Upsetting the nuclear order: how the rise of nationalist populism increases nuclear dangers
Observatoire de la dissuasion n°95
mars 2022
Pour Oliver Meier et Maren Vieluf, la montée du « populisme nationalisme » dans plusieurs Etats possédant des armes nucléaires est un phénomène inquiétant qui a des conséquences pour l’ordre nucléaire mondial. Les deux experts de l’ISFH s’attachent tout d’abord à identifier les caractéristiques d’un gouvernement combinant nationalisme et populisme, notamment en matière de politique étrangère et de politique de défense. Ils identifient les gouvernements de Donald Trump, aux Etats-Unis, Boris Johnson, au Royaume-Uni, Narendra Modi, en Inde et Vladimir Poutine, en Russie, comme caractéristiques de ce système politique, même si d’autres dirigeants peuvent également se montrer populiste-nationaliste dans d’autres pays avec des conséquences moins visibles dans le domaine nucléaire (Pakistan, Turquie, Israël).
Les auteurs identifient trois domaines majeurs dans lesquels ce type de politique peut avoir un impact en matière nucléaire. Tout d’abord, le discours, avant tout construit pour satisfaire une base électorale au sein du pays, est souvent moins structuré que dans un cadre traditionnel. S’appuyant sur des exemples récents et connus, ils montrent que l’utilisation de Tweeter et la volonté de casser les codes verbaux traditionnels peut conduire à banaliser les armes nucléaires, à les idéaliser, et de manière générale à créer une forte confusion pour les acteurs extérieurs qui peut conduire à une escalade en cas de crise.
Deuxièmement, la manière dont les décisions sont prises par ce type de gouvernement peut aussi être dangereuse. Ainsi, l’accent est souvent mis sur l’action instinctive du dirigeant plutôt que sur des processus collaboratifs et délibératifs longs de l’élite administrative. En cas de crise, le dirigeant peut avoir une politique exagérément personnelle, avec des prises de risques importantes. L’inquiétude provoquée par ce type de comportement a été visible sous l’administration Trump mais aussi au Royaume-Uni où des hauts gradés militaires ont cherché à s’insérer dans le processus décisionnel ou à atténuer la portée des ordres du commandant en chef. A l’inverse, en temps de de paix, les dirigeants peuvent avoir un certain désintérêt pour la gestion quotidienne des affaires, qui se traduit par une absence de contrôle politique sur les décisions prises par l’administration.
Enfin, Oliver Meier et Maren Vieluf notent le manque d’intérêt de ce type de gouvernants pour les institutions internationales ainsi que les alliances traditionnelles, notamment en raison du centrage quasi-exclusif sur les intérêts nationaux. La volonté d’effectuer des gains à court-terme, la logique de transaction, et les efforts systématiques pour dévier des routes institutionnelles peuvent endommager durablement le système international dans ce domaine. La volonté de se libérer de toute contrainte peut conduire à décrédibiliser la protection d’un allié, un problème particulièrement regrettable dans le contexte de la pratique de la dissuasion élargie. Par ailleurs, à l’inverse, lorsqu’un allié est gouverné par une administration populiste-nationaliste, il peut être plus difficile pour ses protecteurs de garantir leur soutien.
Pour les deux experts allemands, l’expérience de l’élection de partis populistes-nationalistes dans les années récentes dans plusieurs pays nucléaires, y compris des démocraties anciennes, montre la fragilité du discours selon lequel certains Etats nucléaires seraient plus responsables que d’autres, et selon le risque lié aux armes nucléaires ne serait cantonné que dans certains Etats « déviants ». Les auteurs concluent donc en pointant les dangers pour l’ensemble du système international liés à ces évolutions politiques qu’ils craignent durables.
Upsetting the nuclear order: how the rise of nationalist populism increases nuclear dangers
Oliver Meier & Maren Vieluf
Bulletin n°95, février 2022