« Missiles de croisière stratégiques » nord-coréens : programmes connus et essais récents
Observatoire de la dissuasion n°117
Emmanuelle Maitre,
mars 2024
En janvier 2024, la Corée du Nord a procédé à quatre tirs de missiles de croisière qualifiés de « stratégique », permettant de confirmer l’intérêt de Pyongyang pour ce type de système. Pour rappel, le premier essai de missile de croisière pouvant emporter des armes nucléaires a été annoncé par le régime en septembre 2021Emmanuelle Maitre, « Développement de missiles de croisière par la Corée du Nord », Bulletin n°95, Observatoire de la Dissuasion, février 2022.. Néanmoins, comme souvent concernant l’arsenal nord-coréen, les annonces, les photographies publiées et les désignations des différents missiles ne sont pas dénuées d’ambiguïté, et il peut être difficile de comprendre si les différents missiles testés sont des versions successives d’un même modèle ou des systèmes différents.
En effet, il a fallu attendre février 2023 pour que la Corée du Nord donne publiquement le nom de Hwasal‑2 aux missiles de croisière exhibés. Par déduction, il a été supposé que le modèle essayé à partir de 2021 était le Hwasal‑1. Les deux systèmes sont très proches, avec comme principale différence observable de manière évidente la couleur, le Hwasal‑1 étant a priori noir et le 2 blanc« Recent Missile & Nuclear Developments of North Korea », Ministère de la Défense, Japon, août 2023.. Par ailleurs, le conduit d’entrée d’air du Hwasal‑2 semble plus long.
En haut : missile le plus souvent désigné comme Hwasal-1 En bas : missile le plus souvent désigné comme Hwasal-2. Crédits : KNCA.
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Selon certaines sources, le Hwasal‑2 aurait une longueur d’environ 7 mètres, un diamètre de 60 cm, une masse au lancement de 1 300 kg et pourrait emporter des têtes de 400 kgRidzwan Rahmat, « North Korea test-fires Hwasal-2 cruise missile », Janes, 31 janvier 2024.. La portée du Hwasal‑2, annoncée par la Corée du Nord autour de 2 000 km, serait supérieure à celle du Hwasong‑1, qui aurait une portée de 1 500 kmVann Van Diepen, « North Korea Launches Four “Hwasal-2” LACMs to Show Strong Deterrence and Rapid Response », 38th North, 1er mars 2023..
Néanmoins, KCNA a récemment inversé la nomenclature en légende à des photographies des deux systèmes, ce qui peut être une erreur ou une indication sur le fait que les références précédentes pouvaient concerner alternativement l’un ou l’autre des systèmesJoseph Dempsey, Twitter, 3 février 2024 et Taepodong, Twitter, 5 février 2024..
En parallèle, la Corée du Nord a annoncé le 12 mars 2023 le tir depuis le sous-marin « 8.24 Yongung » ou Héros du 24 août d’un missile de croisière stratégique non spécifié.
Le 24 et le 28 janvier 2024, Pyongyang a annoncé le tir d’un nouveau système, nommé Pulhwasal‑3‑31. Aucune information technique n’a été communiquée, si ce n’est le fait que le missile de croisière, de nature stratégique, donc vraisemblablement à capacité nucléaire, puisse être lancé depuis un sous-marin. L’agence de presse nord-coréenne KCNA a indiqué que Kim Jung-un avait assisté au second tir de ce missile « en développement »Kim Soo-yeon, (3rd LD) « N.K. leader oversees submarine-launched cruise missile test: state media », Yonhap News Agency, 29 janvier 2024.. Selon ces informations, les missiles auraient volé en mer Jaune/mer de l’Est pendant près de 2 heures sur environ 1 500 km pour atteindre un îlot utilisé comme cible. Sans autre précision, il est impossible de vérifier les informations nord-coréennes selon lesquelles le missile aurait prouvé pendant les essais son « efficacité » et sa « précision ». On ignore en particulier si le tir a bien été effectué d’un sous-marin ou s’il s’agissait d’une simple barge. Dans le cas d’un tir depuis un sous-marin, aucune image ne permet pour l’instant d’indiquer si le bâtiment était en plongée ou en surface. Par ailleurs, d’autres images seront nécessaires pour confirmer si le Pulhwasal‑3‑31 peut être lancé depuis les tubes-torpilles de 533 millimètres de diamètre qui équipent la plupart des sous-marins d’attaque nord-coréens (et certains bâtiments de surface)Colin Zwirko, « North Korea conducts third cruise missile test in last week: ROK military », NK News, 30 janvier 2024.. En février 2023, il avait été noté que le SLCM tiré depuis le sous-marin d’entraînement Yongung (Héros du 24 août) aurait pu être monté à bord des tubes traditionnellement utilisés par les missiles balistiques, ou fixés à l’extérieur de la coqueJoseph Dempsey, « Pyongyang’s Sea Cruise », Military Balance Blog, IISS, 28 avril 2023.. En dehors du missile en lui-même, c’est donc l’adaptation de la flotte qui est requis pour pouvoir parler d’une nouvelle capacité nucléaire opérationnelle.
En revanche, l’objectif affiché, à savoir l’utilisation de ces capacités de frappe pour « construire une force navale puissante » semble clair, Kim ayant rappelé en janvier 2024 que « l’armement militaire de la Marine est une tâche urgente en ce moment et un prérequis central pour construire la force nucléaire stratégique de l’État »Kim Soo-yeon, op. cit..
« Missiles de croisière stratégiques » nord-coréens : programmes connus et essais récents
Bulletin n°117, février 2024