informelles entre anciens responsables militaires pour limiter le risque d’escalade involontaire.
Dans un autre articleAndrey Baklitskiy, The Prospects for U.S.-Russian Arms Control, A Report of the CSIS Russia and Eurasia Program, juin 2020., Andrey Baklitskiy étudie les points où un compromis pourrait être trouvé pour pérenniser la maîtrise des armements entre Moscou et Washington. Il évoque notamment l’intégration des systèmes russes « exotiques » dans une négociation de maîtrise des armements, ou la résolution des différends au sujet de la défense antimissile pour laquelle il suggère de repartir des adaptations agréées en 1997 au sujet du traité ABM. D’autres aspects lui paraissent plus problématiques, notamment l’intégration de la Chine aux négociations, qui ne semble pas dans l’intérêt de Moscou dans la mesure où la Russie ne s’inquiète pas outre-mesure du développement des forces stratégiques chinoises et perçoit l’insistance de Washington pour une négociation trilatérale davantage comme un prétexte pour renoncer au cadre existant. Il insiste également sur le refus de Moscou d’imposer des pressions sur la Chine à ce sujet pour préserver de bonnes relations politiques et, reconnaissant que la Chine serait sans doute très frileuse envers un accord contenant des mesures de vérification poussées, estime néanmoins qu’un accord sans régime de vérification ne serait pas acceptable côté russe. Il souligne à ce titre le désintérêt de Moscou pour des mesures de transparence non-liées à un cadre légal. Enfin, Andrey Baklitskiy note trois autres sujets de controverses sur lesquels les deux Etats ont peu progressé à ce jour : l’intégration des armes nucléaires non-stratégiques, l’intégration potentielle des autres arsenaux nucléaires de l’OTAN ou encore l’interdiction du placement de systèmes offensifs dans l’espace.
Perspectives croisées sur l’avenir de la maîtrise des armements
Revue Daedalus
Bulletin n°77, juin 2020