Steadfast Noon : mise en lumière récente de l’exercice annuel de l’OTAN

A l’automne, l’OTAN a organisé son exercice annuel nucléaire Steadfast Noon. L’exercice s’est déroulé du 16 au 26 octobre 2023 au-dessus de l’Europe du Sud, au départ de la base d’Aviano, et a survolé l’Italie, la Croatie et la mer Méditerranée.

Steadfast Noon est un exercice auquel participent les forces aériennes de 13 pays alliés et jusqu’à 60 avions capables de transporter des armes nucléaires, notamment des chasseurs bombardiers européens et des B-52 américains. Le B-52 est un bombardier stratégique à long rayon d’action capable de tirer des missiles nucléaires AGM-86B d’une portée supérieure à 2000 km. L’exercice a lieu une fois par an et l’hôte varie chaque année. Des Etats qui ne participent pas à la mission nucléaire à proprement parler peuvent également jouer un rôle dans des missions d’accompagnement connues jusqu’à récemment sous le nom de SNOWCAT et désormais intitulées CSNO (Conventional Support for Nuclear Operations)Matti Pesu et Tapio Juntunen, « Finland In A Nuclear Alliance Recalibrating The Dual-Track Mindset On Deterrence And Arms Control », Briefing Paper, 375, FIIA, novembre 2023..

Si l’exercice est annuel et ne présente pas d’originalité particulière (il est souvent décrit comme un exercice de « routine »), il est intéressant d’examiner l’évolution de la communication stratégique de l’OTAN à son égard. En effet, pendant longtemps, l’OTAN a considéré son entraînement nucléaire comme une activité discrète, un sujet sensible, devant être opéré loin des projecteurs des médias. Ainsi, en 2014, alors que des F-16 polonais participaient pour la première fois à l’exercice, et dans le contexte d’annexion illégale de la Crimée, aucune information officielle n’avait été publiée jusqu’à la publication de photographies amateurs le confirmantJacek Durkalec, « Nuclear-Backed “Little Green Men:” Nuclear Messaging in the Ukraine Crisis », The Polish Institute of International Affairs, juillet 2015.. Cette intention a pu être interprétée comme le reflet d’une stratégie volontaire de « désescalade relative »Jonathan Proctor, « A Quantitative and Spatial Model of Escalation », Master’s thesis, Creighton University, 2014., théorie qui vise à toujours abaisser sa réponse d’un cran par rapport au comportement de l’adversaire. Toutefois, des analystes ont critiqué cette position et indiqué que le signalement nucléaire très limité de l’OTAN pouvait être interprété comme une marque de faiblesseMatthew Kroenig and Jacek Durkalec, « NATO’s Nuclear Deterrence: Closing Credibility Gaps », Polish Quarterly of International Affairs, vol. 25, n°1, 2016..

A partir de 2020, la stratégie de communication a évolué, et des références à Steadfast Noon ont été faites officiellement. La déclassification du nom de l’exercice en 2021 a été particulièrement utile à cette fin. L’année dernière, l’exercice organisé à partir de la Belgique a été annoncé à l’avance et mentionné à plusieurs reprises dans des discours ou des déclarations du secrétaire général Jens Stoltenberg. Cela avait notamment permis la reprise de l’information dans des médias grands publics dans différents pays européensVoir par exemple : Vincent Fauroux, « Qu’est-ce que le "Steadfast Noon", l’exercice de dissuasion nucléaire mené par l’Otan la semaine prochaine ? », TFI Info, 15 octobre 2022.. En 2023, cette communication stratégique a été rehaussée d’un cran, avec la réalisation d’une vidéo de communication« Nuclear Exercise Steadfast Noon Concludes », SHAPE, OTAN, 27 octobre 2023. et une large couverture dans les réseaux sociaux. Cette visibilité a été relayée par différents alliés, comme par exemple les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne ou encore la GrècePays ayant communiqué sur les réseaux sociaux sur l’organisation de Steadfast Noon en octobre 2023, liste non-exhaustive..

Même si ces efforts de communication participent clairement à la stratégie de signalement stratégique de l’OTAN, il convient de noter les efforts déployés par l’Alliance pour démentir une quelconque escalade vis-à-vis de la Russie. Ainsi, parmi les messages clés formulés en 2023, figurent l’idée que les exercices sont basés sur des scénarios fictifs, ne correspondent pas à la situation réelle et sont planifiés longtemps à l’avance. Deuxièmement, l’OTAN souligne sa volonté de faire preuve de transparence sur ses activités, y compris à l’égard de ses propres citoyens.

De fait, la discrétion passée devenait de plus en plus décalée avec le volume d’informations disponibles en sources ouvertes, permettant par exemple de suivre le vol en temps réel des différents avions impliqués dans l’exerciceHans Kristensen, Twitter.com, 19 octobre 2023.. Par ailleurs, il est régulièrement pointé que cette communication plus affirmée est essentielle pour mieux faire comprendre les enjeux liés à la dissuasion aux populations des pays de l’OTAN et à leurs gouvernements. Cet objectif est parfois décrit comme « l’élévation du QI nucléaire de l’OTAN ». En parallèle, une communication institutionnelle offensive semble nécessaire pour lutter contre de potentielles tentatives de désinformation en la matièreNATO’S New ‘Deterrence Baseline’ and the Future of Extended Nuclear Deterrence, Rapport, WP3131, Wilton Park, juillet 2023.. Cela ne vise pas à supprimer toute contestation des exercices, observée chaque année dans certains Etats membres, avec quelques manifestations sporadiques, mais de défendre l’image d’une Alliance plus transparenteLes titres de certains articles « grand public » illustrent bien l’image d’une OTAN secrète, dissimulatrice. Voir par exemple : « Top secret NATO nuclear exercise to take place over UK as Russia tensions intensify », SkyNews, 14 octobre 2023.. Cet effort pourrait culminer par la reconnaissance officielle des bases européennes abritant des B61 de l’OTAN, notamment dans le contexte du remplacement de ces armes par les B61-12.

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