La politique française et européenne vis-à-vis de la Russie

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Isabelle Facon,

audition par Chantal Guittet et M. Thierry Mariani, Assemblée nationale (commission des Affaires étrangères)

, 6 mars 2014

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Selon une formule du président russe Vladimir Poutine prononcée en 2005, « l’effondrement de l’URSS a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle ». Ce propos rend compte d’une réalité : il y a vingt ans, la Russie a vécu tout à la fois un effondrement économique – son produit intérieur brut a chuté de 45 % entre 1990 et 1998 – et la fin d’un empire territorial – les frontières de la fédération de Russie sont celles de l’empire russe au XVIIIème, voire parfois au XVIIème siècle, trois siècles d’expansion ont été effacés.

La Russie a fait preuve d’une réelle capacité à surmonter ses difficultés et à retrouver assez rapidement la croissance. Après une période de libéralisation de l’économie et de privatisations conclue par une crise financière sans précédent en 1998, la fédération de Russie a retrouvé le chemin de la croissance dans les années 2000 suite à la dépréciation du rouble et grâce à la hausse des prix du pétrole et à une reprise en main de l’économie par l’État. Vingt ans après la fin de l’URSS, la Russie, assise sur des richesses naturelles qui en font objectivement la première puissance énergétique du monde, connaît une embellie économique et est redevenue une puissance avec laquelle il faut compter.

Le régime politique russe actuel n’est certes pas irréprochable sur le plan du respect des procédures démocratiques et des droits de l’homme, mais semble, pour le moment, garder l’appui de la majorité de la population.

Sa diplomatie est marquée par la volonté de retrouver le statut international perdu, qui implique notamment de disposer d’une sphère d’influence, mais est également pragmatique et sait profiter habilement des atouts et des faiblesses de ses partenaires. Cette politique de puissance, incarnée par le président Vladimir Poutine, trouve son pendant à l’intérieur du pays dans la recentralisation du pouvoir et un large retour à une conception traditionnelle de capitalisme d’État. « Héritière d’une diplomatie redoutée mais affaiblie depuis la chute de l’URSS, la Russie ambitionne de retrouver son rang de grande puissance », résume M. Jacques Lévesque, enseignant à l’université du Québec à Montréal (Le Monde diplomatique n° 716).

Aux lendemains de la fin de l’URSS, la politique de la Russie a été totalement tournée vers l’Occident et en particulier l’Europe : la Russie en attendait un soutien financier dont elle avait un besoin vital, mais surtout y voyait un modèle pour son développement économique et politique. Mais l’Union européenne était encore marquée par les réflexes antérieurs de « refoulement » de l’URSS et profondément divisée sur l’attitude à avoir vis-à-vis de la nouvelle Russie.

Les deux entités ne sont donc pas parvenues à établir un partenariat satisfaisant, malgré une interdépendance économique très forte notamment dans le domaine de l’énergie. Leurs relations continuent à connaître des moments de crispation, comme on le voit aujourd’hui avec la crise ukrainienne.

Et pendant ce temps, la diplomatie russe a diversifié ses angles d’attaque, en prenant en compte le déplacement du centre de gravité du monde vers l’Asie - Pacifique et en n’hésitant pas à se montrer parfois offensive. La Russie a également su valoriser son statut d’économie émergente, ainsi que sa puissance énergétique. Pour reprendre les mots du chercheur Thomas Gomart, l’Europe est passée du statut de modèle à celui de concurrent politique de la Russie et, si elle est encore un partenaire nécessaire, la relation avec elle ne semble plus suffire à la Russie.

Malgré cette situation, vos rapporteurs en sont convaincus, l’Union européenne et la Russie sont complémentaires et ont des intérêts convergents dans le long terme, ce qui justifierait un partenariat apaisé.

La France doit jouer un rôle pour apaiser les relations entre l’Union européenne et la Russie. Nous avons la chance d’entretenir avec ce pays une tradition d’amitié ancrée dans l’histoire et la culture. Nous avons aussi des échanges économiques dont le développement est récent mais qui sont très dynamiques et mutuellement profitables, car ils comprennent des partenariats dans des domaines de haute technologie, voire régaliens. Enfin, nous avons avec la Russie un dispositif très dense de coopération institutionnelle au plus haut niveau. Tout cela permet aux deux pays de surmonter sans trop de dommages les désaccords internationaux parfois majeurs qu’ils peuvent avoir – on pense bien sûr à la crise syrienne.

Pour autant, nous devons aussi être conscients que la France a souvent eu une perception peu précise des enjeux de la relation franco-russe. Par ailleurs, l’Allemagne a développé depuis quelques années des relations très fortes avec la Russie, en particulier dans le domaine économique.

Dans ce contexte, le maintien d’une relation politique riche avec la Russie implique de la part de la diplomatie française un effort sérieux de réflexion sur nos intérêts et nos priorités. Cela demande aussi que, sans être complaisants à l’endroit du régime russe, nous prêtions attention à la détérioration de l’image de la Russie en France, et symétriquement de l’image de la France en Russie, car cette tendance ne peut que nuire à la densité et à la qualité des relations bilatérales.

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La politique française et européenne vis-à-vis de la Russie

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Isabelle Facon,

audition par Chantal Guittet et M. Thierry Mariani, Assemblée nationale (commission des Affaires étrangères)

, 6 mars 2014

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