L’IEM-HA, préoccupation légitime ou obsession ?

La préoccupation américaine à l’égard de l’effet IEM-HA (impulsion électromagnétique nucléaire – haute altitude) date du début des années 1990, lorsque les analystes se sont interrogés sur les modes d’action possibles de futures nouvelles puissances nucléaires. « Nous n’avons pas payé l’impôt IEM », entendait-on dans les milieux stratégiques américains au milieu de cette décennie-là, constatant l’absence de protection de nombreuses infrastructures américaines contre cette menace potentielle.

Il est courant de lire sous la plume d’excellents experts que cette menace serait surévaluée : il est vrai que les effets d’un tir destiné à exploiter l’effet IEM-HA sont encore mal connus (les essais destinés à les évaluer ayant eu lieu dans les basses couches de l’atmosphère) et souvent exagérés, et que le tir difficile à calibrer ; de ce fait, l’adversaire prendrait, selon cette argumentation, un grand risque à vouloir exploiter cet effet sans certitude aucune sur son impact direct et indirect dans les différents milieux (terre, air, espace, cyberespace).

Ce questionnement est bien connu et il est compréhensible que l’on puisse se moquer de « l’obsession IEM » chez certains milieux républicains.

Il est vrai que nombre d’experts d’obédience républicaine – et des personnalités nationales de premier plan telles que Newt Gingrich, Mike Huckabee ou James Woolsey, relayées par des think-tanks tels que la Heritage Foundation – ont cru bon, au cours des vingt dernières années, de sonner l’alarme sur le risque d’un tir IEM au-dessus du territoire américain. D’où la création par le Congrès d’une commission spéciale destinée à évaluer ce risque en 2001, reconduite en 2006, et recréée en 2015, notamment au vu des progrès nucléaires de la Corée du Nord.Commission to Assess the Threat to the United States from Electromagnetic Pulse (EMP) Attack, http://www.empcommission.org/

Certains commentateurs ont mis cela sur le compte de l’obsession du « survivalisme » qui caractérise une partie de la population américaine, et qui se retrouve largement dans l’électorat de M. Trump. Le survivalisme « post-IEM » est d’ailleurs décliné dans de nombreux romans, films et séries télévisées.

Dès lors n’est-il pas surprenant que Donald Trump ait été suffisamment convaincu par son entourage pour signer, le 26 mars 2019, un décret ordonnant de réexaminer la résilience des infrastructures américaines à l’effet IEM.Executive Order on Coordinating National Resilience to Electromagnetic Pulses, The White House, 26 mars 2019.

Pour autant, il est peu convaincant de parier sur le fait qu’aucun adversaire des pays occidentaux n’oserait choisir ce mode de franchissement du seuil nucléaire – surtout si c’est pour suggérer à titre d’argumen­tation définitif « qu’il est beaucoup plus facile de détruire une ville avec une bombe ».Peter Singer cité in Aaron Mak, « Why Are Right-Wingers So Obsessed With Electro-Magnetic Pulses ? », Slate, 31 mai 2019.

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L’IEM-HA, préoccupation légitime ou obsession ?

Bruno Tertrais

Bulletin n°66, juin 2019



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