Justifying Attacks on Nuclear Facilities
Observatoire de la dissuasion n°118
avril 2024
Suite aux attaques russes sur les centrales de Zaporijjia et de Tchernobyl, les auteurs cherchent à comprendre dans quelles mesures le cadre juridique actuel régule ce type de ciblageLudovica Castelli et Olamide Samuel, « Justifying attacks on nuclear facilities », The Nonproliferation Review, 7 février 2024.. En effet, dans le contexte de la guerre en Ukraine, certains auteurs ont appelé à l’instauration de nouvelles règles de droit international visant à interdire le ciblage d’installations nucléaires. D’autres ont jugé que des protocoles aux conventions de Genève, mais également la Convention d’interdiction des actes de terrorisme nucléaire et l’amendement de 2005 à la convention sur la protection physique des matières nucléaires disposent déjà de telles interdictions mais souffrent d’un problème de mise en œuvre effective. Les auteurs du papier notent néanmoins que les normes existantes n’ont pas empêché de nombreux pays de cibler des installations nucléaires depuis la Seconde Guerre mondiale. De fait, les protocoles aux conventions de Genève ont des limites puisqu’ils admettent la légalité de s’en prendre à des installations nucléaires si celles-ci contribuent de manière significative aux opérations militaires. Par ailleurs, plusieurs États importants et militairement actifs ne les ont pas ratifiés.
En observant les précédents historiques (Iran en 1980 et Israël en 1981 sur le centre nucléaire irakien de Tuwaitha, Irak entre 1984 et 1988 sur les réacteurs iraniens de Bouchehr, États-Unis entre 1991 et 1993 sur les installations nucléaires irakiennes, Israël en 2007 sur le réacteur de Al-Kitar en Syrie), les auteurs notent des condamnations irrégulières et souvent peu nombreuses de la communauté internationale, potentiellement du fait de dommages limités et de l’absence de retombées radioactives ou des objectifs de non-prolifération ou de contre-prolifération des frappes.
Ils rappellent également l’échec des efforts diplomatiques menés en particulier à la conférence du désarmement pour négocier une convention d’interdiction des armes radiologiques interdisant les frappes sur les installations nucléaires ou pour interdire de manière plus large d’utiliser les retombées radiologiques comme une arme de guerre. Le protocole de la CPPMM et la CIANT ont représenté des progrès dans la mise en œuvre d’une norme en la matière, mais ces deux textes ne s’appliquent pas dans le cas le plus fréquent d’une attaque délibérée d’origine étatique. Au niveau bilatéral et régional, deux textes ont été plus ambitieux, notamment l’accord de non-attaque mutuelle des installations nucléaires indo-pakistanais, et le Traité de Pelindaba établissant une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique qui interdit à ses États signataires de viser des installations nucléaires dans le cadre d’attaquées armées.
Dans ce contexte, si les actions militaires de la Russie autour de la centrale de Zaporijjia ont largement choqué l’opinion internationale et conduit à des réflexions diplomatiques sur la meilleure manière de prohiber ce type d’attaque, les auteurs notent les difficultés réelles se posant à l’adoption d’une norme internationale à ce sujet, difficultés liées à la prise en compte d’intérêts et de perspectives divergents dans le domaine de la non-prolifération et de la sécurité nucléaire en particulier.
Justifying Attacks on Nuclear Facilities
Bulletin n°118, mars 2024