La découverte d’hydrocarbures au Kenya en décembre 2012 prolongeait une série d’explorations menée avec succès dans les autre pays du grand rift africain. Les premiers puits pétrolifères kenyans, synonymes d’une énergie à moindre coût et d’exportations, ont été trouvés dans le territoire le plus en marge du pays : le Turkana.
Terre d’extrêmes, le Turkana est le plus grand comté (77500 km2), mais aussi le plus pauvre : 87,5% de sa population vit sous le seuil de pauvreté1 (1,25 dollar par jour), contre 45,2% à l’échelle nationale. Sa population d’environ 1 million d’habitants se compose pour moitié de réfugiés (essentiellement somaliens, sud-soudanais et burundais) se répartissant dans une quinzaine de camps. De ce fait, la densité réelle se situe entre 3 et 5 habitants par km2. Les précipitations y sont très basses (entre 100 et 200mm par an), et reflètent un climat aride et semi-aride.
Or cet espace peuplé de Turkana, bordé par différents groupes ethniques (Pokot, Samburu Barengo, Dassentch, Nyangatom…), où les échanges en numéraire sont rares, où la violence est régulièrement présente2, où 50 000 armes à feu circuleraient3, va connaitre plusieurs mutations majeures en quelques années.
Outre le pétrole, d’importantes réserves d’eau souterraine ont été découvertes en 2013. De plus, l’environnement naturel et humain du lac Turkana, qui marque la limite Est du comté, est menacé par la valorisation énergétique et agricole en Éthiopie de son principal affluent, le fleuve Omo.
Ainsi dans cinq à six années, le pétrole commencera à être exploité ; un oléoduc reliant les puits au littoral sera construit ; de nouveaux périmètres irrigués auront probablement été aménagés ; l’électrification au moins de la partie Sud du comté aura été améliorée ; des lignes à haute tension connecteront au réseau électrique national le Turkana et un grand parc éolien au sud du Lac; le lac Turkana aura déjà subi les effets de la mise en eau du barrage de Gibe III en Éthiopie, prévue fin 2014, et de la culture de centaines de milliers d’hectares de plantes sucrières dans la basse vallée de l’Omo…