Meeting U.S. Deterrence Requirements: Toward a Sustainable National Consensus

Observatoire de la dissuasion n°47
octobre 2017

A l’instar d’autres instituts de recherche, la Brookings a mis en place cette année un groupe de travail pour mettre en avant des idées en amont de la publication de la future Nuclear Posture Review, attendue pour début 2018. Le rapport tiré de cette étude, coordonnée par Robert Einhorn et Steven Pifer, présente l’intérêt d’examiner de manière complète les différents aspects qui devraient figurer dans la prochaine NPR (posture, capacités, défense antimissile, maîtrise des armements…). Par ailleurs, il cherche à mettre en avant les points de vue consensuels parmi un groupe d’experts de sensibilités diverses, sans toutefois gommer les particularités puisque les opinions divergentes sont systématiquement signalées et certains auteurs ont même adjoint une note personnelle à la fin du rapport.

Les auteurs du rapport partent de plusieurs constats. Tout d’abord, la situation internationale s’est dégradée depuis 2010. Il s’agit donc de s’accorder sur une stratégie qui mette en valeur les atouts américains pour prendre en compte les nouveaux défis, sans toutefois renoncer à de nombreux principes agréés en 2010 (stabilité stratégique, refus de toute course aux armements, apaisement de la relation avec la Russie et la Chine, objectif ultime de désarment). Par ailleurs, ils constatent qu’une stratégie unique ne peut pas convenir puisque les principaux risques sont régionaux et il est donc nécessaire d’y répondre au cas par cas grâce à des moyens conventionnels, à la modernisation de la Triade et au renforcement du système d’alliance.

Dans un premier temps, le rapport propose des pistes pour affirmer le pouvoir de dissuasion américain face à ses principaux adversaires potentiels, à savoir la Russie, la Corée du Nord, la Chine, l’Iran et le terrorisme nucléaire.

La dissuasion contre une agression russe en Europe centrale est considérée comme la principale priorité des forces nucléaires américaines. Elle doit selon les auteurs s’appuyer également sur un renforcement des capacités conventionnelles déployées sur le théâtre, objectif déjà partiellement rempli à ce jour. Par ailleurs, la politique déclaratoire doit être claire et ferme, ce qui a été notamment le cas lors du dernier sommet de l’OTAN à Varsovie. Des désaccords entre les membres du groupe ont émergé sur la nécessité de se doter de nouvelles armes tactiques de faible puissance, alors qu’un consensus a en revanche été trouvé sur la nécessité de poursuivre la mission de partage nucléaire avec les membres européens de l’Alliance atlantique ainsi que sur l’opportunité de renouer avec les dialogues sur la stabilité stratégique avec Moscou.

La Corée du Nord a été décrite comme la menace la plus grave à court terme. Elle requiert également un renforcement des capacités de défense et d’attaque conventionnelles, ainsi que de renseignement. Le groupe d’experts n’a pas appelé au déploiement permanent d’armes nucléaires sur la péninsule, mais à un rôle accru pour Tokyo et Séoul dans la stratégie de dissuasion élargie en Asie. Il a conseillé une position de retenue et de laisser la porte ouverte à une initiative diplomatique.

La Chine a été décrite comme un défi de plus long terme. Dans tous les cas, le risque actuel n’est pas de nature nucléaire et il s’agit avant tout d’affirmer une présence militaire conventionnelle mais aussi diplomatique dans la région. Les participants ont souligné la nécessité de rassurer et de ne pas entrer dans une logique de compétition nucléaire entre les deux pays. La majorité a souhaité que la situation de vulnérabilité réciproque soit de facto agréée mais pas reconnue officiellement. L’établissement d’un dialogue stratégique a été évalué comme une vraie priorité dans ce contexte.

Concernant l’Iran, le rapport conseille de préserver le JCPOA voire de réfléchir dans un second temps à la levée d’autres sanctions américaines contre une restriction plus importante des capacités d’enrichissement. La présence américaine dans la région a été jugée essentielle pour éviter des agissements négatifs de l’Iran pour la stabilité régionale. Enfin, il estime que le terrorisme nucléaire reste un risque conséquent et qu’il faut donc élever les budgets consacrés à la sécurité nucléaire et à la non-prolifération.

Dans un second temps, le rapport pose la question du rôle de l’arsenal américain. La plupart des participants ont soutenu le programme de modernisation actuel, même si certains se sont exprimés pour l’abandon des ICBM, du LRSO, la réduction du nombre de Columbia ou un changement du rythme des programmes (accélération ou ralentissement). Tous ont soutenu la modernisation des infrastructures de commandement et de contrôle ainsi que celles du Département de l’énergie, ainsi que la stratégie liée aux têtes nucléaires à proprement parler (stratégie 3+2, gestion des stocks, Stockpile Stewardship and Management Program). Des débats ont en revanche eu lieu sur l’opportunité de redonner une capacité nucléaire aux missiles Tomahawk déployés par la Navy.

Pour ce qui est de la doctrine d’emploi, les membres du groupe ont pour l’essentiel jugé que les bénéfices attendus de l’adoption d’une politique de non-emploi en premier ne compensaient pas les inconvénients, et qu’il fallait donc mieux conserver la politique actuelle. En termes de ciblage, certains ont proposé d’inclure des infrastructures de haut niveau tout en maintenant l’objectif de minimiser les victimes civiles. Concernant l’état d’alerte, des désaccords ont été observés puisque peu soutiennent un changement officiel de la politique mais certains conseillent la modification de la posture de lancement-sur-attaque et d’autres son abandon officieux. Sur le niveau de l’arsenal, il est conseillé de convaincre Moscou de la nécessité de nouvelles réductions bilatérales.

Dans le chapitre sur la défense antimissile, le groupe invite à poursuivre globalement la politique actuelle. En particulier il s’agirait de réaffirmer que le système national ne peut être que limité et à l’encontre de la Corée du Nord. Sur le théâtre, les déploiements actuels devraient être consolidés.

Enfin, en matière de maîtrise des armements, il estime que la priorité doit être de renouer un dialogue avec Moscou et de préserver voire d’aller au-delà en ce qui concerne le New Start. Ils jugent que des efforts diplomatiques doivent être poursuivis pour résoudre la crise du Traité FNI, en proposant notamment divers mesures de vérification réciproques. En cas (probable) d’échec, des contre-mesures pourraient être prises dans le domaine conventionnel. Sur les armes non-stratégiques, le panel propose de négocier des mesures de confiance tout comme en manière de défense antimissile. Il estime qu’il convient de poursuivre la politique d’opposition et de pédagogie menée jusqu’à maintenant concernant le Traité d’interdiction des armes nucléaires, mais d’à tout le moins prolonger le moratoire sur les essais et continuer de financer l’OTICE. De manière générale, le groupe conclut de manière consensuelle que l’objectif ultime de désarmement nucléaire global et complet doit être maintenu.

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Meeting U.S. Deterrence Requirements: Toward a Sustainable National Consensus

Robert Einhorn, Steven Pifer

Bulletin n°47, octobre 2017



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