Seconde réunion des Etats parties du TIAN

Du 27 novembre au 1er décembre 2023 a eu lieu à New York la seconde réunion des Etats parties au TIAN sous la présidence de l’Ambassadeur mexicain Juan Ramón de la Fuente. Cette réunion marquait une tentative de tournant pour le Traité : bien que le TIAN reste dans une certaine mesure dans une logique militante, en campagne pour son universalisation et bénéficiant d’un fort soutien d’une grande variété d’ONG notamment menées par ICAN et le Comité international de la Croix Rouge (CICR), beaucoup d’Etats parties souhaitaient confirmer l’intronisation du Traité dans le système onusien avec l’organisation à New York d’une réunion de diplomatie multilatérale classique, relativement formelle et consacrée à des points concrets de mise en œuvre du Traité.

Dans ce contexte, la réunion a permis de valider une grande partie du travail intersessionnel. Ainsi, les rapports préparés par les différents groupes de travail ont été validés. Il s’agit en particulier d’un rapport sur la mise en place de l’article 4, qui porte sur l’élimination des armes nucléaires. Le groupe de travail, mené par la Nouvelle-Zélande et le Mexique, a ébauché une première réflexion sur les exigences liées à la vérification dans le cas de figure où un Etat possédant des armes nucléaires viendrait à rejoindre le Traité. Le Kazakhstan et les Kiribati ont travaillé sur la question de la mise en œuvre des articles 6 et 7, concernant l’assistance aux victimes des essais nucléaires et la remise en état de l’environnement. De leur côté, l’Afrique du Sud et la Malaisie étaient chargées de mener les réflexions sur l’universalisation du Traité, et ont présenté, tout comme d’autres Etats parties, les efforts entrepris dans ce domaine. L’Irlande et la Thaïlande ont présenté un rapport sur la complémentarité entre le TIAN et d’autres traités et régimes de désarmement et de non-prolifération. Enfin, le Chili était point focal pour les questions de genre. A noter que son rapport est le seul ayant suscité des oppositions, plutôt sur la forme, le Saint-Siège étant réticent à l’usage du terme « genre » dans le rapport.

En plus de l’adoption de ces rapports, les Etats parties ont pris cinq décisions concernant le fonctionnement du TraitéDecisions to be taken by the second Meeting of States Parties to the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons, TPNW/MSP/2023/CRP.3/Rev.1, 30 novembre 2023.. La première a trait au processus intersessionnel qui s’ouvre. Les groupes de travail informels et points focaux ont été reconduits, avec quelques changements concernant les Etats en chargeL’Afrique du Sud et l’Uruguay présideront le travail sur l’universalisation, le la Nouvelle-Zélande et la Malaisie celui sur l’article 4. Le Mexique est le nouveau point focal sur le genre. Les présidents des groupes de travail sur l’article 6 et 7 et les facilitateurs sur la complémentarité sont inchangés.. Deuxièmement, bâtissant sur l’expérience de cette deuxième réunion où deux panels d’experts ont été organisés et appréciés des participants (le premier sur l’impact humanitaire des armes nucléaires et le deuxième sur les sujets de recherche pouvant être poursuivis pour mettre en œuvre l’abolition des armes nucléaires), il a été décidé de permettre aux présidents des prochaines réunions d’organiser ce type de débats thématiques. Pour ce qui est de la mise en œuvre des articles 6 et 7, deux décisions ont été prises. La première vise à l’adoption d’un formulaire type pour que les Etats concernés puissent faire état de la situation dans leur pays concernant les conséquences des essais nucléaires. La deuxième vise à confier au groupe de travail informel le soin d’élaborer des recommandations concernant la mise en place d’un fonds fiduciaire international permettant d’aider les Etats à mettre en œuvre leur obligation d’assistance aux victimes et de remise en état de l’environnement.

Enfin (décision 5), les Etats membres, assistés d’ICAN, du CICR et d’autres ONG, ont décidé d’élaborer et soumettre un rapport à la prochaine réunion des Etats parties pour « mieux promouvoir et articuler les préoccupations légitimes en matière de sécurité, les perceptions des menaces et des risques inscrites dans le traité qui résultent de l'existence d’armes nucléaires et du concept de dissuasion nucléaire ; et de remettre en question le paradigme de sécurité fondé sur la dissuasion nucléaire en mettant en évidence et en promouvant de nouvelles preuves scientifiques concernant les conséquences et les risques humanitaires des armes nucléaires et en les juxtaposant aux risques et aux hypothèses inhérents à la dissuasion nucléaire ». L’Autriche sera à la tête de cet effort visant à contester la validité des doctrines de dissuasion nucléaire.

En plus de ces éléments concrets, les Etats ont adopté une déclaration politique dans laquelle ils ont rappelé leur attachement au Traité et leur préoccupation vis-à-vis de la situation actuelleRevised draft declaration of the second Meeting of States Parties to the Treaty on the Prohibition of Nuclear Weapons: “Our commitment to upholding the prohibition of nuclear weapons and averting their catastrophic consequences”, TPNW/MSP/2023/CRP.4/Rev.1, 1er décembre 2023.. Ils y condamnent fermement la possession d’armes nucléaires et les doctrines de dissuasion. Ils dénoncent les efforts de modernisation et toutes les menaces nucléaires, explicites ou implicites et quelles qu’en soient les circonstances. En pointant les recherches scientifiques menées dans le domaine, la déclaration insiste largement sur les conséquences humanitaires catastrophiques des armes nucléaires. Elle s’oppose au concept de politiques nucléaires ou de comportements « responsables » et oppose la sécurité perçue de certains à l’insécurité vécue par tous. Parmi les points intéressants et nouveaux par rapport à la déclaration adoptée à Vienne en 2022, on peut noter un regret de la dépendance grandissante des Etats dotés aux armes nucléaires, appuyée du constat que « davantage d’Etats sont sous des garanties de sécurité nucléaire élargies et des arrangements de stationnement nucléaire » par rapport à l’année précédente, une référence au Bélarus. De même, les parties ont discuté de l’opportunité d’inclure une critique de la dératification russe du TICE, et se sont accordées sur le fait de noter qu’elles sont « inquiètes des délais existants et nouveaux » à l’entrée en vigueur du TICE. Enfin, suite à discussion, une référence au droit inaliénable aux usages pacifiques de l’énergie nucléaire a été ajoutée à la déclaration. On voit donc des efforts importants pour trouver des formulations consensuelles sur des sujets sur lesquels les Etats ont des visions différentes, dans l’optique de refléter au mieux l’inscription du Traité dans les réalités stratégiques actuelles tout en évitant toute « politisation » du Traité.

Comme lors de la première réunion des Etats parties, la question de la participation d’Etats non-parties en tant qu’observateurs a été un sujet de débat parmi l’OTAN et ses partenaires. Parmi les observateurs, l’Allemagne a pris la parole pour indiquer que le pays ne rejoindrait pas le Traité (et non pas ne « peut pas le rejoindre », comme formulé en 2022). L’Allemagne a ensuite procédé à une défense assez ferme du rôle de la dissuasion élargie pour la stabilité internationale et de la politique de l’OTAN, une condamnation des agissements russes et une distinction entre des comportements « responsables » et « irresponsables » observés en matière nucléaire. Le pays a néanmoins réitéré un geste d’ouverture en répétant son souhait de participer aux travaux sur l’assistance aux victimes des essais nucléaires et la remédiation environnementale. La Norvège s’est davantage centrée sur son soutien aux initiatives de désarmement par étape et son intérêt pour les réflexions sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. La Belgique a insisté sur le TNP et les risques de prolifération. La Suisse a salué un certain nombre des travaux intersessionnels réalisés et les efforts des Etats parties au TIAN pour pointer la complémentarité du Traité avec le TNP et son régime. Parmi les Etats signataires, l’Indonésie et le Mozambique ont indiqué leur ratification imminente du Traité, et le Brésil et le Népal ont indiqué leur espoir de pouvoir également prochainement rejoindre la liste des Etats parties.

La prochaine réunion des Etats parties aura lieu du 3 au 7 mars 2025 à New York sous la présidence de l’ambassadeur kazakhstanais Akan Rakhmatullin.

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