OTAN : l’affaire des « flashcards »
Observatoire de la dissuasion n°88
Bruno Tertrais,
juillet 2021
Le centre d’analyse Bellingcat révèle une grave faille de sécurité relative aux bases nucléaires américaines en Europe. D’après son enquête, certains personnels américains – l’US Air Force est chargée de la sécurité des sites – ont laissé depuis plusieurs années des informations classifiées sur des sites Web (CRAM, Chegg, Quizlet) permettant de générer des cartes d’apprentissage (flashcards) des protocoles de sécurité en vigueur.US Soldiers Expose Nuclear Weapons Secrets Via Flashcard Apps, Bellingcat, 29 mai 2021.
Les flashcards en question – au moins une cinquantaine auraient été découvertes par Bellingcat – donnaient effectivement des informations sensibles sur l’état actuel du dispositif, telles que : nombre de cellules pouvant accueillir des armes nucléaires sur certaines bases (11 à Volkel, 25 à Inçirlik, etc., soit les nombres déjà cités dans la littérature ouverte), durée de vie des batteries de secours pour l’alimentation des dispositifs de sécurité empêchant l’accès aux cellules, codes d’identification des personnels habilités à pénétrer en zone nucléaire, positionnement des caméras de surveillance, noms de code, etc. Certaines informations étaient particulièrement sensibles, telles que l’identification précise des cellules abritant effectivement des armes (soit 5 sur 11 à Volkel).
Les cartes semblent avoir été générées par les personnels eux-mêmes et non par leurs autorités.
Cet épisode ne manquera pas de relancer le débat sur la « perte de culture de sécurité nucléaire » au sein de l’US Air Force, alors même que les graves incidents de la fin des années 2000 avaient donné lieu à un réexamen complet du sujet (Commission Schlesinger)Emmanuelle Maitre, « Réactions et perspectives après les révélations récentes de scandales », Bulletin n°19, Observatoire de la Dissuasion, FRS, avril 2015.. Il pourra également être mis à profit par les organisations non-gouvernementales opposées à la pérennité du dispositif de « partage nucléaire ».