La production de matière fissile de l’Inde
Observatoire de la dissuasion n°79
Emmanuelle Maitre,
octobre 2020
Installations |
Etat |
Matière |
Production estimée |
Réacteur Dhruva-1 |
Maharashtra |
Plutonium |
24 kg/an |
Réacteur CIRUS |
Maharashtra |
Plutonium |
Arrêtée depuis 2010 |
Réacteur de Vizag/ Visakhapatnam (Dhruva II) |
Andhra Pradesh |
Plutonium |
En projet |
Rare Material Plant (Mysore/Ratehalli) |
Karnataka |
Uranium hautement enrichi |
Inconnue |
Special Material Enrichment Plant (Chitradurga District/Challakere) |
Karnataka |
Uranium hautement enrichi |
En projet |
Production estimée de matières fissiles en Inde (IPFM, 2018)
L’Inde fait partie des quatre pays réputés pour poursuivre leur production de matière fissile destinée à des armes nucléairesAvec la Chine, le Pakistan et la Corée du Nord. Très discrète sur le sujet, New Delhi a néanmoins annoncé quelques projets ambitieux mais dont la mise en œuvre est longue. Les capacités de production de matières fissiles indiennes sont à l’origine de débats importants sur le sous-continent, avec des inquiétudes fortes côté pakistanais sur les asymétries qui existent entre les deux programmes. En particulier, Islamabad souligne l’avantage indien dans l’accès à l’uranium brut de par son exemption accordée par le Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) ; mais aussi, pour les mêmes raisons, sa capacité supposée à inclure dans les réserves stratégiques du plutonium tiré de programmes civils, en coopération avec des partenaires occidentauxMansoor Ahmed, « India’s Nuclear Exceptionalism, Fissile Materials, Fuel Cycles, and Safeguards », Discussion Paper, Project on Managing the Atom, Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School, mai 2017..
Suite à l’accord de coopération nucléaire entre les Etats-Unis et l’Inde, New Delhi et l’AIEA ont mis en place un accord de séparation du secteur nucléaire civil et militaire permettant de placer sous garanties les installations purement civilesCommunication dated 25 July 2008 received from the Permanent Mission of India concerning a document entitled « Implementation of the India-United States Joint Statement of July 18, 2005: India's Separation Plan », INFCIRC/731, 25 juillet 2008.. Lors de l’établissement de ce plan, l’Inde a maintenu trois centres majeurs hors du système de garanties, et en particulier le grand centre nucléaire de Trombay (dans la banlieue de Mumbai). En-dehors du système de garanties, plusieurs sites sont impliqués dans la production de matière fissile. Pour ce qui est du plutonium, le réacteur Dhruva-1, localisé sur le site du Bhabha Atomic Research Centre (BARC) de Trombay, est a priori le seul opérationnel. Sa production annuelle a été estimée par l’IPFM à 24 kg par an. Un autre réacteur doit être construit sur le nouveau centre du BARC à Visakhapatnam (Andhra Pradesh). Bien qu’annoncé dès 2011, ce projet de grande envergure n’a pas encore vu le jour. Le réacteur envisagé serait similaire au Dhruva-1 (120 MW)« Visakhapatnam / Vizag », Weapons of Mass Destruction, GlobalSecurity.org, mis à jour le 24 février 2020..
En ce qui concerne l’uranium enrichi, l’usine de Ratehalli, près de Mysore, est a priori en charge de produire de l’uranium enrichi entre 30 et 40% pour fournir le combustible des réacteurs navals des SNLE indiens, actuellement déployés et en construction. Alors qu’une nouvelle usine d’enrichissement serait en construction sur le site, le BARC a acquis une nouvelle emprise autour de Challakere qui serait également destinée à la construction d’une usine d’enrichissementDavid Albright et Kelleher-Vergantini, « India’s New Uranium Enrichment Plant in Karnataka », Institute for Science and International Security, 1er juillet 2014.. Ce nouveau site sera co-localisé avec des centres de l’ISRO et du DRDO. Les travaux sont vraisemblablement en cours. Avec à terme trois usines d’enrichissement, l’Inde pourrait dépasser ses besoins théoriques pour ce qui est du combustible de SNLE, ce qui interroge certains sur une utilisation éventuelle prévue de l’UHE pour les armes elles-mêmesMansoor Ahmed, op. cit..
Matières |
|
Stocks (IPFM, 2013) |
Stocks (IPFM, 2016) |
Stocks (IPFM, 2018) |
Stocks (IPFM, 2020) |
|||
Plutonium de qualité militaire |
540 kg |
590 kg |
580 kg |
600 kg |
||||
Plutonium séparé non-soumis aux garanties de l’AIEA |
4,7 T |
5,1 T |
6 T |
6,1 T |
||||
Plutonium civil séparé soumis aux garanties de l’AIEA |
240 kg |
400 kg |
400 kg |
400 kg |
||||
Uranium hautement enrichi (environ 30%) |
2,4 T |
3,2 T |
4 T |
4,4 T |
Stocks estimés de matières fissiles en Inde (IPFM)
Dans ce contexte, les stocks de matières fissiles, tels qu’estimés par l’IPFM, progressent de manière continue depuis 2012. Ces estimations sont assez consensuelles pour ce qui est du plutonium mais ont été jugées surévaluées pour ce qui est de l’UHEDavid Albright et Serena Kelleher-Vergantini, « India’s Stocks of Civil and Military Plutonium and Highly Enriched Uranium,End 2014 », ISIS, 2 novembre 2015..
La production de matière fissile de l’Inde
Bulletin n°79, septembre 2020