Maki Kobayashi-Terada
22 mars 2023 Version PDf
Diplômée de l’Université de Kyoto (Faculté de droit) et de l’École nationale d’administration (Promotion Léon Gambetta), et après avoir été en poste à l’Ambassade du Japon en France, Maki Kobayashi-Terada a notamment travaillé à la Division de l’Asie du Sud-Est, à la Division des politiques de l’ONU, à la Délégation du Japon auprès de l’OCDE (commerce et investissement), à la Section économique de l’Ambassade du Japon en Malaisie, à la Direction des traités économiques, à la Direction des affaires du Mexique, de l’Amérique centrale et des Caraïbes et à la Direction des politiques européennes.
Question 1 : Quelle est l’importance des pays d’Amérique latine et des Caraïbes pour le Japon ?
Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes (ALC), malgré leur hétérogénéité au sein de la région, sont étroitement liés entre eux et sont très actifs sur la scène internationale. Leurs langues, en grande majorité l’espagnol, mais aussi le portugais, l’anglais ou le français, constituent un solide support pour leur pouvoir d’influence, fondé sur les échanges universitaires ou d’opinions au niveau interrégional tout en contribuant à toucher une communauté internationale plus large.
Nous partageons avec l’ensemble de ces Etats des valeurs fondamentales telles que la démocratie, les droits de l’homme, l’état de droit et le respect de l’intégrité territoriale. Les votes des pays de l’ALC aux Nations unies concernant l’agression contre l’Ukraine le démontrent clairement. Nous faisons également face à des défis communs, causés par le changement climatique, les maladies infectieuses ou les catastrophes naturelles. Nous sommes donc partenaires pour lutter pour les mêmes causes et contre les défis communs.
Les pays d’ALC sont également riches en ressources naturelles et disposent de bons réseaux de libre-échange et d’investissement, avec des capacités de production très développées. De nombreuses entreprises japonaises sont présentes dans ces pays et bénéficient d’abondantes opportunités d’investissement et de commerce. Elles travaillent en étroite collaboration avec les entreprises et les communautés des pays de la région. En ce qui concerne les efforts mondiaux de décarbonisation, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes disposent également d’importantes sources d’énergie verte, ainsi que de minéraux indispensables dans le cadre de la transition vers une énergie propre.
Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes étant des partenaires traditionnels très importants du Japon, nous avons travaillé en étroite collaboration pour favoriser le développement économique et la stabilité sociale dans la région. Comme l’avait annoncé feu le Premier ministre Abe lors de sa visite dans la région en 2014, nous nous sommes efforcés de grandir ensemble, de mener ensemble des discussions internationales et de nous inspirer mutuellement au cours des dix dernières années. Aujourd’hui, dans les difficiles circonstances actuelles, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes sont des acteurs encore plus importants pour maintenir l’ordre international et restaurer la gouvernance, pour garantir la sécurité économique et pour assurer une croissance et une stabilité plus durables. Lors de sa visite dans la région en janvier 2023, le ministre des Affaires étrangères Hayashi a souligné l’importance de disposer de réseaux de solidarité avec les pays de l’ALC à ces fins.
Le Japon entretient des liens particuliers avec les pays de l’ALC, et plus particulièrement avec l’Amérique latine, qui a accueilli de nombreux immigrants japonais depuis plus d’un siècle. Environ 60 % des immigrants japonais et de leurs descendants dans le monde se sont installés en Amérique latine. Leur pleine intégration dans les sociétés locales et leurs contributions sont des facteurs qui ont aidé à établir et faciliter les liens culturels et interpersonnels. Ces liens ont joué un rôle significatif dans l’établissement de partenariats importants entre le Japon et les pays d’Amérique latine.
Question 2 : Quel rôle la région ALC peut-elle jouer dans la défense d’un ordre international fondé sur des règles ?
Les pays de l’ALC partagent les valeurs fondamentales et soutiennent l’intégrité territoriale et le non-recours à la force pour modifier le statu quo ou pour résoudre quelque problème que ce soit sur la scène internationale. Les pays de la zone ALC ont lutté pour la démocratie et la liberté, et les habitants de la région croient fermement en la nécessité d’un ordre international fondé sur des règles.
Face à la situation difficile qui prévaut actuellement sur la scène mondiale, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes partagent un sentiment d’urgence à travailler ensemble pour défendre et restaurer un ordre international fondé sur l’état de droit, et assurer ainsi la stabilité économique et sociale indispensable à la prospérité.
La position des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, ainsi que leur capacité de production alimentaire, minérale ou industrielle, ont accru leur importance, en cette période critique, au sein de la communauté internationale.
D’une part, étant donné qu’ils communiquent étroitement dans divers contextes sous-régionaux ou régionaux et qu’ils sont des participants très actifs dans les différents forums internationaux, nous nous attendons à ce que les pays d’Amérique latine et des Caraïbes puissent mener ensemble des discussions impliquant des universitaires ou des médias sur des questions d’intérêt mondial. Nombre d’entre eux ont travaillé de manière proactive sur les questions de non-prolifération ou de désarmement, sur les questions de changement climatique ou, de manière plus générale et plus importante aujourd’hui, sur le respect de la Charte des Nations unies et le renforcement du système onusien. Les pays ALC peuvent persuader d’autres pays et parties prenantes, qui n’osent parfois pas prendre position, de défendre des causes communes et de protéger des intérêts mutuels.
D’autre part, l’énorme capacité économique des pays d’Amérique latine et des Caraïbes contribuera à assurer la résilience économique de ceux qui pourraient avoir besoin de diversification ou qui pourraient être confrontés à la coercition économique. Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes ont conclu ou sont en train de négocier de nombreux réseaux d’accords de libre-échange à l’intérieur et à l’extérieur de la région, ce qui renforce les chaînes d’approvisionnement, accroît la liberté des échanges et élargit la sphère des règles d’investissement.
Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes étant de fervents défenseurs de l’intégrité territoriale et rejettent la coercition économique ou le recours à la force pour modifier le statu quo, et qu’ils soutiennent également tout ce qui peut renforcer la résilience économique et sociale, leurs prises de positions et leurs messages constituent une force importante pour rassembler les voix des puissances moyennes ou plus petites afin de soutenir ces principes.
Question 3 : Comment le Japon et l’Union européenne (UE) peuvent-ils mieux coopérer dans la construction d’un ordre international fondé sur des règles avec l’ALC et le soutien au multilatéralisme ?
L’Union européenne et ses États membres, plus que toute autre partie du monde, sont des acteurs importants dans une région à laquelle ils sont liés historiquement, culturellement et économiquement.
Étant donné que les pays d’ALC deviennent de plus en plus importants du fait de leur rôle dans la sécurité économique et compte tenu également de notre convergence sur le refus de changement du statu quo par la force, le Japon et l’UE peuvent travailler ensemble pour renforcer la solidarité avec les pays d’ALC. Pour atteindre cet objectif, nous soutiendrons conjointement la croissance durable et inclusive de la région, notamment par la transformation numérique et la transformation verte. Le Japon et l’UE, en recourant à la contribution au développement ou à la coopération entre le secteur privé et le secteur public sur la base de projets de qualité, peuvent proposer des options positives afin de soutenir la résilience des pays d’ALC, notamment en tenant compte des conséquences du changement climatique sur le développement.
Nous devons développer nos dialogues avec nos partenaires d’Amérique latine et des Caraïbes afin de nous écouter mutuellement, de partager nos compréhensions et nos réflexions et de trouver ensemble les moyens de restaurer la paix et l’ordre pour notre avenir durable. Chacun d’entre nous doit multiplier les discussions avec les parties prenantes de la région, sur un plan bilatéral ou dans le cadre de forums internationaux au niveau politique, entre les fonctionnaires ou les groupes de réflexion. C’est le meilleur moyen de construire une coopération solide fondée sur des valeurs et un développement axé sur des intérêts communs à long terme.