Hugo Tierny
22 novembre 2021 Version PDf
« Taïwan ne capitulera pas », déclarait très récemment au Wall Street Journal son ministre de la Défense, Chiu Kuo-cheng (邱國正), ajoutant un constat : « la situation actuelle est la plus difficile depuis que j’ai rejoint les forces armées voici quatre décennies »CHIU Kuo-cheng (邱國正), “Taiwan won’t capitulate to China”, The Wall Street Journal, November 4, 2021. Lire également l’interview du directeur du think tank taïwanais INDSR : “Taiwan is dealing with an adversary that is fighting a war on the physical, psychological and cyber fronts with much bigger resources”, FRS Taiwan Program on Security and Diplomacy, April 12, 2021..
Bien que l’augmentation de la tension militaire entre Washington et Pékin ne trouble guère la quiétude de Taïwan, rompue à 70 ans de rhétorique guerrière chinoise, ses responsables politiques et militaires alertent régulièrement du danger créé par le glissement de l’équilibre des forces interdétroit en faveur de Pékin. Comprendre la valeur éminemment géostratégique de Taïwan pour la Chine est critique pour saisir pourquoi ce basculement induit un sérieux risque de déstabilisation régionale. C’est l’objectif de la présente note, qui s’appuie en premier lieu sur des sources chinoises.
Pour la Chine, Taïwan constitue depuis plusieurs siècles une porte vers l’océan Pacifique, représentant à la fois une vulnérabilité et une opportunité. La mémoire de son utilisation par les rivaux japonais et américain, soit comme point d’appui pour une invasion, soit comme moyen de pression militaire, influence profondément sa perception d’encerclement maritime et sa quête de profondeur stratégique.
Vulnérabilité d’abord, car Taïwan continue à constituer, du point de vue de Pékin, un obstacle à ses ambitions et un péril pour sa sécurité. L’archipel est perçu en Chine comme le pivot de son encerclement naval par les Etats-Unis et comme le centre de la « première chaîne d’îles » s’étirant du Japon à l’Indonésie, la confinant dans ses mers proches (mer Jaune, mer de Chine orientale et mer de Chine méridionale).
Opportunité ensuite, car en prenant le contrôle de Taïwan, la Chine espère obtenir un levier pour affaiblir les Etats-Unis et le Japon, pérenniser son influence sur l’Asie maritime, et se projeter sans entrave dans l’océan Pacifique.