La destruction d’ADM vingt ans après la guerre en Irak
Observatoire de la dissuasion n°106
mars 2023
Vingt ans après la guerre en Irak, liée à la quête d’ADM sur le territoire irakien, plusieurs experts, ayant notamment fait partie de missions d’inspection, ont publié des analyses qui tirent des leçons des expériences de destructions d’ADM. Ainsi, l’australien Trevor Findlay vient de sortir un ouvrage qui s’intéresse aux difficultés rencontrées par l’AIEA pour détecter le programme clandestin irakien avant 1991Trevor Findlay, Transforming Nuclear Safeguards Culture. The IAEA, Iraq, and the Future of Non-Proliferation, MIT Press, 2022.. T. Findlay note la combinaison de facteurs politiques, institutionnels et culturels ayant empêché l’Agence de remplir sa mission à cette époque. Il évoque les changements intervenus depuis, notamment en termes de valeurs d’organisation et d’état d’esprit des inspecteurs en charge de mettre en œuvre les accords de garanties.
De son côté, le SIPRI a publié un rapport de Robert KelleyRobert Kelley, « Verifying Nuclear Disarmament: Lessons Learned in South Africa, Iraq and Libya », SIPRI, janvier 2023., expert de la non-prolifération ayant en particulier travaillé pour le DoE américain et pour l’AIEA, qui liste des retours d’expérience des missions de désarmement menées dans les années 1990-2000. R. Kelley propose des études des cas de l’Afrique du Sud, de l’Irak et de la Libye, et note l’importance de préserver le savoir-faire des missions d’inspection et de destruction d’ADM, avec des recommandations concrètes pour de futures missions. Il pointe que si un régime d’inspection se mettait en place, par exemple sur la péninsule coréenne, des défis communs aux missions passées se poseraient, en particulier la question du mandat des inspecteurs, leur sélection, des questions logistiques, des aspects techniques et la gestion des informations. Pour autant, chaque mission reste unique, en raison des particularismes politiques qui la caractérisent, de la coopération de l’État concerné et de la nature du programme.
Il cerne des facteurs essentiels à la réussite de la mission, en particulier la constitution d’une équipe dédiée, la définition d’un mandat clair, l’acquisition d’une culture de la discrétion mais aussi de l’innovation, la sélection d’une équipe aux profils variés et complémentaires, l’accès aux renseignements et la mise en place de capacités et de procédures de traitement des documents recueillis et la réflexion précoce des conditions de finalisation de la procédure. Il insiste sur six leçons tirées des expériences passées, comme le fait de ne pas détruire les preuves mais les analyser, ne pas renoncer à ses droits, recruter des inspecteurs avec des expériences industrielles larges et diverses, développer une culture de la sécurité pour éviter les fuites, négocier en amont des solutions politiques concernant la destruction effective des matières et garantir l’intégrité des équipes impliquées.
La destruction d’ADM vingt ans après la guerre en Irak
Bulletin n°106, février 2023